Notes- sur les entretiens spirituels 2/4

301. L’ORDRE ET L’EFFET DE LA MANIFESTATION.
La Réalité se manifeste d’abord en tant que Conscience, et la Conscience manifeste l’objet ensuite. Si l’on dit qu’une chose manifeste un autre objet, la première se manifeste réellement elle-même, en tant qu’arrière-plan de la seconde. Le rocher se manifeste comme arrière-plan du visage. Ainsi, la Conscience manifestant des perceptions signifie que la Conscience reste comme arrière-plan et que les perceptions y apparaissent et disparaissent.
Lorsque vous voyez une chaise, il est admis sans le dire que l’espace tout autour est éclairé par la lumière grossière. Mais cette lumière, par elle-même, n’est perceptible à l’œil nu que par rapport à un objet ; et donc elle n’est généralement pas notée ou soulignée. De même, la présence de la Conscience est la plus essentielle pour rendre possible toute perception.
Par conséquent, la manifestation de toute perception prouve d’abord l’existence de la Conscience, et ensuite seulement elle prouve l’objet illuminé. Sans être conscient de vous-même, il ne vous sera jamais possible d’être conscient des objets.
Mais la partie de conscience de soi est généralement ignorée. C’est cette Conscience qui doit être soulignée.

dehabhimane galite vijñate paramatmani
yatra yatra mano yati tatra tatra samadhayah
Sri Shankara tradition, Drig-drishya-viveka, 30
Lorsque le concept corporel est dépassé
et que la vérité du Soi est réalisée
partout où l’esprit peut atteindre
sont des états où l’esprit se trouve dissous.

yadi deham prthak-krtya citi vizramya tisthasi.
adhunai ‘va sukhi zanto bandha-mukto bhavisyasi ..
Ashtavakra-samhita, 1.4
Si vous séparez le corps, vous vous tenez au repos dans la conscience, alors vous venez à la paix et au bonheur ici et maintenant, où vous êtes libre de tout lien et de toute contrainte.

Même après être séparé du corps, l’esprit peut continuer, mais il est toujours vu comme fonctionnant tourné vers la Réalité (vers l’intérieur).

302. QU’EST-CE QUE L’ADVAITA VEDANTA ?
En examinant les trois états, nous constatons que le principe « Je » est immuable et que de cet immuable, le bonheur et la connaissance sont les caractéristiques. Voilà, en bref, l’ensemble du Vedanta – qui doit non seulement être compris, mais aussi vécu sincèrement.

303. QUE SE PASSE-T-IL LORSQUE LE GURU PARLE AU DISCIPLE ? 
« C’est la Vérité qui dit la Vérité à la Vérité. C’est la Vérité à ce sujet. »
Lorsque le Guru parle au disciple, cela crée une profonde conviction chez le disciple concernant le point en question ; et il devient de plus en plus attaché au Guru.

1er février 1952

304. L’APPARENCE EST TOUJOURS TROMPEUSE. 
Notre expérience est que nous entendons le tonnerre longtemps après la foudre. Mais le fait est que les deux se sont produits simultanément. Par conséquent, juste au moment où nous entendons un son, aucun son correspondant n’existe plus réellement. Il a déjà subi des changements et a disparu. Ainsi, même dans le monde grossier, nous voyons qu’aucune perception n’est vraie, au fur et à mesure qu’elle apparaît.

305. IL EST SOUVENT DIT : « C’EST CELA. » QU’ EST CE QUE CELA SIGNIFIE ?
Les concepts de temps et d’espace, « alors » et « là », ajoutés à une chose = « cela »
Les concepts de temps et d’espace, « maintenant » et « ici », ajoutés à une chose = « ceci » Enlevez l’espace et le temps des deux, et ce qui reste n’est ni « cela » ni ‘ceci’.
C’est l’Atma qui transcende le temps et l’espace.

2 février 1952

306. LA CONCENTRATION.
La concentration n’est pertinente que si l’on suppose que l’esprit est par nature distrait. Mais le fait est autre. L’esprit est toujours concentré. Mais, par souci d’argumenter, disons que l’esprit est distrait. Deux approches peuvent être adoptées pour atteindre la concentration. 
1. En appliquant continuellement l’esprit à un objet ou à un idéal particulier et en essayant ainsi de s’élever au-dessus de la distraction. La concentration obtenue par ce moyen n’est que temporaire.
2. En examinant l’esprit lui-même et en découvrant qu’il n’est jamais distrait, puisqu’il ne peut jamais prendre deux pensées simultanément. Sachant cela, cela vous emmène profondément au-delà même de la concentration, un long chemin vers la Réalité.

307. LA FAUSSE IDENTIFICATION – COMMENT CA MARCHE ? 
Les activités du corps, des sens et de l’esprit ne dépendent pas d’elles-mêmes. Seul le « je » connaît les pensées. Mais le « je » ne s’exprime pas. Par conséquent, pour corréler deux pensées, le mental est utilisé. L’esprit s’identifie au « je » et travaille au nom de la « mémoire ».
IL peut être dit, du point de vue de la dualité, que le jiva individuel s’imprègne des expériences du témoignage des états. Mais on peut se demander : « Est-ce possible ? » C’est le cas. Si le jiva peut revendiquer l’aspect sat-cit-ananda de la Réalité, pourquoi pas cela ?
En écoutant le Guru, vous réalisez la Vérité, ici et maintenant. Vous n’avez qu’à vous y accrocher pour l’emporter immédiatement.

308. LE SUJET DE L’ÉTAT DE VEILLE NE PEUT PAS DISCUTER DES RÊVES.  (5)
Toutes les questions sur les rêves sont facilement éliminées. Le sujet éveillé qui pose audacieusement le problème est le plus incompétent pour le faire, car lui-même est entièrement absent dans l’état de rêve. De plus, l’état de rêve n’est pas un état de rêve lorsqu’il est réellement expérimenté. C’est alors un état de veille clair en ce qui concerne le sujet rêveur. Les trois états sont considérés par les shastras comme des upadhis pour le témoin, et comme des qualités pour le jiva.

sthulavum suksmavum karanam ennatum
mulamam cittinullorupadhi trayam
Eruttacchan
[Le « grossier », le « subtil » et le « causal » :
à la base, ces trois éléments
ne sont que des expressions de la conscience.]                              

5 février 1952

309. QUI IDENTIFIE ?
« Qui identifie ? » Est une question parfois posée. L’identification est le parent de celui qui fait. La question présuppose un parent pour l’identification, et met un faiseur devant elle. Dans la question, l’Atma et l’anatma sont toutes deux considérées comme réelles et à égalité l’une envers l’autre. Cela ne devrait pas être. Anatma n’est qu’une illusion, et toutes les questions viennent de cette illusion seule.

8 février 1952

310. LA CONTEMPLATION DE L’ASPECT TÉMOIN.
Lorsque l’attention de l’esprit est dirigée vers le témoin silencieux, l’esprit doit s’accorder avec la nature du témoin et devenir silencieux également, ou bien l’esprit doit être dissous dans le témoin. (L’action mécanique est l’esprit qui se solidifie, pour ainsi dire) L’avantage de l’aspect témoin est qu’il supprime l’erreur de base. Cet aspect de la Réalité est donc le mieux adapté à la contemplation.

10 février 1952

311. QUELLE EST LA TRACE DE L’ÉTAT DE NIRVIKALPA ?
Quelque chose vous tire inévitablement de cet état. Ce doit évidemment être le sentiment que vous y êtes entré par vos propres efforts. Il est donc transitoire. D’ailleurs quand vous en ressortez, vous revoyez un monde inexpliqué ; parce qu’il reste quelque chose du monde en vous.

312. LES CHEMINS DE BHAKTI ET DE JNYANA.
La Bhakti paralyse votre ego et vous fait vous sentir égal au brin d’herbe le plus insignifiant ; et vous concevez votre Dieu comme étant l’Absolu concevable. Ainsi, lorsque votre ego est enfin perdu, vous atteignez automatiquement la position de la Divinité.
Mais jnyana vous amène, étape par étape, par l’usage de la discrimination ou de la raison supérieure ; atténuant l’ego petit à petit chaque fois, jusqu’à ce que l’ego soit enfin mort. Par ce processus, vous transcendez l’esprit et la dualité et atteignez la Réalité ultime.

11 février 1952

Le bhakta ignorant choisit toujours de rester en tant qu’ego au niveau dvaitique ; et de rendre hommage au Dieu personnel, distinct et séparé de lui.
Mais le bhakta dont la dévotion a reçu une touche advaitique d’un Karanaguru conçoit son Dieu personnel comme Atmamurti, établissant ainsi un lien direct et permanent de relation avec Lui.
Ainsi, le Krishna de Radha était le témoin, et Radha était l’ego. Cette approche, en soi, mène à la Vérité ultime.

313. LES PENSÉES.
Les pensées peuvent être vues avec le même avantage de trois façons différentes, par rapport à vous-même. Vous pouvez choisir une ou plusieurs de ces façons. 
1.     En tant que pure Conscience, elles sont alors vous-même en substance. 
2.     Comme brillant dans votre propre lumière, elle pointe vers votre vraie nature.
3.     En tant que témoin, vous êtes vous-même le témoin désintéressé.

314. COMMENT FAIRE FACE AUX ÉMOTIONS ? 
Vous pouvez affronter vos émotions avec succès de deux manières :
1.     En essayant de voir que vous êtes le témoin silencieux de l’émotion, sans faire violence au système. 
2.     En essayant de voir que l’émotion monte en vous, demeure en vous et disparaît en vous ; et ainsi est fait de votre vraie nature elle-même.
Dans les deux cas, l’émotion ne vous fait aucun mal.

12 février 1952

315. UN SAGE QUI A LAISSÉ SON ENVELOPPE MORTEL PEUT-IL ÊTRE UN GURU POUR UN NOUVEL ASPIRANT ? 
Non. Jamais. Quand un Sage quitte son enceloppe mortel, il ne reste rien à part l’Atma pur. Mais si la relation a été directement établie lorsque le Sage était vivant, elle est suffisante pour conduire l’aspirant à la Vérité ultime.
Le fait qu’une telle relation Guru-disciple ait été directement établie n’est connu que du Guru.
Le fait que le tattvopadesha régulier ait été transmis n’est pas non plus le critère. Si le disciple a un amour et une dévotion profonds pour la personne du guru qui est un Sage, cela suffit.  Rien de plus n’est nécessaire pour que le disciple, par le biais de la sâdhanâ ou de l’instruction du Guru, atteigne l’Ultime et s’y établisse.
Shri Vativishvarattamma (?) était un exemple vivant de ce fait. Même si le disciple est incapable au départ d’un amour et d’une dévotion si profonds pour le Guru, il n’y a aucune raison de se décourager. Parce que le guru est l’amour incarné. Même si l’aspirant est mentalement prêt à s’abandonner au Guru au niveau corporel, et s’il est prêt à écouter et à suivre les instructions du Guru au moins pour le moment, il est provisoirement accepté comme disciple. Plus tard, lorsque la Vérité lui est transmise dans l’ordre régulier, l’ensemble du Guru entre dans le disciple et y demeure. Ce n’est qu’alors que l’aspirant devient un disciple régulier et la relation s’établit à jamais.

316. QU’EST-CE QUE L’ABANDON ? 
L’abandon, en ce qui concerne l’homme ignorant, n’est que de upadhi à upadhi, au niveau du corps. Mais l’abandon spirituel signifie l’abandon de l’ego à Atma dans l’Un, Atma étant représenté par le Gourou.
Cela n’est possible qu’à un stade avancé, lorsque le disciple est capable de connaître l’impersonnel. Par conséquent, la vraie reddition n’est possible qu’après visualisation de la Vérité ; et elle ne peut jamais être exigée comme une qualification pour la réalisation, encore moins pour l’initiation.
Il est dit : « Le Guru est immanent en tout, en tant que pur Atma.
Mais il est immanent en particulier dans le disciple – à un degré beaucoup plus élevé, en raison de la relation. »

317. COMMENT UNE PENSÉE DU GURU, JUSTE AVANT CHAQUE ACTIVITÉ,
EST-ELLE UNE AIDE ?

Question : Nous pensons généralement au Guru avant de nous lancer dans une activité, spirituelle ou mondaine. Qu’est-ce que cela signifie ? 
Réponse : Elle apporte la présence vivante du Guru pour présider à toutes nos activités ou pour illuminer toute l’expérience.

318. COMMENT PUIS-JE EMPÊCHER QUELQUE CHOSE D’ÊTRE SUPERPOSÉ SUR MOI ?
Penser que vous êtes sat-cit-ananda vous emmène au-delà du simple aspect « objet »
Sat [existence] comprend toute la vie.
Par conséquent, aucun aspect particulier de la vie ne peut vous être superposé.
Cit [conscience] comprend toute pensée.
Aucune pensée ne peut donc vous être superposée.   
Ananda [le bonheur] comprend tous les sentiments.
Par conséquent, aucun sentiment ne peut vous être superposé. 
Par conséquent, vous vous tenez au-delà de la possibilité de toute superposition – sous forme de vie, de pensée ou de sentiment.

319. L’ACTIVITÉ EN TANT QUE SADHANA POUR S’ÉTABLIR DANS LA VÉRITÉ.
Après avoir visualisé la Vérité au-delà des doutes, mettez-vous cœur et âme dans n’importe quelle activité et perdez-vous en elle. C’est en soi une sadhana qui vous emmène à chaque fois dans la Réalité.
Ainsi, lorsque vous êtes absorbé par le travail, vous avez en même temps renoncé au travail. Si vous pouvez voir le monde entier – y compris votre propre corps – comme étant drishya (le visible), vous êtes libre ; et vous avez accompli ce qui doit être accompli.
Pour l’ignorant, « l’ignorance de la Conscience » recouvre l’objet ; mais, pour le Sage, la « Connaissance » le cache. Quand vous avez connaissance de la chaise, vous ne pensez pas au voir. Ce n’est que lorsque vous êtes interrogé que vous dites « j’ai vu ». Mais la Conscience se tient derrière la perception d’un Jnyanin, la Connaissance sans le connaître.
Il est dit : « Le monde ou le mental porte sur sa tête l’instrument de sa propre destruction. » De même aussi, correctement examiné, on peut constater que chaque question comporte sa propre réponse. En écoutant la Vérité des lèvres du Guru pour la première fois, vous vous élevez inconsciemment au plus haut niveau de compréhension et visualisez la Vérité.
Tout ce que vous avez à faire après cela est d’aller sciemment à la même hauteur et de visualiser la Vérité, aussi souvent que possible ; jusqu’à ce que cette Vérité devienne votre état naturel.

15 février 1952

320. LA RÉALITÉ DES ÉTATS COMPARES
Au niveau le plus bas, il y a les trois états : veille, rêve et sommeil profond. En les examinant de près, on constate qu’il n’y a que deux états – les états de sommeil profond et de rêve. En les examinant encore plus loin, on constate qu’il n’y a que l’état de sommeil profond.
En examinant de plus près le sommeil profond, il s’avère qu’il n’y n’est pas un état du tout. Les états de rêve et de veille ne sont que des apparitions sur le sommeil profond. C’est en et à travers Moi que toutes les activités ont lieu.  Mais l’erreur est commise dans la tentative d’objectiver ce moi non-acteur et ses expériences, exactement comme dans d’autres activités.

16 février 1952

321. « POURQUOI DEVRAIS-JE VIVRE ? » OU « POURQUOI DEVRAIS-JE MOURIR ? »
Ce sont des questions très souvent posées. Chaque question elle-même implique clairement la réponse que je ne veux pas vivre, ou que je ne veux pas mourir. Réduisant la question à ses fondamentaux, sous la forme la plus générale, elle apparaît comme : « Pourquoi devrais-je ? » À cette question, personne ne veut ajouter la réponse négative implicite comme ci-dessus. Par conséquent, ces questions ne sont pas pertinentes. Donc, sous sa forme particulière également, la question ne peut pas se poser.
Le mental, dans ses fonctions, se déplace soit vers l’avant vers quelque chose, soit vers l’arrière vers le néant apparent. Lorsque vous pensez à la Réalité ultime, vous pouvez découvrir que votre mental fonctionne à l’envers vers un état où toutes les pensées s’évanouissent. C’est une retraite dans le centre le plus profond de votre propre Être (la Conscience).

19 février 1952

322. LE BONHEUR EST LA PAIX. 
Le bonheur n’existe que par rapport aux souffrances antérieures. Lorsque cet état de bonheur se poursuit sans être dérangé par le malheur, il est appelé paix Profonde.

323. QUELQUES DÉFINITIONS :
L’espace est la forme générique des objets ;
et le temps est la forme générique des pensées. 

Qu’est-ce que la beauté ? 
La « beauté » est personnalisée lorsque vous la percevez. Mais en soi, la « beauté » est une expression de l’Absolu. C’est l’harmonie elle-même et n’est pas perceptible.  Connaissant la « beauté » comme purement impersonnelle, elle ne peut jamais vous séduire, même lorsqu’elle est personnalisée. La Vérité et la Beauté ne font qu’un. Lorsque l’ego essaie de voir la beauté dans le beau, les deux se transforment en l’au-delà et deviennent la Beauté elle-même. En voyant que quelque chose est beau, vous voyez vraiment que vous êtes la Beauté même.
Par exemple, vous dites « Le bateau est beau ». Mais est-ce que vous pouvez voir autre chose que du bois ? Non. Alors, où est la beauté ?  Certainement dans la vision, qui est illuminée par la Conscience. 
La conscience est la Beauté elle-même. 

La connaissance
Vous dites que vous connaissez et que vous en aimez un autre.
La Connaissance (dans la sphère relative) c’est devenir un avec quelqu’un, avec son intellect.

L’amour c’est devenir un avec l’autre avec tout son être. L’amour est donc relativement plus profond.
La Connaissance plus profonde est l’amour.
La perception directe est la connaissance silencieuse.

22 février 1952

324. LES DIFFÉRENTS SAMADHIS.
Les yogins classent les samadhis en cinq classes :
1. Savikalpa visualise un objet des sens (généralement la forme de l’ishta-deva ou un idéal) dans la sphère dualiste. 
2. Nirvikalpa est au-delà du nom et de la forme. 
3. Nissankalpa : Ici, les désirs embryonnaires cessent de prendre la forme de sankalpa.
4. Nirvrittika : Ici, même les vrittis (mentations) involontaires cessent de provenir de la source despensées, qui ont été arrêtées. 
5. Nirvasana: Ici, même la poussée instinctive de vasanas dans l’embryon est arrêtée. 
Ce ne sont que des états d’esprit, au cours desquels l’esprit devient de plus en plus sattvique. Un yogin qui vient de sortir du nirvasana samadhi continue comme un cadavre, avec seulement le fonctionnement mécanique d’un prana doux.
La réalisation de sa propre nature est encore au-delà et doit être accomplie en écoutant la Vérité de la bouche d’un Karana-guru. L’état de sahaja doit être atteint même après cela, en étant établi dans la Vérité ainsi visualisée.

23 février 1952

325. QU’EST-CE QUE L’EXPÉRIENCE RÉELLE ? 
Chaque soi-disant expérience se termine ou fusionne dans le principe ultime « Je ». Ou en d’autres termes, le principe « Je » est la seule expérience.
Le sentiment n’est rien d’autre qu’une pensée intense. Certains disent que le sentiment dépasse la connaissance. Oui, au-delà de la connaissance superficielle, cela pourrait être ainsi. Mais qui décide ? Certainement pas un sentiment, mais une connaissance qui connaît le sentiment.
Par conséquent, il y a une connaissance plus profonde au-delà du sentiment.
Mais la Vérité est encore différente. Vous êtes, au-delà de la tête et du cœur, la vraie Connaissance. Votre vraie nature est l’arrière-plan des pensées et des sentiments. La tête et le cœur ne sont que des différentes fonctions de l’esprit. Vous connaissez les deux.
Dans la déclaration « je sais que je suis », c’est une expérience absolue – au-delà de la tête et du cœur – qui parle.  On peut donc dire que la véritable expérience est un mélange harmonieux de la tête et du cœur.

25 février 1952

326. POURQUOI AIME-T-ON LA FLATTERIE ?
Parce que c’est le Soi ou l’Atma qui est flatté, et il mérite vraiment tout cela et encore plus. Mais ne laissez pas l’ego se l’approprier. C’est tout.
Lorsqu’une œuvre écrite par un Sage est lue par quelqu’un, alors que le Sage est toujours vivant, elle ouvre un contact direct avec lui. Mais après le décès du Sage, cela ne peut pas se faire. Si le désir est profond et sérieux, le contact par la lecture facilitera certainement la rencontre avec la personne soit, de ce Sage s’il est encore en vie, soit d’un autre.

327. COMMENT TRANSCENDER LE SENTIMENT DE PEUR ? 
Transformez votre attention de la peur vers le sujet apparent, l’ego. Immédiatement, vous voyez que l’ego n’est rien d’autre que le témoin. Ainsi, vous pouvez facilement surmonter la peur et atteindre l’arrière-plan. L’existence ne peut jamais être une existence inerte. 
L’existence et la Conscience sont une seule et même chose, vues sous deux aspects différents.

28 février 1952

De tous les êtres vivants, seul l’homme existe et sait qu’il existe.
Les animaux ne connaissent que les objets.
L’état de rêve est aussi continu que l’état de veille.
La personne profondément impressionnable seule a des rêves.

1er avril 1952

328. QUELLES SONT LES EXPÉRIENCES PENDANT LA SADHANA ET COMMENT LES INTERPRÉTER ? 
Ce qui suit est un exemple typique d’une telle expérience d’un sadhaka qui avait accepté « Lord Krishna » comme son Atma-murti.  Il était avancé au point d’avoir des visions profondes et vivantes du Seigneur Krishna, parlant et marchant avec lui, avec un plus grand sens de la réalité tout comme l’expérience de l’état de veille.
Dans une vision particulière, le sadhaka était conduit par Lord Krishna à travers un chemin étroit, avec une forêt épineuse d’un côté et un précipice escarpé de l’autre. Ils arrivèrent enfin à un ruisseau étroit avec très peu d’eau. Il y avait un caniveau en travers et un petit temple de Krishna et un réservoir de l’autre côté. Lord Krishna s’est arrêté et lui a demandé, avec un sérieux apparent, de se baigner dans le réservoir, d’aller au temple, de prier et de revenir. Le Seigneur Krishna promit d’attendre là jusqu’à son retour. Sans réfléchir, il est parti et a tout fait selon les instructions du Seigneur. Mais quand il est revenu, il a constaté que le petit ruisseau tranquille était devenu un torrent et que Lord Krishna attendait toujours de l’autre côté du ruisseau. Le sadhaka fut déconcerté par ce changement soudain et terrible.
Le voyant découragé et impuissant, Lord Krishna lui a immédiatement demandé de prendre son courage et de sauter par-dessus le ruisseau inondé. Ainsi encouragé par le Seigneur Krishna, il se sentit plus fort et sans plus penser aux conséquences, il a sauté par-dessus le ruisseau, atterrissant en sécurité à côté du Seigneur ; et tous deux sont rentrés chez eux.
L’incident semble insignifiant, mais sa signification est très profonde. Son empressement à laisser Krishna vivant derrière lui et à aller au temple pour y adorer Krishna mort, a clairement montré qu’il ne reconnaissait pas Krishna pour ce qu’il était vraiment. Pour prouver cela, il a découvert à son retour vers le ruisseau que l’imitation de Krishna dans le temple était impuissante pour le faire traverser le torrent, tandis qu’un mot du Krishna vivant pouvait accomplir le miracle en un instant. Cet incident lui a ouvert les yeux sur la vraie splendeur du Seigneur Krishna, qui était finalement en lui. C’est pour éviter de tels pièges qu’il est généralement interdit aux sadhakas, pendant les jours de leur sâdhanâ, de lire des livres spirituels autres que ceux prescrits par leur guru, et de rencontrer tout jnyanin ou yogin apparent à des fins de conversation spirituelle.
Vous ne pouvez pas reconnaître un Jnyanin d’après son apparence ou ses mots. Mais vous pouvez être assuré qu’un vrai Jnyanin ne vous renverra qu’à votre propre guru pour vos instructions.

329. COMMENT L’ACTIVITÉ ET L’INACTIVITÉ SONT-ELLES LIÉES À LA VÉRITÉ ? 
À partir de l’inactivité, vous ne pouvez pas aller au-delà sans que quelque chose d’actif vienne à votre aide. Mais depuis la sphère active, vous pouvez vous élever directement vers l’Ultime, simplement en le comprenant correctement.

2 avril 1952

330. QUELLE EST LA PREUVE DE LA RAISON SUPÉRIEURE ? 
Le mental n’est qu’une forme élargie de l’ego. Même dans notre vie quotidienne, il y a quelque chose en nous qui refuse obstinément d’accepter aveuglément tout ce que l’esprit apporte. C’est une expression claire de la raison supérieure en nous.

4 avril 1952

331. QUEL EST LE TEST DE LA SADHANA SPIRITUELLE ?
Lorsque vous êtes engagé dans une activité mentale, s’il y a la moindre tache d’objectivité, alors cette activité n’est pas spirituelle. Mais s’il n’y a pas du tout d’objectivation, elle est de nature purement spirituelle ou atmique. C’est l’un des tests de la sadhana spirituelle.

5 avril 1952

332. LA MORALE DE « BHUSHUNDOPAKHYANA »
L’histoire est celle d’un corbeau mythologique (Bhushunda) dans le Yoga-vasishtha. Le corbeau était la forme prise par un grand yogin, qui par ses pouvoirs merveilleux réussit à survivre aux déluges de la nature. [« Déluge » désigne ici le déluge cosmique dans lequel tout l’univers est détruit, à la fin de chaque cycle cosmique. Voir notes 378 et 984.] La morale est qu’il a dû se forcer sans cesse pour maintenir son ego, de sorte qu’il n’a jamais été en paix.

333. LES PROBLÈMES ET LA PAIX.
Certaines personnes disent qu’elles n’ont jamais de problèmes dans la vie. C’est un discours insignifiant. Cela signifie seulement qu’ils sont de simples lâches, qui refusent obstinément de penser à la lumière de faits évidents. Le bonheur et le malheur ne peuvent être conçus comme des opposés seulement quand ils sont considérés comme des expressions limitées de la paix définitive. Ils sont généralement comparés à l’avers et au revers d’une même pièce, la pièce elle-même étant la Paix. Si l’une de ces expressions se poursuit indéfiniment, son expressivité disparaît et elle se transforme en Paix.

334. QUELLE EST LA RELATION ENTRE LE SOMMEIL PROFOND ET L’INTERVALLE ENTRE DEUX ACTIVITÉS MENTALES ?
Ce sont vraiment une seule et même chose. Ils semblent différents parce que le sommeil profond se présente sous le déguisement d’un état au cours duquel l’accent est mis sur sa limitation et son contenu est ignoré. Si ce préjugé ou déguisement – qui est purement un produit de l’état de veille – est réalisé en tant que tel et ainsi abandonné à l’état de veille lui-même, ce qui reste est identique à l’intervalle entre les pensées. C’est votre propre vraie nature.

335. QUELLE EST LA VÉRITÉ SUR FAIRE DU BIEN AUX AUTRES ?
Ce n’est pas la nature de l’acte seul qui constitue sa bonté. Le test de chaque acte est de voir s’il vous lie ou vous libère. Par exemple, si après avoir donné de la charité, la pensée que vous avez fait une bonne action vous tient à cœur, elle vous lie certainement, avec une chaîne en or. Cela équivaut clairement à un mal, en ce qui concerne vous et la vérité. Votre ego se gonfle ainsi. C’est l’attitude mentale qui compte dans toutes ces questions. Vous ne pouvez être vraiment bon qu’en atteignant la Vérité ultime, quand même le « bon » perd sa « bonté » et se transforme en cette Vérité ultime.

336. COMMENT ÉDUQUER LES ENFANTS ?
Ils doivent nécessairement être éduqués à l’école sur l’avidya (faux apprentissage), concernant toutes les matières ayant une gamme large et variée ; et à la maison sur « vidya » (véritable apprentissage) concernant le véritable principe « Je », l’arrière-plan permanent de tout ce qui est enseigné à l’école.

337. MÉMOIRE.
La mémoire est à double tranchant. C’est une pensée comme toute autre pensée, et c’est une tricherie pure et simple. Parce que cela vous fait croire que quelque chose qui ne s’est jamais produit s’est produit.

338. OÙ A COMMENCÉ CETTE MAUVAISE COMPRÉHENSION ?
Le principe en cause dans la question est la causalité. La causalité n’est qu’un synonyme de diversité.
Le malentendu fondamental dont émane tout autre malentendu est la pensée que « je suis le corps ». Ce malentendu, qui n’est qu’une forme de pensée, ne peut jamais exister dans le plan physique. Elle n’existe que dans le plan mental. Dans ce plan, le corps ne peut pas exister.
Par conséquent, la cause et l’effet ne peuvent ni coexister ni exister dans des plans différents. Au-delà de l’esprit, il n’y a aucune diversité.
Mais vous cherchez la cause du malentendu dans le plan au-delà. Ou en d’autres termes, vous essayez d’établir une diversité dans le plan au-delà, là où il n’y a pas de diversité. Ainsi, si vous continuez à rechercher la cause de « l’avidya » [fausse connaissance], vous serez toujours empêtré dans les limites de « l’avidya » elle-même.

39. QUELLE EST LA CAUSE DE L’ILLUSION OU DE L’IRRÉALITÉ ?
La réalité ne peut jamais être la cause de l’irréalité. L’irréalité ou l’illusion doivent donc être à elles seules la cause de l’illusion. Cela n’a aucun sens et, par conséquent, il ne peut y avoir aucune cause à l’illusion ou à l’irréalité.
Il a déjà été prouvé que tout ce qui est vu est une forme, tout ce qui est entendu est du son, etc. Tout ce que l’on sait, c’est la connaissance.
Par conséquent, l’ignorance, lorsqu’elle est connue, devient également la connaissance elle-même. Et quand elle n’est pas connue, il n’y a pas de problème non plus. L’incompréhension ne peut pas connaître la compréhension. Mais, au contraire, la compréhension seule peut connaître l’incompréhension. Lorsque la compréhension commence à connaître l’incompréhension, l’incompréhension devient la compréhension elle-même.

340. QUI MEURT ?
Le corps et le principe de vie sont les deux seules entités fondamentales impliquées dans le changement appelé la mort. De ces deux, le « corps » a toujours été une matière morte et inerte, et en tant que tel ne peut plus mourir. Le principe de vie est toujours inchangé et il ne peut donc jamais mourir. Le principe de vie n’entre pas dans la composition du corps.
Vous dites que vous mourez. Comment savez-vous ça ? Qui le sait ? On ne peut rien observer sans un témoin. Il ne peut y avoir de témoin que lorsque quelque chose de connu est concerné. Mais on ne connaît jamais la mort.
Entre deux mentations, il n’y a rien de connu, et donc le témoin ne peut pas non plus être présent. En ce qui concerne la mort, vous donnez simplement un nom à l’inconnu et le niez au même moment. Par conséquent, la mort est un terme impropre.

13 avril 1952

341. QUELLE EST LA RELATION ENTRE LE SENTIMENT, LE SOMMEIL PROFOND ET L’EXPÉRIENCE « JE SUIS » ?
Puis-je penser à n’importe quel sentiment, par exemple la haine ?
Non. La haine en tant que telle ne peut jamais être un objet de la pensée. La haine ne peut pas être séparée des objets avec lesquels elle est connectée. Vous ne pouvez pas concevoir la haine. Elle ne peut jamais apparaître seule. Il faut mettre en retrait les pensées pour vous y conduire ; et elles-mêmes expirent soudainement, vous plongeant dans l’expérience appelée sentiment, qui est au-delà de toute pensée.
C’est de la même manière que l’on pense au sommeil profond. Vous pensez à toutes les choses liées au sommeil profond, à part le sommeil profond lui-même. Enfin, toutes les pensées expirent et vous êtes laissé seul dans l’état appelé sommeil profond.
De même, dans la pensée de vous-même, vous pensez à votre corps, à vos sens et à votre esprit – tous distincts et séparés de vous – et vous les rejetez. Lorsque toutes ces pensées expirent, vous vous retrouvez seul en vous.
Vous êtes ce principe qui demeure, même après que tout ce qui est perceptible a été éliminé de vous.

342. QUELLE EST LA RELATION ENTRE L’ACTIVITÉ ET SON OBJET ?
Voir ne perçoit que voir,
Entendre n’entend qu’entendre,
et ainsi de suite…
La connaissance ne connaît que la connaissance, et l’amour n’aime que l’amour. Bref, l’instrument utilisé est lui-même perçu par l’instrument. De même, vous ne voyez que vous-même dans les autres.
L’enfant ne peut voir un voleur en personne, car il n’y a pas de voleur chez l’enfant.

343. POURQUOI Y A-T-IL UNE DIFFÉRENCE ENTRE LES OBJETS ?
1. La réponse se trouve dans la question elle-même. C’est le mot « pourquoi » qui crée la question. « Pourquoi » signifie quelle est la cause ? Cela suppose l’existence d’une causalité. Et la causalité ne peut exister que si vous admettez l’existence d’une différence entre cause et effet.
Par conséquent, il est absurde de demander la cause de la différence.
L’acceptation du principe de causalité dans la question elle-même implique déjà l’existence de la différence.
2. La question peut être résolue en définissant la différence.
La différence ne naît que par le temps, l’espace et la causalité. Nous disons généralement que le temps, l’espace et la causalité sont la source de la diversité ; mais pour être plus précis, il faut vraiment dire que le temps, l’espace et la causalité forment la diversité.
3. La question peut également être résolue en prouvant qu’il n’y a pas de diversité à aucun moment.
4. Elle est causée par le mélange d’un percept avec d’innombrables autres concepts qui n’ont aucun lien avec ce percept.
5. La question est finalement résolue en prouvant que tout est Conscience.

344. LA CAUSE DE LA DIVERSITÉ.
1. En cherchant la cause de la diversité en général, vous posez l’existence d’une telle cause même au-delà du monde. Ceci est absurde.
2. Lorsque la terre est transformée en pot, la terre ne disparaît ni ne subit aucun changement. Si un enfant qui n’avait pas déjà d’idée de pot devait voir le pot, il ne verrait que la terre dans le soi-disant pot. Ici, la terre – qui était à l’origine une et demeure toujours une – est divisée en deux sous le simple nom de « pot » ; et vous supposez que la terre et le pot sont bien séparés. Cette hypothèse constitue à elle seule la diversité.
3. Un objet ne dépend que de la perception. Mais la perception ne prouve qu’une chose à la fois. Donc, deux choses ne peuvent pas exister simultanément. Par conséquent, la comparaison des choses est impossible. La diversité est donc une illusion

345. COMMENT LA VÉRITÉ EST L’ARRIÈRE-PLAN DE SAT-CIT-ANANDA ?
L’existence est la seule chose qui ne sort pas de l’existence. L’existence est donc la Vérité elle-même. L’existence ne peut être l’existence sans la Conscience. Par conséquent, la Vérité est la conscience. La Vérité, étant sans objet, est incapable d’être ressentie. C’est donc la paix qui est le fond de tous les sentiments. Par conséquent, la Vérité est l’arrière-plan de « sat », « cit » et « ananda » ou Paix.

346. LE CONCEPT DE SAT-CIT-ANANDA.
Il y a trois expériences humaines fondamentales – à savoir la vie, la pensée et le sentiment.
Les formes les plus génériques de ces expériences sont appelées sat [existence], cit [conscience] et ananda [bonheur]. Ces trois noms ne dénotent que trois aspects d’une seule et même chose ; et cette chose est la Réalité ultime.

15 avril 1952

347. QUELLE EST LA VÉRITÉ CONCERNANT L’ATTACHEMENT ?
Ce ne sont pas des objets, mais seulement vos propres pensées et sentiments qui semblent vous lier. Mais les pensées et les sentiments ne peuvent jamais vous lier à moins que l’ego ne soit présent pour les revendiquer comme les siens. Au moment où les pensées et les sentiments se produisent, l’ego n’est pas présent. L’ego ne vient qu’après la disparition des pensées et des sentiments. Alors l’ego seul est présent, et pas de pensées ou de sentiments.
Par conséquent, les pensées ou les sentiments et l’ego ne peuvent jamais exister simultanément ; et ainsi vous transcendez l’attachement. Il n’y a donc jamais eu d’attachement, à aucun moment.

17 avril 1952

348. COMMENT OBTENIR LA LIBÉRATION GRÂCE À L’UPASANA ?
La forme adoptée ou visualisée dans notre « upasana » est appelée « ishta-deva » ou « saguna-brahman ». Les ishta-devas sont de deux types : sattvika-deva et siddhadeva. Sagunabrahman est l’expression de « nirgunabrahman ». Si elle est abordée dans le seul but d’atteindre la libération, la forme que vous visualisez est appelée « sattvika-deva » ; et si l’objet de votre « upasana » n’est pas la libération mais seulement l’accomplissement des pouvoirs, votre vision est appelée « siddha-deva ». Même après avoir visualisé le siddha-deva, si vous changez votre objectif et aspirez à la libération, le siddha-deva lui-même se transforme en « sattvika-deva » et vous guide.
C’est l’intense désir de libération qui rend le chemin du ‘sagunabrahmopasana’ doux et attachant. Tant que vous attachez un attribut à Dieu, Il ne reste qu’un concept mental. Et avec l’attribut, il devient un percept.

349. SATTVIKA-DARSHANA.
Le Sattvika-darshana est cela dans lequel les formes du Guru et de l’ishta-deva apparaissent comme synonymes de la même Réalité. Par le biais de sattvika-darshana, on est amené vers l’absolu Realité ; et les déclarations faites dans cet état pointeront toujours vers l’Ultime. En voici quelques-unes.
1. Le monde est un monde de relativité.
2.L’effet est la cause de la cause.
3.Ne voulez-vous pas me voir sous ma forme réelle ?
Les darshanas sont de deux types : « pratyaksha » et « sattvika ». Pratyaksha est de type inférieur, étant l’objet des sens seuls, et est le résultat d’être guidé par un « karyaguru » ou un guru limité.
L’ishta-deva dans pratyakshadarshana ne danse qu’à votre rythme et à vos samskaras. Les saints étaient principalement des yogins ou des siddhas.
Mais les vrais Sages étaient peu nombreux, comme Sri Tattvarayar, Sri Tayumanavar, etc.

350. COMMENT L’« ÊTRETÉ » (AHANTA) ET LE « CELA » (IDANTA) SONT-ILS LIÉS ?
L’« êtreté » est l’ego, qui se développe en corps, sens et mental. Le « cela » est le non-ego, qui se développe dans le monde. Mais le « cela » ne peut jamais rester seul. Par conséquent, ni la raison ni l’expérience ne nous permettent d’affirmer que les objets apparaissent dans le seul « cela ». Par conséquent, les deux apparaissent et disparaissent dans l’Atma, la seule Réalité.

20 avril 1952

351. COMMENT LE CONTACT AVEC LE GURU EST-IL POSSIBLE ?
Le mental et son fonctionnement :
Lorsque vous avez une pensée ou un sentiment profond, il y a une réaction phénoménale – s’exprimant simultanément sous la forme d’attraction d’autres forces cosmiques de même nature, pour renforcer votre propre esprit. En conséquence, vous actualisez vos propres pensées et sentiments et en dépendez d’autant plus. C’est en reconnaissance de ce principe qu’il vous est conseillé de ne prendre en tout temps que de bonnes pensées.
Si vos pensées sont altérées par des doutes de toute nature, elles invitent également les forces opposées ; et par conséquent, vous êtes souvent confus ou désorienté. Le même principe explique pourquoi les passionnés, les artistes, etc. attirent vers eux, sans aucun effort, d’autres personnes qui pensent et agissent de la même manière.
C’est le même phénomène qui permet, avec sérieux et sincérité, à celui qui a soif de la Vérité absolue de rencontrer le guru, qui n’est que l’incarnation de la Vérité absolue dans le monde.

352. Y A-T-IL UNE RELATION ENTRE LE CORPS ET LE PRINCIPE « JE » ?
Prenez par exemple la figure dans le rocher, ou le serpent dans la corde. Y a-t-il une relation entre le rocher et la figure, ou entre la corde et le serpent ?
Quand vous atteignez le rocher ou la corde tels quels, même l’idée de la figure ou du serpent disparaît complètement. Il n’y a que le rocher ou la corde.
Du point de vue du rocher, la figure n’est qu’une illusion. De même, du point de vue du principe « Je », le corps n’existe pas en tant que tel.
En d’autres termes, le corps est aussi le principe « Je » lui-même. Par conséquent, la question de la relation ne se pose pas du tout.

353. QU’EST-CE QUE LAKSHANA ?
C’est un moyen d’atteindre la Vérité. Dans l’aphorisme « Cela est ceci », c’est ce processus d’indication ou lakshana qui entre en jeu. « Cela » signifie la Vérité, mélangée avec « cela, ce temps » et « cela, cet espace » ; et « ceci » signifie la Vérité, mélangée avec « ceci, ce temps » et « ceci, cet espace ». Dans les deux parties de l’aphorisme, « cela : ce temps » et « cela : cet espace » ne peuvent jamais être « ceci : ce temps » et « ceci : cet espace » ; et donc « cela » ne peut jamais être « ceci » en tant que tel. Ôtez d’eux les qualifications de temps et d’espace, et la Vérité pure seule reste dans toute sa splendeur. Ce processus d’élimination des parties matérielles et de réalisation de l’Ultime restant derrière est appelé « jagadahat-lakshana » ou « bhaga-tyaga-lakshana ».
De même, dans le « je » apparent – qui est un mélange grossier de corps, des sens, de l’esprit et du « je » – voyez les trois premiers comme des objets pointant vers le dernier, le vrai sujet. En éliminant ainsi la partie non réelle du  » je  » apparent, vous atteignez le principe ultime du  » Je « , pur.

1er mai 1952

354. QUEL EST LE PROCESSUS ET LA LIMITE DE LA TRADUCTION ?
L’art de la traduction n’est pas aussi simple qu’il y paraît en surface. Une idée est d’abord conçue puis exprimée dans une langue. La structure doit être démolie et réduite à l’idée sans langue avant d’être refondue dans une autre langue, tout comme dans une fonderie. Là encore, il faut d’abord la concevoir à nouveau, selon les fondamentaux du nouveau langage ; puis l’exprimer dans les mots de la nouvelle langue. Très souvent, des mots et des analogies apparemment importants dans l’original devront être ignorés, et des analogies et des mots tout à fait nouveaux acceptés pour s’adapter au vocabulaire et à la tendance de la pensée dans la nouvelle langue. Mais cela devrait venir spontanément et non par effort ou choix. Ne traduisez donc que l’idée comme un tout, et n’essayez jamais d’adhérer littéralement aux usages de l’original.

355. COMMENT LA CONNAISSANCE EST-ELLE DISTINCTE DE LA MENTATION ?
Un objet grossier ne peut être qu’un objet sensoriel. Sans les sens, on ne peut jamais dire qu’un objet sensoriel existe. Par conséquent, ce qu’on appelle un objet n’est rien d’autre qu’une sensation. De même, on peut dire qu’un objet de la pensée n’est rien d’autre que la pensée elle-même. Dans la connaissance, cependant, il n’existe aucun instrument tel que les sens ou l’esprit.
Par conséquent, dire que je connais quelque chose est faux. Il ne peut jamais y avoir de relation sujet-objet dans la connaissance. Un homme ignorant ne fait aucune distinction entre la connaissance d’une part et percevoir, penser et ressentir d’autre part. Ainsi il superpose aussi un objet sur la connaissance.

356. L’EXERCICE DE METTRE L’ESPRIT DANS L’ÉTAT DE VIDE.
Un sadhaka yogique a tenté une fois un exercice yogique particulier qu’il n’était pas autorisé à faire par son guru et a eu des ennuis. Son guru était déjà décédé et il est donc venu demander de l’aide à Sri Atmananda. En lui expliquant le problème, la question ci-dessus a d’ailleurs été reprise et discutée à titre d’exemple.
Chaque sadhaka n’est pas autorisé à faire cet exercice sans discernement.  Étant un exercice de l’esprit, il a ses propres dangers, si l’on se trompe. Il est dangereux de le faire sans précautions suffisantes.
Parallèlement à la force de la pensée de l’individu, il existe des forces cosmiques correspondantes du monde ; et les deux sont régis par des lois phénoménales. Créer un état mental vide sans garde-fous, au milieu du cosmos, est aussi dangereux que de créer un vide non protégé au milieu d’une région à haute pression. La seule sauvegarde que vous devez prendre dans ce cas est d’entraîner votre esprit dans un cours suffisamment fort de pensées sattviques, capable de conjurer d’autres pensées indésirables qui pourraient venir du monde cosmique.
Parce que, lorsque votre esprit individuel est soudainement séparé de toutes ses propres pensées, il y a une tendance naturelle pour les pensées du monde cosmique – en particulier celles qui sont en phase avec vos autres samskaras, à se précipiter et à dominer votre mental par surprise. Les murs solides de votre adhésion aux pensées sattviques (pensées relatives à la Vérité ultime) peuvent seuls vous protéger contre cette catastrophe.

8 mai 1952

357. QUELQUES DÉFINITIONS.
Le langage est l’art de cacher la pensée. 
La pensée est l’art de cacher la Vérité. 
Transcendant ou abandonnant le langage et la pensée avec leurs samskaras, vous atteindrez directement la Vérité.
L’attachement est la conviction que l’objet demeure, après chaque expérience de connaissance ou de paix.
La libération est la conviction qu’il ne reste plus aucune trace de l’objet après chaque expérience.

18 mai 1952

358. COMMENT GARDER MON CENTRE PENDANT L’ACTIVITÉ ?
Les différentes sphères de l’expérience d’un homme ordinaire sont :
(1) faire, (2) percevoir, (3) penser, (4) ressentir et enfin (5) connaître.
Les quatre premiers types d’activités sont toujours changeants et seul le dernier est permanent.
Chaque fois que vous avez une expérience de l’un des quatre premiers types, posez-vous la question :
« À qui est-ce que cette expérience particulière se produit-elle » ?
Vous verrez sans aucune difficulté que ce n’est pas au principe « Je » ultime, mais seulement à l’un de ses quatre médiums ou instruments. Alors pourquoi vous en souciez-vous le moins du monde ?
Sachez que vous êtes le connaisseur, toujours à votre centre, et soyez en Paix.  Que faut-il de plus ? L’instrument et l’arrière-plan peuvent être représentés comme indiqué ci-dessous :
Faire, percevoir, penser et ressentir        Moyens ou instruments
Pur principe « Je »                               L’arrière-plan

1er juin 1952

359. L’ILLUSION DU SERPENT DANS LA CORDE ET SON APPLICATION AU VEDANTA.
Cette illustration est généralement appliquée au Vedanta pour prouver la fausseté de l’univers objectif et l’immuabilité ou la Réalité du sujet ultime.
Ici, le serpent représente l’ensemble du monde objectif – brut aussi bien que subtil, y compris toutes les pensées, les sentiments et l’ego lui-même. 
La corde représente le fond immuable ou l’Atma, le vrai principe « Je ».
Par conséquent, toute pensée ou tout sentiment de doute concernant l’illusion doit être trouvée non pas en recherchant une réponse dans le même plan que l’illusion, mais en voyant la pensée ou le sentiment comme faisant partie de l’illusion elle-même, et en tant que telle, la rejetant sommairement comme inacceptable.
Il faut se rappeler que l’apparent « je » ou l’ego est décidément la partie la plus vicieuse du monde objectif ; et quand il est mis de côté comme tel, tous les doutes et les questions cessent, vous laissant dans la Réalité elle-même. Le « je » apparent ainsi que le monde objectif sont tous deux des superpositions au principe « Je » ultime. La corde représente ce principe « Je » non attaché. Au moment de l’expérience de la pure Conscience, on est au-delà de tous les états. On ne l’exprime qu’en mots à l’état de veille.

5 juin 1952

360. L’AMOUR ET COMMENT AIMER ? 
Tout amour mondain n’est que de la négociation et a toujours son contraire attaché à lui, prêt à s’exprimer lorsque la considération attendue est de quelque façon entravée. Mais seul l’amour d’un Vedantin ne connaît pas de marchandage et ne connaît naturellement pas d’opposé. C’est parfait et inconditionnel ; et toujours sous forme de donner et de ne pas prendre.
Par conséquent, même pour aimer sa propre femme ou son enfant de la meilleure manière, il faut d’abord devenir Vedantin.  Tout discours d’amour dans ce monde n’est rien d’autre qu’une fraude sans faille. Alors, connaissez-vous d’abord. Alors, vous pourrez aimer quiconque ou quoi que ce soit vraiment et sans réserve.

361. LES FASCINATIONS HUMAINES ET LEUR RÉACTION AU PROGRÈS SPIRITUEL.
L’homme ordinaire du monde est généralement emporté par une ou plusieurs des trois fascinations fondamentales : physique, psychologique et intellectuelle.
Ceux qui sont victimes de fascination physique, vivent satisfaits de leurs plaisirs sensoriels seuls et ne cherchent rien de plus élevé.
La deuxième classe de personnes est amoureuse de toutes sortes de plaisirs mentaux imaginaires et de pouvoirs psychiques et se perd de cette façon.
Le dernier groupe de personnes, qui sont des érudits incorrigibles, professent être à la recherche de la Vérité et travaillent dur pour amener l’Ultime dans le domaine de l’intellect. Dans cet effort vain, ils échouent misérablement ; mais refusent obstinément d’admettre leur échec, et trompent l’homme ignorant par leurs pouvoirs intellectuels supérieurs et leur logique astucieuse mais mal appliquée. De cette pratique néfaste, ils tirent une sorte de satisfaction et de plaisir intellectuels malveillants, qui les éloignent de la Vérité tant qu’ils persistent dans ce trafic vicieux. 
Ces deux derniers types de personnes, bien qu’elles commencent par une vague idée de parvenir à la Vérité, sont lentement détournées ; et se trompent elles-mêmes ainsi que le public ignorant concernant la Vérité ultime.

362. QU’EST-CE QUE LE TEMPS ?
Le temps se compose de ses trois composantes : le passé, le présent et l’avenir. 
Le passé et l’avenir ne peuvent se manifester sans apparaître d’abord dans le présent. Quand ils apparaissent dans le présent, ils sont aussi le présent et rien d’autre. Ainsi, le passé et l’avenir dépendent du présent pour leur existence même, et vice versa. Tous sont donc inexistants, et le temps n’existe pas. « Je suis » ou « anubhava-matratma » est la source et la fin de toutes les expériences, dépourvues d’expérimentateur et d’expérimenté.

363. LA PORTÉE DES EXERCICES APPELÉS SPIRITUELS.
Tous les exercices impliquant la contemplation ou la méditation de quelque manière que ce soit n’assurent qu’une relative pureté du cœur.
Si vous utilisez la bonne discrimination et la bonne raison et examinez toutes vos expériences de manière désintéressée, vous arrivez à votre centre, qui est le cœur le plus profond de votre être.
Pour remettre les choses en ordre, il vous est seulement demandé d’accorder une importance égale aux trois aspects de vos activités – à savoir percevoir, penser et connaître- et identifier que la connaissance est le seul aspect parmi ceux-ci qui concerne vraiment votre propre Soi. Si vous continuez cette pratique pendant un certain temps, vous constaterez que les deux premiers aspects matériels disparaissent lentement comme irréels ; et vous vous tenez établi dans votre vraie nature, la Vérité. Par conséquent, ne manquez pas de voir que chaque activité est enregistrée dans la connaissance, votre vraie nature, avant qu’une nouvelle activité ne commence.

8 juin 1952

364. COMMENT LE MENTAL RÉAGIT-IL ?
L’homme ordinaire est esclave de l’esprit et suit implicitement ses dictats, tant qu’il est épris de plaisirs sensuels. Mais lorsque vous commencez à vous détourner de l’esprit et à regarder à l’intérieur, l’esprit devient perplexe et est prêt à suivre fidèlement vos pas, comme un esclave.
L’énergie vitale, voir, entendre, toucher, goûter, sentir, penser, etc. sont tous des noms verbaux.

… pranann eva prano nama bhavati, vadan vak, pazyamz caksuh, zrnvan zrotram, manvano mana; 
tany asyaitani karma-namany eva …
                                                                     Brihadaranyaka Upanishad, 1.4.7
Vu comme vivant en soi, on peut l’appeler « la vie » ; comme parlant, « la parole » ;  comme voir, « la vue » ; comme audition, « le son »;  comme la pensée, « l’esprit ».
Ce ne sont que des noms de fonctions qui lui sont attribuées.]

12 juin 1952

365. L’ACTIVITÉ ET L’INACTIVITÉ.
L’activité et l’inactivité sont généralement conçues comme des termes opposés. Mais en fait, il n’y a aucun lien direct entre elles. L’activité et l’inactivité ne sont directement liées qu’à moi, le principe « Je », qui est leur arrière-plan commun.  Ce n’est qu’à travers moi que l’activité et l’inactivité peuvent être indirectement liées.

366. L’EFFICACITÉ DE LA VRAIE PENSÉE « JE ».
Si vous prenez à la pensée profonde, « Je suis pure Conscience », avec l’accent mis à juste titre sur « Je » et non sur la Conscience, cela équivaut à un processus régulier de relaxation, et les cellules du cerveau ne bougent pas le moins du monde. Au contraire, même des maux occasionnels, comme un mal de tête causé par une tension mentale ou physique, commencent à disparaître après une telle relaxation.
Il a déjà été prouvé que « Je suis la connaissance ou la conscience ». Si le sens de cette déclaration est correctement compris, votre positionnement doit avoir subi un changement complet.  Vous devriez être en mesure d’appliquer avec audace toutes les activités de l’une avec une importance égale pour l’autre.
En prenant « connaître ou briller » comme la seule expression de la Conscience, quand vous dites « J’illumine », vous devez être capable de le considérer comme équivalent à « je suis lumineux ».
Et lorsque vous dites « je connais l’objet », cela doit signifier « je suis l’objet ». Cela prouvera également que l’objet n’est que vous-même.
Si je suis Rama, toutes mes activités sont spontanément appliquées et approuvées par Rama. Donc aussi, étant Conscience, je dois aussi posséder la seule qualité de Conscience – laquelle est lumière.

15 juin 1952

367. LE COMMUNISME.
Le communisme est un noble idéal ; et s’il est bien compris, sincèrement suivi et appliqué de manière cohérente, il vous mène à la Vérité absolue.
L’essence de son objectif est l’égalité, mais elle est malheureusement mal appliquée dans la pratique par les communistes politiques modernes. L’égalité ou l’unité est l’attribut de l’Ultime. Elle n’est établie que lorsque vous atteignez l’Ultime, transcendant le corps, les sens et le mental.
Mais le communiste politique veut établir l’égalité ou l’unité dans le domaine physique, oubliant l’impossibilité de rendre les corps égaux, les sens égaux, les esprits égaux ou les intellects égaux. Ils inversent lamentablement l’ordre d’importance en mettant le corps en premier et l’intellect en dernier. C’est le secret de l’échec de leur idéal actuel. La véritable égalité n’est possible qu’au-delà de tous ces domaines, et les communistes d’aujourd’hui ne veulent pas aller au-delà même du corps. En tant que tels, ils sont à couteaux tirés avec leur propre objectif. Leur objectif, tel qu’ils le conçoivent, est myope et stérile.
Le vedantin seul est le vrai communiste, qui s’accroche fermement à son idéal et l’établit incontestablement dans la Réalité ultime – le principe « Je ».

368. Y A-T-IL DIVERSITÉ DANS LES ÉMOTIONS ?
C’est l’expérience qui doit prouver l’émotion. Lorsque vous dites que vous étiez en colère il y a quelque temps, vous attirez l’attention sur cette période de temps pendant laquelle vous supposez que vous étiez en colère. Examinez l’expérience que vous avez vécue à l’époque. Y avait-il alors de la colère ? Non, il n’y avait pas de colère. Parce que vous ne pouvez pas séparer ce que vous appelez la colère du principe « Je ».
Donc, pendant cette période, vous étiez tout seul, et c’est ce que montre votre expérience. La colère ne devient évidente en tant qu’entité distincte que lorsque la fonction de la mémoire commence son opération malveillante.
Sri Shankara représente cette mémoire comme la véritable maya.

smrti-rupah paratrapurvadrstavabhasah
Sri Shankara, Adhyasa-bhashya (Introduction au Sutra-bhashya), 3.1
Là où la mémoire apparaît, elle forme un spectacle de quelque chose vu auparavant, quelque chose de lointain qui n’est pas ici maintenant.  

La mémoire dénature l’expérience réelle comme quelque chose qui s’oppose à Vérité.
Par conséquent, c’est la mémoire qui dénature la paix permanente, en forme d’émotions passagères. Si la mémoire n’interférait pas, chaque expérience maintenant appelée « émotion » se transformerait vraiment en votre vraie nature – l’unique expérience.
C’est la merveille des merveilles de découvrir que la vraie nature même de ce souvenir est la Conscience ou la Paix. De ce point de vue, nous ne trouvons aucun moyen de distinguer les « émotions », comme nous les appelons maintenant. Toutes sont réduites à cette seule Réalité ou Atma, la vraie nature de toutes. Il n’y a donc pas de diversité de sentiments et de pensées. Seule la mémoire pose toutes les différences.

19 juin 1952

369. L ‘ENTRAÎNEMENT AU BHAKTI OU AU YOGA – A-T-IL UNE INCIDENCE SUR LA RÉALISATION ULTIME ?  
Même la vue de l’ishta-deva n’est qu’un objet de vos sens. Vous appliquez à votre sadhana avec un fonds de samskaras stockés. La conduite de votre ishta-deva envers vous sera en accord avec vos samskaras précédents.
Mais vous attachez une plus grande réalité au Seigneur dans votre vision qu’aux objets de ce monde grossier. Plus vous insistez sur le Seigneur, plus vous mettez indirectement et inconsciemment l’accent sur votre propre soi en tant que percepteur. Cela ne peut jamais être une aide à la réalisation de l’impersonnel.
C’est l’expérience de tous les Sages qui ont eu une formation dualiste bhakti ou yogique à leurs débuts que toute cette formation avait vraiment été, en un sens, un obstacle à leur progression vers la Vérité ultime

370. POURQUOI DES QUESTIONS SEMBLENT-ELLES SE POSER MÊME APRÈS AVOIR VISUALISÉ LA VÉRITÉ ?
L’esprit a généralement deux types d’activités distincts. 
• L’une est orientée vers l’extérieur et ses actions avec le monde des sens, brut ou subtil. 
• Et l’autre activité est orienté vers l’intérieure, à la recherche du principe « Je ». 
Cette dernière activité est appelée la raison supérieure, vidya-vritti, la logique supérieure, etc.
L’écoute et la visualisation de la Vérité appartiennent à cette dernière. Dans son parcours, les objets ne sont pas un obstacle ; et au final, il n’y a aucun objet. Tous les objets appartiennent à la fonction extérieure de L’esprit , et naturellement toutes les questions appartiennent également au domaine de L’esprit .
Les questions n’appartiennent pas à celui qui écoutait et qui visualisait la Vérité. En descendant de là vers le monde des sens, vous voyez les sens et d’autres objets tout autour. Immédiatement, L’esprit pense qu’ils participent également à l’expérience que vous avez vécue au-delà de l’esprit .  C’est le secret de toutes les questions.

vismayaika zariraya mayayaz codya-rupatah. 
anvesyah pariharo ’sya buddhimadbhih priatnatah .
Pancadashi, Citra-dipa, 139
Seule la stupéfaction peut naître de ce monde incarné et apparent qui est lui-même composé de questions.
Ceux qui ont l’intelligence doivent regarder attentivement, pour aller au-delà.

C’est avec l’instrument de la Conscience que vous visualisez la Vérité. Si vous utilisez également le même instrument pour examiner le monde, le monde des sens ne vous apparaîtra pas comme tel, mais se transformera en Conscience.
Par conséquent, seule l’activité des sens et de l’esprit est la source de ce monde. Mais ceux-ci faisant partie du monde lui-même, on ne peut pas dire que le monde ait une source indépendante du tout.

371. Y A-T-IL À TOUT MOMENT UNE RELATION SUJET-OBJET ? 
Le principe « Je » est la seule chose dont l’existence n’est jamais remise en question. Ce n’est jamais un objet des sens ou de l’esprit. Concernant ce principe « Je » au moment de l’expérience, aucune relation sujet-objet n’existe. Lors de la perception des objets également, l’expérience est exactement la même. L’objet apparent se transforme en principe ou connaissance du « je » et ne fait qu’un avec lui, au-delà de toute relation sujet-objet. L’activité du Jnyanin est également la même, mais entreprise en connaissance de cause. Il se rend compte qu’aucune activité ne disparaît avant d’être enregistrée ou fusionnée dans la connaissance ou le Soi. Cela signifie que le son, la forme, etc. ne sont jamais perçus comme tels, mais tous fusionnent dans la connaissance.

372. QUELLE EST L’IMPORTANCE RELATIVE DE NOS ACTIVITÉS ? 
Habituellement, l’homme a trois types d’activités différents – percevoir, penser et connaître –
les deux premières étant fausses et seul la dernier est réelle. Invariablement, les deux premières fausses activités seules sont reconnues dans les actions du monde. Et la dernière activité, qui est réelle, est malheureusement ignorée, bien que le mot « connaître » soit utilisé sans discernement. Le vedantin prouve et vous montre que même les deux premières fausses activités doivent leur existence même à la troisième.
Vous devez toujours garder à l’esprit que lorsque la connaissance se lève, la perception et la pensée disparaissent.

373. COMMENT CONCILIER LES DÉCLARATIONS : « JE SUIS LE MONDE » ET « LE MONDE N’EST PAS » ?

na me bandho ’sti mokso va, bhrantih zanta nirazraya. 
aho mayi sthitam vizvam, vastuto na mayi sthitam ..
Ashtavakra samhita, 2.18
Pour moi, il n’y a pas d’être lié ou de libération. Toute illusion n’est pas fondée, est en paix.   
Le monde n’existe qu’en moi. Mais ici, en moi, il n’y a vraiment pas de monde.]       

Il n’y a aucune vague dans l’eau. Dans le verset ci-dessus, Ashtavakra affirme d’abord que « le monde brille en moi », mais seulement pour sortir le profane du bourbier de l’illusion.
Immédiatement, il se corrige et sort avec toute la Vérité. Non, au moment où le monde me touche, il se transforme en moi. Je suis donc seul, et le monde n’est pas.

374. QUEL EST LE REMÈDE CONTRE LES TENDANCES MALSAINES ?  
Il a déjà été prouvé que le simple repentir mental sur ses mauvaises actions passées n’est pas une garantie contre leur répétition. En fait, cela ne fait que les aggraver. Alors comment surmonter ces tendances ?
Si nous nous attaquons au mal sans le savoir, un correctif intellectuel pourrait nous être d’une certaine utilité pour nous en dissuader par la suite. Le plus souvent, nous nous lançons dans de telles activités perverses en connaissant parfaitement l’étendue de leurs conséquences, mais en étant incapables de résister aux plus fortes envies du cœur. Quand le cœur et la tête s’opposent ainsi, la tête est impuissante et s’abandonne docilement au cœur. Dans de tels cas, aucune correction intellectuelle ne sera d’aucune utilité.
C’est ici que nous avons vraiment besoin d’un remède puissant. Le cœur lui-même étant en difficulté, le remède doit naturellement venir de l’au-delà. Mais au-delà du cœur, il n’y a que le principe « Je » – la Vérité. Adhérant à ce principe « Je », soit par analyse, soit par élimination, vos samskaras disparaissent, faute de support.
Si vous avez entendu la Vérité par un sage, le problème est assez facile. Chaque fois que vous trouvez que votre cœur se dévie vers ce qui est indésirable, pensez simplement au Guru, qui est la Vérité ultime, et le cœur se recule avec un frisson. Il réfléchira à deux fois avant d’oser se lancer à nouveau dans des méfaits similaires.
Pour celui qui n’a pas eu le privilège de se rendre près d’un Sage, il est possible d’approcher le but par l’intermédiaire de Dieu. Qu’il prenne la pensée profonde : « Je suis le fils de Dieu et donc incapable d’être mêlé à une mauvaise action. » À la suite de cette pensée, il est inconsciemment emmené au-delà du domaine d’activité et est jeté dans le témoin, bien qu’il ne le reconnaisse pas pour le moment.
La connaissance fréquente de cet état, si paisible et si captivante, prive lentement le cœur de toutes ses tendances extérieures. Ainsi, le cœur devient purifié et apte à recevoir des instructions sur la Vérité par un guru. Bientôt, il entrera en contact avec un vrai Sage et sera illuminé à travers lui. C’est la seule loi qui relie le phénoménal à l’Absolu.
Le cœur est toujours dans le Bonheur qui est sa propre nature. Le cœur vous emmène toujours à la source et contrôle même l’intellect. Habituellement,
Habituellement, le désir d’indépendance ne s’exprime que lorsque l’esprit est actif. Mais ce désir lui-même n’est en aucune façon indépendant, pas plus que le « je » personnel.

23 juin 1952

Une chose ne peut prouver l’existence de rien d’autre qu’elle-même.
Les sensations peuvent prouver l’existence des seuls sens, et ainsi de suite.
Ainsi, vous ne pouvez également prouver que vous-même.

yat tvam pazyasi tatrai ’kas tvam eva pratibhasase. 
kim prthak bhasate svarnat katak-abgada-nupuram ..
Ashtavakra samhita, 15,14
Dans ce que vous voyez, Vous seul brillez. 
Qui a-t-il d’autre que de l’or qui brille dans des ornements dorés ?       

375. QUE SONT LES PENSÉES ET LES SENTIMENTS ? 
Il est admis que les pensées et les sentiments sont en moi. Il est également admis qu’en moi, il ne peut y avoir autre chose que moi-même.
Je ne peux pas sortir de moi pour savoir ou ressentir quoi que ce soit, et les choses de l’extérieur ne peuvent pas entrer en moi. Dès qu’elles me touchent, elles se transforment en moi-même ; et donc je ne connais toujours que moi-même.
Ici, les pensées et les sentiments deviennent sans objet et ne sont donc seulement que moi-même.

26 juin 1952

376. L’IDÉE ET LE LANGAGE.
Pour tout le monde, une idée prend son origine dans le mental et possède un langage générique qui lui est propre. C’est cette idée, dans son propre langage générique, que tout le monde essaie d’exprimer dans la langue parlée ou écrite.
Dans cette traduction, les locuteurs de certaines langues mettent davantage l’accent sur la partie idée et la transforment dans la langue telle qu’elle vient, considérant la langue uniquement comme un véhicule de la pensée.
Le malayalam est par excellence une telle langue. Mais la langue anglaise met parfois davantage l’accent sur la langue et la forme d’expression. Dans l’application de cette restriction artificielle, une fraction de l’idée est naturellement perdue.

377. LES DÉCLARATIONS « CELA EST CECI » ET « CECI EST CELA » COMPARÉES.

atanitennotukil ippadarttham
macannatil paggukayanu cittam
itanatennakil, itil kucekkut
ucaykkayam vrttimacakkayalla. 
Sri Atmananda, Atmaramam, 1,52
Si quelqu’un dit « Cela est ceci », ce que l’on entend par « cela » est oublié. 
Il est fusionné (dans le « ceci »). 
Mais si on dit que « ceci est cela », l’acte de la pensée ne se dissout pas. 
Il est encore plus souligné.]            

Lorsque vous dites « Cela est ceci », le « ceci » en tant que tel est oublié et est fusionné en « cela ».  Ou en d’autres termes, « ceci » explique « cela ». Mais quand vous dites « Ceci est cela », le « cela » est oublié en tant que tel et est fusionné en « ceci ». Ou en d’autres termes, « cela » explique « ceci ».
Entre le général et le particulier, on peut bien dire que le général est dans le particulier. Mais le particulier ne peut jamais être dans le général.
L’or est dans tous les ornements et peut être indépendant de tous. Mais aucun ornement ne peut être indépendant de l’or. Ainsi, relativement parlant, l’or seul est réel et les ornements sont irréels.
De même, « cela » – qui représente Brahman – est réel ; et « ceci » – qui représente le monde du nom et de la forme – est irréel.
Mais l’arrière-plan de « ceci », ou la partie permanente de « ceci », est évidemment « cela » lui-même.

378. QU’ENTEND-ON PAR LE « DÉLUGE » ?
Le « déluge » est le dernier refuge après la recherche erronée, à travers la voie cosmologique, de la cause du monde objectif.
[Le « déluge » ici est le « pralaya » – la dissolution du monde en une semence non manifestée de puissance causale indifférenciée, à la fin de chaque cycle cosmique. C’est à partir de cette puissance non manifestée que le prochain cycle de manifestation cosmique est censé être provoqué.
Le concept apparaît par exemple dans l’histoire de Bhushunda dans le Yoga-vasishtha.
Voir notes 332 et 984.]
La racine de cette question, ainsi que de la recherche, est l’acceptation du principe de l’interdépendance des objets comme vrai.
Cette position n’est pas correcte. Prenez par exemple votre vision d’une vache et d’un veau dans votre rêve. Il est admis que le voyeur, la vue et le vu sont tous des créations de l’esprit. Vous voyez donc la vache et vous voyez le veau séparément. Mais immédiatement, vous créez une nouvelle perception que le veau est la progéniture de la vache. Ainsi, en fait, la vache, le veau et la relation entre eux sont trois perceptions entièrement différentes liées uniquement au percepteur commun, « vous ».
De même, tout le monde objectif et toutes les choses grossières et subtiles – y compris même le « déluge » et sa cause accréditée « mula-prakriti » [« nature racine »] – sont tous des objets, et vous êtes le seul vrai sujet.
Par conséquent, si vous comprenez correctement la signification réelle de l’affirmation selon laquelle les objets n’ont qu’une seule relation et cela, avec vous seul, votre perspective qui vous a permis de visualiser un « déluge » disparaît complètement.

29 juin 1952

379. COMMENT TRAITER UN MANTRA ? 
Un mantra est un son harmonieux ou un groupe de sons, avec ou sans signification superficiellement intelligible, mais capable de créer et d’appliquer une certaine énergie définie et potentielle s’il est correctement prononcé.
Lorsque la Vérité sort spontanément d’un Sage, que ce soit en prose ou en poésie, c’est un mantra parfait. Toutes les tentatives pour le corriger conformément aux normes de la rime ou de la raison ne sont rien de moins qu’un sacrilège et mutilent le mantra, produisant parfois des résultats même négatifs. Par conséquent, acceptez-le comme tel ou rejetez-le.

380. QUELLE EST LA BASE DE L’IDÉE ET DU LANGAGE ? 
Une idée vient vêtue de langage. Lorsque les vêtements sont enlevés, l’idée se présente comme la Vérité ultime. À tel point que le langage peut être considéré comme l’art de dissimuler des idées, et que les idées sont à leur tour un art de dissimuler la Vérité.
Les idées et le langage n’ont de signification que par rapport au sentiment dans le phénoménal, ou sauf par rapport à la Vérité ultime du Vedanta.
Les larmes sont l’expression d’une émotion plus subtile et plus profonde derrière elles, et elles n’ont de signification qu’en relation avec cette émotion.
Celui qui voit ces larmes indépendamment de l’émotion qui les a provoquées n’a rien vu de plus que de « l’eau salée tiède, comme l’alchimiste notoire ». Le but des larmes est seulement d’exprimer cette émotion. Celui qui est capable de voir la nature de cette émotion derrière les larmes seul comprend la véritable signification des larmes. Lui seul est compétent pour commenter les larmes.
De même, en commentant un texte védantique, lui seul est compétent pour faire correctement le travail qui a clairement visualisé l’arrière-plan ou la réalité derrière le texte et l’a fait sienne.

381. QU’EST-CE QUE L’INFINI ET COMMENT LE COMPRENDRE ? 
L’infini est une conception inventée uniquement dans le but de vous soustraire à la conception du fini.
Atteignant ainsi l’infini, vous vous retrouvez même au-delà de lui.
Lorsqu’une chose est expliquée et éliminée, l’opposé est également expliqué et éliminé automatiquement.

382. EXPÉRIENCE DU BONHEUR DANS LE SOMMEIL PROFOND – UNE ANALOGIE.
Supposons qu’un seau soit perdu dans un puits profond et que vous plongiez en bas pour effectuer une recherche. Vous touchez le seau sous-l’eau et remontez à la surface. Arrivant hors de l’eau, vous dites que vous avez trouvé le seau. Mais le seau a été vraiment trouvé pendant que vous étiez sous l’eau, où il n’y avait aucun moyen d’exprimer cette expérience.
De même, le bonheur a été vécu dans un sommeil profond, mais vous ne disposez d’un support pour exprimer cette expérience qu’après être revenu à l’état de veille.
L’expérience est toujours au-delà de l’esprit. Le « je » personnel ne le sait que lorsque le « je » arrive dans ce domaine de l’esprit. D’autres encore en viennent à le connaître quand vous lui donnez une forme grossière en le mettant en mots. Mais l’expérience était clairement au-delà de l’esprit

1er juillet 1952

383. COMMENT LA PHILOSOPHIE DE SANKHYA EST-ELLE LIÉE À L’ADVAITA ? 
Advaita est une perfection de la philosophie Sankhya. Kapila, le fondateur de la philosophie Sankhya, a conçu le purusha et le prakriti comme des entités distinctes mais restant identifiées ; et il a soutenu que pour la libération, l’élimination du purusha était nécessaire. Il a donc essayé d’éliminer les purusha de prakriti.
Mais ce faisant, il a permis à certaines parties de la prakriti de s’accrocher à la purusha. La pluralité des prakriti n’a pas été examinée à juste titre par les sankhyas et a donc été attribuée à tort à purusha. Il a ainsi apporté de nombreux purushas libérés.
La philosophie d’Advaita, par discrimination de droit, constate que la pluralité n’appartient qu’à prakriti, et que lorsque le purusha est atteint, le prakriti cesse d’être prakriti et se transforme en purusha lui-même.

384. QU’EST QUE JE SAIS ? 
Aucune perception ne s’arrête jamais à mi-chemin, mais se termine toujours par la connaissance.
Au point de connaissance, il n’y a ni perception ni objet perçu.
Par conséquent, vous ne connaissez que la connaissance.
Vous dites que vous connaissez une chose parce que vous l’avez vue plusieurs fois.  C’est vrai, dans un sens.  Parce qu’à chaque fois, vous avez été mis en contact direct avec la connaissance et non avec l’objet.  Par conséquent, cela prouve seulement que vous connaissez la pure connaissance.
De cette position, vous ne pouvez jamais être un témoin. Vous n’êtes témoin que de vous-même. Savoir n’est pas un nom verbal.

385. QUE SONT LES QUALITÉS ET LE QUALIFIÉ ? 
Un objet, tel que nous le concevons, est censé être un mélange de qualités et de qualifié. Mais en y regardant de plus près, nous constatons que seules les qualités sont perçues et que le qualifié n’est jamais expérimenté. Le qualifié reste donc une simple fantaisie, faute de preuve. Indépendamment des qualifiés, les qualités ne peuvent exister. Par conséquent, les qualités sont également réduites à la simple fantaisie. Ainsi ni la perception ni le perçu ne sont réels.

386. QUE SE PASSE-T-IL LORSQUE JE VOIS UNE FORME ?
Nous disons généralement : « Je vois une forme ». Qu’est-ce que cela signifie vraiment ? Il a été prouvé que la forme ne peut jamais exister indépendamment de la vue, et que la forme et la vue ne sont que des synonymes. Par conséquent, l’expression « je vois une forme » n’a pas de sens.
Il serait plus approprié de la reformuler comme « je forme une forme » (« ñan oru rupam rupikkunnu »), montrant ainsi qu’il n’y a rien d’autre que moi dans la forme en question.

387. COMMENT PROUVER QUE « TOUT EST CONSCIENCE » ? 
Prenons l’exemple de cet étui à tabac en argent. De quoi est-il fait ? D’argent. Si vous enlevez l’argent de l’étui à tabac, l’étui disparaît complètement. Mais l’argent demeure toujours, sous l’apparence d’une autre forme. Si toutes les formes sont supprimées de l’argent, l’argent disparaît également, laissant la Conscience seule.
Ainsi, nous voyons que la conscience était la seule réalité dans l’étui à tabac.
À partir de « voir une forme », si la vue ou la forme est séparée, alors les deux disparaissent simultanément, car aucun ne peut exister indépendamment de l’autre. Par conséquent, les deux ne font qu’un, mais pas en tant que l’un ou l’autre. Alors comment ?
Quand la forme et la vue disparaissent, la Conscience seule demeure toujours ; et c’est la seule réalité derrière cela. 
Ainsi, tout est permanent comme arrière-plan et non comme expression.

2 juillet 1952

388. OÙ EST UN MYSTIQUE ET OÙ EST UN DÉVOT, PAR RAPPORT À LA VÉRITÉ ?
La position d’un mystique est très complexe et confuse. Il a beaucoup de samskaras faits par lui-même. Il doit transcender tous ces samskaras avant de visualiser la Vérité. Cela implique beaucoup d’efforts.
La position d’un dévot est relativement beaucoup plus simple et plus facile. Il a transcendé la plupart de ses samskaras, par sa soumission aux ishta-deva. Par conséquent, il sera capable de saisir la Vérité ultime beaucoup plus facilement que le mystique moins fortuné.

389. LA PENSÉE DE LA CONSCIENCE EST-ELLE UNE ABSTRACTION ? 
Cela peut sembler être une abstraction au départ, lorsque votre position est uniquement dans le domaine de l’esprit. Mais vous ne pouvez pas y rester longtemps. L’objet de votre pensée échappe à l’emprise de l’esprit ; et dans la tentative de comprendre la Conscience, l’esprit lui-même perd ses limites. Ainsi, l’esprit cesse d’être esprit et se transforme en cette Conscience elle-même. Par conséquent, la pensée de la Conscience, bien que commençant comme une abstraction, vous emmène immédiatement à l’expérience la plus claire de l’Absolu.

390. LE CORPS, L’ESPRIT ET PRINCIPE « JE ».  QUELLE EST LEUR RELATION ET LEUR ESSENCE ? 
Pendant la période des enquêtes préliminaires dans l’étude du Vedanta, il vous est demandé d’essayer de séparer le corps et l’esprit du principe « Je ». C’est seulement pour vous faire comprendre les valeurs relatives des termes. Une telle séparation n’est pas vraiment possible ; parce que, séparés du principe « Je », les deux autres n’existent pas du tout. Ils ne sont donc vraiment que le principe « Je ».
Le Vedanta vous demande seulement de reconnaître cette Vérité.
Du point de vue de la Conscience, on peut dire que tout ce qui est autre n’existe pas.
Mais à partir d’aucune position vous ne pouvez dire que la Conscience n’existe pas. Parce qu’il faut être conscient de la Vérité de cette déclaration avant de la faire.
Par conséquent, la Conscience est l’arrière-plan même de cette déclaration. Donc, même l’affirmation selon laquelle « la conscience n’est pas » prouve seulement que la conscience est.
La Conscience est donc auto-lumineuse et permanente.

391. QUEL EST LE TEST D’ÊTRE « LIBRE » OU « ATTACHÉ » ? 
Si, quand vous pensez à la Conscience,
la pensée « Je » arrive spontanément et vice versa, alors vous êtes libre.
Et si, quand vous pensez au corps,
la pensée « Je » arrive spontanément et vice versa, alors vous êtes lié.

392. PEUT-IL Y AVOIR DEUX CHOSES AUTO-LUMINEUSES ?
Non. La définition même d’auto-lumineux est celle de « celui qui a la luminosité comme étant sa nature même ». Il ne peut y avoir deux choses de ce type, car par définition, elles ne font qu’un. S’il y a deux choses de ce genre, ce principe qui a connaissance de ces deux choses est le seul vraiment auto-lumineux.
Une autre définition est que l’auto-lumineux est ce qui illumine tout le reste, y compris d’autres choses qui pourraient prétendre être auto-lumineuses. Si vous acceptez plus d’une de ces choses, cela ne signifierait qu’aucune d’entre elles, est auto-lumineuse. Sur ce point également, il ne peut y avoir qu’une seule chose auto-lumineuse.

393. COMMENT SHIVA EST-Il APPELÉ LE « DESTRUCTEUR » ? 
La fonction de la faculté appelée « raison supérieure » est uniquement de détruire tout ce que la raison ou l’esprit inférieur a créé.
Par conséquent, cette raison supérieure ou vidyavritti est en vérité le destructeur, Shiva lui-même.

394. QUELLE EST LA SIGNIFICATION DU CENTRE ET DE LA CIRCONFÉRENCE DANS LA PHILOSOPHIE DU VEDANTA ? 
Le centre n’est qu’une position sans dimension ni ampleur. Mais la circonférence a une forme, des dimensions et une ampleur ; et se compose d’innombrables points ou centres. Afin d’atteindre le centre de la circonférence, vous devez renoncer aux limitations de forme, de dimension et d’amplitude attachées à la circonférence. Ainsi le centre est dans la circonférence et partout.
Dans le domaine spirituel, le sens du corps ou de l’esprit représente la circonférence et le vrai principe « Je » est le centre.
Pour visualiser le centre, le principe « Je », il suffit de transcender les idées du corps ou de l’esprit. Ensuite, le principe « Je », étant déjà là, auto-lumineux, se visualise sans aucun effort.
Par conséquent, si vous parvenez à visualiser un point quelconque n’importe où dans la circonférence, cela revient à atteindre le centre partout. L’effort ne doit pas être d’atteindre le centre ; mais de connaître le centre d’abord, puis savoir que vous êtes cela.

Ferrier, le philosophe français, a déclaré : « L’appréhension de la perception de la matière est le sujet de la métaphysique. »
Mais Gurunathan l’améliore ainsi : « Ce n’est que le début de la métaphysique. L’appréhension ou la connaissance sont toujours au-delà du mental. »

5 juillet 1952

395. COMMENT L’ESPRIT EST-IL A LA FOIS LA CAUSE DE L’ATTACHEMENT ET DE LA LIBÉRATION ? 

mana eva manusyanam karanam bandha-moksayoh
bandhaya visayasaktam, muktyai nirvisayam smrtam
Maitrayani (Maitri) Upanishad, 6.34.11
Ce n’est que l’esprit qui est la cause de l’attachement, et aussi de la libération, dans nos vies humaines. Dans l’attachement l’esprit est lié aux objets. Mais, dans la liberté, l’esprit rappelle qu’il est vraiment sans objet.

l’esprit a deux types d’activités.
L’une, extravertie, perçoit des objets.
Et l’autre, étant introvertie, perçoit le vrai Soi ou l’Atma.
Lorsque l’esprit est introverti, il entre en contact avec le Soi absolu et devient saturé par l’arôme de l’Atma. Dans cet état, tout ce qui sort de cet esprit apparent sera parfait sous tous ses aspects. Il arrive spontanément et sans arrêt. Il n’y a aucun ego apparent pour revendiquer un quelconque droit sur aucune de ces déclarations. Chaque mot ou phrase écrit ou prononcé par un Sage est de cette nature, chacun étant un mantra en soi. Cela aide à vous rapprocher de la Vérité.
Le reste c’est à vous de l’expérimenter.

396. L’ART.
Chaque art est conçu pour vous emmener, par étapes régulières, du phénoménal à l’Absolu.
Prenons par exemple la musique. C’est l’art de vous emmener dans l’Absolu par le son. La musique, dans sa forme grossière, est composée de sons distincts, harmonieusement mélangés sur un fond apparemment immuable appelé « shruti ».
Ce shruti est audible et grossier, mais transcende les changements de montée et de diminution. En laissant les divers sons de la musique, il faut s’imprégner de l’unité des shruti
Le but de shruti est de montrer un arrière-plan audible pour représenter l’inaudible. Jusqu’à cet état, la musique fonctionne dans ahata, l’audible.
De l’unité des shruti, il faut aller encore plus loin, jusqu’à l’inaudible ou anahata, qui est la demeure d’Atma.
Ceci est réalisé par l’esprit qui suit les shruti et continue de le faire même après que les shruti ont cessé d’être audibles. Ici, l’esprit, déjà séparé de ses objets, se débarrasse de toutes les limitations et se fond dans l’anahata ou l’Atma. Ainsi, vous expérimentez le vrai Absolu à travers la musique.
L’Atma s’exprime d’abord en anahata, qui s’exprime à nouveau en ahata.
Nada est le nom générique de tous les sons. Il imprègne littéralement tous les sons. Par le biais de tout art, lorsque vous êtes emmené de ahata à anahata, vous profitez du bonheur éternel. Le véritable art devrait y parvenir sans faire la moindre violence à l’harmonie intérieure qui est la Réalité absolue elle-même.
Bien sûr, il y a de la diversité dans ahata. Mais en musique, elle est si habilement réglée qu’elle ne fait aucune violence à l’anahata derrière elle.
C’est pourquoi la musique vous plaît si facilement. À travers la forme, dirigez votre attention vers la lumière sans forme – l’Ultime – appelée « oli ».
Et grâce à un son audible, dirigez votre attention vers le nada silencieux. Ces oli et nada sont les deux points de terminaison, lorsque vous vous approchez de l’Absolu à travers les deux voies distinctes de la forme et du son.

arupamakumoliyum
zabdamillatta nadavum
hrdayakazamaddhyattil
onnay`nilkkunnitanvaham. 
Sri Atmananda, Atmaramam, 2.9
Juste au centre du cœur, il y a un fond intérieur
où la lumière brille sans forme, toujours
Une avec une résonance tacite.

Thayabbalgitamiva nadaprayogamutan
Ekazrutibkaloruminnalkkanakkeyumit
Ekaksarattilorumikkunnapoleyumit
akazasuksmatanu narayana jamais.
Eruttacchan, Harinama-kirttanam, 41
Ce fond subtil qui imprègne tout l’espace et le temps changeant est comme une harmonie immuable où les différences sont réunies en une seule. Et c’est comme une lumière qui clignote de façon intemporelle
– dans ce seul bourdonnement de fond, qui est entendu dans la chanson, la musique et les arts qui fonctionnent à travers le son résonnant.

6 juillet 1952

397.VOUS VOYEZ SEUL LA RÉALITÉ . 
Lorsqu’un objet se révèle irréel maintenant, son existence dans le passé et l’avenir se révèle également irréelle. Un objet est donc irréel du début à la fin.
Quelle est la preuve d’un objet ?
Vous dites que vous voyez un objet. Mais vous ne voyez en fait que la forme. La forme n’est rien d’autre que voir. Vous voyez donc seulement voir. Mais avez-vous vraiment vu même voir ? Non. Parce que voir ne peut jamais exister distinct et séparé de vous. Vous n’avez donc pas vu du tout.
Par conséquent, aucun objet n’existe. Le fait que vous voyez peut seul être admis. Mais qu’avez-vous vu ? 
Rien. Ni forme ni rien d’autre. Pourtant, le fait que vous ayez vu ne peut être nié.
Par conséquent, vous voyez la Réalité elle-même et rien d’autre.

398. QUELLE EST LA VÉRITÉ DE LA CRÉATION ? 
À proprement parler, il n’y a pas eu de création. La création est décrite dans les shastras de deux manières :
1. Krama-srishti (création dans l’ordre régulier), et
2. Yugapat-srishti (simultané, comme dans le rêve).
Parmi ceux-ci, le krama-srishti est réfuté et éliminé comme illusion par l’autre, yugapat-srishti. Et le yugapat-srishti, à son tour, est éliminé comme une illusion en comprenant la Vérité ultime.

7 juillet 1952

399. QUE PROUVENT LES IDÉES ? 
Les idées ne peuvent être envisagées que de deux manières. La première comme étant réelle et l’autre irréelle. Si vous considérez les idées comme réelles et considérez le fait que vous puissiez vous en souvenir par la suite, vous devez admettre que vous êtes l’entrepôt ou le porteur d’idées. En tant que titulaire, vous devez être immuable et donc distinct et séparé des idées.
Peu à peu, vous vous rendrez compte que les idées ne vont et viennent que sur le moi immuable et que les idées en tant que telles sont irréelles. Lorsque les idées sont considérées comme irréelles, puisque j’en ai connaissance, je suis le témoin de ces idées.
Puisque le témoignage n’est pas une fonction, le témoin est toujours la conscience silencieuse ou l’Atma. Si vous prenez n’importe quelle activité de l’esprit, par ex. penser, vous trouvez que votre rôle n’était que d’être conscient de la pensée. Vous étiez donc vraiment le témoin de la pensée.
Vous êtes Cela en ce qui concerne toutes les activités de l’esprit.  Mais la nature de l’activité est sans importance, en ce qui concerne le témoin. Vous pourriez dire que le souvenir prouve l’existence des pensées ou des objets du passé. Mais le souvenir lui-même n’est qu’une activité de l’esprit. Cela ne prouve encore une fois que votre rôle de témoin. 
Sinon, le souvenir lui-même serait impossible. Et vous êtes aussi le témoin du souvenir.
Les choses sont de deux sortes :
1.  extrinsèques ou étrangères à vous, et
2. intrinsèques en vous. 
Le second ne peut être qu’Un, et c’est votre propre Soi ou votre vraie nature.
Pour découvrir cela, vous devez cesser d’être amoureux de tout ce qui vous est étranger et mettre l’accent sur votre propre nature intrinsèque.
Par exemple, « voir » vous est-il étranger ou intrinsèque ? Certainement étranger. Parce que vous pouvez très bien continuer même sans voir.

400. LA PENSÉE EST-ELLE L’ENNEMI DE NOTRE PROPRE PAIX ? 
Oui, dans un sens. Si un étranger tombe malade, vous ne vous sentez généralement pas triste ; mais s’il vous est lié de quelque façon que ce soit, vous êtes triste. Parce que vous vous reliez à lui, du moins par la pensée.
Ôtez la pensée et vous êtes libre, quelle que soit cette pensée concernant le monde ou votre propre corps ou votre mental.
C’est pourquoi la pensée seule détruit votre paix.

8 juillet 1952

401. LE COEUR ET PREMA.
Cœur + je suis = je suis le cœur.
L’amour est l’expression du Soi à travers le cœur, et le cœur est toujours humide. Cela vous emmène directement au Soi ou à l’Atma et vous y noie.
Le langage est sec et est l’expression du Soi à travers la tête ou la raison. Cela ne vous mène qu’au bord de l’Atma ; et vous laisse là, jusqu’à ce que le cœur s’élève pour humidifier la raison et finalement vous noie dans l’amour.
Ainsi, lorsque vous commencez à discuter de l’amour, il est impossible de poursuivre la discussion lorsque le cœur se gonfle.
Parmi les différents styles de la littérature, le « shringara » (basé sur l’amour humain) est le style le mieux adapté pour revêtir la plus haute Vérité à travers le message de l’amour ou de prema
C’est pourquoi même les Upanishads ont invariablement utilisé ce style pour exprimer la Vérité.
Le verset suivant montre l’idéal phénoménal du prema.

oruvanutanoralil snehamayalavannull
orunirupamasaukhyadravyamayalutanne
arikilmaruviyonnum ceykayillebkilum tan
maruvumorusukhattaltanne duhkhattenikkum. 
Mannadiyar, Uttara Rama Caritam, 2.19
Quand quelqu’un devient amoureux,
celui qui est aimé est alors une source de bonheur incomparable.
Ensuite, le simple fait d’être près de cette personne apporte du contentement,
même si rien n’est fait.
Juste en elle-même, cette compagnie apporte le bonheur
et bannit tout mécontentement.                                        

9 juillet 1952 

402. QU’EST-CE QUI EST À LA RACINE DE LA QUESTION ET DE LA RÉPONSE ? 
Chaque question découle de la réponse – qui se présente toujours comme une expérience, bien au-delà du domaine de l’esprit.
Par conséquent, les questions sont nombreuses, mais la réponse ultime et correcte à toutes les questions n’en est qu’une, et c’est l’Atma immuable, la Réalité. Chaque question découle de l’effort de l’esprit pour faire descendre cette expérience pure dans le domaine de l’esprit

403. QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE SAT ET LA VIE ? 
Sat est la plus grande généralisation des objets, aussi bien grossiers que subtils ; et est le principe de l’Existence elle-même. Elle comprend à la fois des objets animés et inanimés.
La vie, qui n’est que la première émanation de sat, ne comprend que les objets animés.
Dans cette optique, sat peut très bien être appelé une vision plus large de la vie.

404. QUELLE EST LA SIGNIFICATION DE L’ADRESSE ?  (Une fin de vie)
L’adresse et l’expérience sont les extrêmes les plus bas et les plus élevés de notre « je » apparent.
Lorsque vous dites que son adresse est parfaite, cela signifie que son identification corporelle est complète. C’est l’attachement du type le plus sévère.
Le but du Vedanta est de le libérer des emprises des attachements à cette adresse, et de lui permettre ainsi de s’identifier à ce principe permanent en lui qui est au-delà de toute limitation ou d’adresse. L’adresse est synonyme de particularisation et la libération est la plus grande généralisation.
Par conséquent, le Vedanta nous dépossède complètement de notre adresse.

10 juillet 1952

405. LA MÉDITATION.
La méditation est yogique lorsque l’esprit est concentré sur un seul objet, ou lorsque le prana est contrôlé de la moindre manière. Ce dernier ne doit être fait qu’en présence d’un Guru expérimenté. Sinon, il est exposé à d’innombrables pièges, qui peuvent causer des maux, tant physiques que mentaux.

406. NIRVIKALPA SAMADHI DU JNYANIN.
Selon le Yoga-vasishtha, c’est la fraîcheur agréable que vous ressentez en raison de la ferme conviction que vous seul existez et que vous ne voyez rien ou que vous ne voyez pas du tout.

yatha prakazayamy eko deham enam tatha jagat.
ato mama jagat sarvam athava na ca kiñcana ..
Ashtavakra-samhita, 2.2
Ce corps brille ici par ma lumière. Cela n’est montré que par moi seul.
Mais alors, la même chose est vraie pour tout dans l’univers entier.
Ainsi, soit tout est à moi, soit rien du tout.

Si vous voulez le corps, acceptez aussi le monde entier avec lui. Sinon, n’acceptez ni l’un ni l’autre. 
Quelle affirmation audacieuse !

407. LA PRAKRITI EST-ELLE VRAIMENT UN OBSTACLE AU PROGRÈS SPIRITUEL ? 
Dans les premiers stades de la sadhana, lorsque l’aspirant se fie uniquement à la raison inférieure, le monde des objets apparaît comme un obstacle à son progrès. Peu à peu, quand il commence à éveiller sa raison supérieure et commence à s’appuyer sur vidya-vritti, tout ce qui apparaissait comme un obstacle auparavant se transforme en aide pour le conduire à l’Ultime.
Quand il prend position dans la Vérité elle-même, prakriti change également ses caractéristiques et apparaît comme la Vérité

408. QUEL EST LA PLUS CONCRÈTE DE TOUTES LES CHOSES ? 
Concret signifie littéralement réel ou immuable. Le nom et la forme changent constamment ; et leur arrière-plan, l’Atma seul est réel. Le corps, les sens et l’esprit changent ; et le principe  » Je  » seul est immuable ou réel, à travers tous les états et tout le temps.
En ce sens, le principe « Je » est la seule chose concrète, et tout le reste n’est qu’illusion.

409. COMMENT FONCTIONNE LE CHEMIN D’AVADHUTA ? 
La plupart des avadhutas prennent le visible et répugnent à accepter la discrimination.
Il leur est donc conseillé de cultiver une aversion intense pour leur propre corps, en le rejetant de plusieurs façons ; et ainsi se débarrasser de leur attachement au corps.
La plupart d’entre eux adoptent également certaines pratiques yogiques et acquièrent ainsi certains pouvoirs yogiques. Toute cette conduite extraordinaire les fait admirer et vénérer par le grand public.
Mais ces pouvoirs (s’ils ne sont pas mal utilisés) et les pratiques ne font que préparer le terrain pour qu’ils écoutent la Vérité. Donc, ils doivent finalement se rendre vers un karana-guru et être instruit par lui concernant la Vérité ultime.

410. QU’EST-CE QUE « SPHURANA » ET COMMENT FONCTIONNE-T-IL ? 
L’état naturel du principe « Je » chez l’homme n’est pas manifesté. Cela se manifeste, dans le cas d’activités humaines, en trois étapes distinctes. 
1. L’état de luminosité non manifesté lui-même. 
2. Devenir manifeste en tant que « je sais que je suis » ou comme auto-luminosité. 
3. Devenir manifesté en tant qu’objets.
La deuxième des trois étapes ci-dessus n’est pas du tout reconnue par l’homme ordinaire. Mais le Jnyanin seul la reconnaît et la perçoit parfois clairement, avant une perception.
De la première étape à la seconde est seulement un changement subjectif vers le « je suis », sans perdre son identité. Ceci est appelé « sphurana ». Il n’a pas d’objet, mais il est devenu auto-lumineux. C’est tout.
Lorsque le principe « Je » arrive au troisième stade de la perception, il se manifeste en tant que jiva.
La déclaration « Je suis intelligent » est faite par l’homme ordinaire et aussi le Sage.
Pour l’homme ordinaire, ce n’est rien de moins qu’un tout intégral, indivisible et serré.
Mais le Sage le divise en deux parties distinctes, le « Je » et « suis intelligent », s’identifiant au « Je » et considérant la seconde partie comme un objet ou un attribut.
Le principe « Je » est pur et sans attribut, et est ajouté à l’attribut à chaque fois.
En d’autres termes, le principe « Je » non manifesté se prépare d’abord à se manifester en adoptant le « je sais que je suis » subjectif et immuable, puis il prend l’attribut et se manifeste clairement.
Au lieu des trois états de : luminosité, d’auto-luminosité et d’éclairage de l’objet, l’amour a aussi ses parallèles exacts au cours de sa manifestation.

Pure Conscience      Conscience de Soi     Conscience des objets
bodha-matra            sva-bodha                   vishaya-bodha

Amour pur                Amour de Soi              Amour des objets
prema-matra            sva-prema                    vishaya-bodha

Dans ces trois aspects, vous ne bougez pas de votre centre.
Mais si vous mettez l’accent sur la vue ou l’ouïe dans le troisième aspect, vous devenez un jiva.
Et si vous mettez l’accent sur le connaisseur ou le témoin, vous vous tenez dans votre centre.
Si vous vous identifiez aux sentiments, vous devenez un jiva ;
et si vous vous tenez comme le connaisseur des sentiments, vous vous tenez en vous-même. 
Jiva est celui qui pense ou ressent, et
Atma est celui qui connaît ces deux activités.

411. LA CONNAISSANCE N’A RIEN À CONNAÎTRE, SAUF LA CONNAISSANCE. 
Tout ce qui est autre que la connaissance est un nom ou une forme. Dès que vous les connaissez, ils deviennent la connaissance elle-même. Vous ne connaissez donc rien d’autre que la connaissance.
Ainsi, le monde n’est pas. Alors où est l’attachement ?

412. QUELLE EST LA RELATION ENTRE LE PRINCIPE DE VIE ET ​​LA MATIÈRE MORTE ? 
Tout ce qui est perceptible est de la matière morte. Le principe de vie seul ne peut jamais être perçu. 
Par conséquent, le principe de vie ne peut jamais être de la matière morte. Il ne peut pas non plus y avoir de dualité ou de diversité dans le principe de vie. Ce ne peut être qu’Un. La vie transcende la perception autant que la conception.
En regardant d’un autre point de vue, le principe de vie est « l’êtreté » en toute chose. De ce point de vue, la matière morte n’existe pas. Tout ce qui est perçu est éclairé par le Soi, et est vivant.

13 juillet 1952

413. PAR LE SON À L’ULTIME.
Les quatre étapes de la progression vers l’Ultime expliquées en relation avec le chemin du son peuvent s’appliquer à n’importe quelle sphère de la vie. Par exemple :
1. Vaikhari peut très bien être représenté par toute expression perceptible en tant que corps.
2. Madhyama peut très bien être représenté par toute expression comme l’esprit (inaudible) toujours avec le langage.
3.  Pashyanti peut très bien être représenté par le « je » ou témoin sans langue, apparemment limité.
4.  Para peut très bien être représenté par le Soi réel ou Atman au-delà même de la limitation de l’unité ou au-delà même du « je » apparemment limité.
L’Atma s’exprime dans deux domaines, à savoir l’esprit et le corps.
Le Sage repose à la bonne extrémité, l’Atma, et voit les deux autres comme de simples illusions sur l’Atma lui-même.
Mais l’homme ordinaire reste au mauvais bout, le corps, attribuant la réalité complète à sa forme et à son nom, et considérant l’esprit et l’Atma comme relativement subtils (moins réels).
Ainsi, la bonne perspective assumée par le Sage est complètement inversée par l’homme ordinaire. Pour arriver à la perfection, le profane doit donc inverser également sa perspective.

 Perspective du Sage                                  Atma seul réel                   L’esprit et le corps irréels
 Perspective de l’homme ordinaire        Le corps et l’esprit réels       L’Atma irréelle

414. VERS L’ULTIME PAR DHARMA ET DHARMI.
Chaque perception a deux aspects : dharmi et dharma. Dharmi est le fond ou l’existence immuable sur lequel les dharmas vont et viennent.
Par exemple, nous disons « le livre est ». « Le livre » est le dharma et « est » est le dharmi. Parce que le « est » est partout; mais « le livre » est seulement dans le livre.
Mais il est mal compris par un homme ordinaire. Il prend le « livre » comme dharmi et le « est » comme dharma (attribut). Le « est » ne peut jamais être un attribut, car il est partout. Lui seul peut être dharmi.
Si donc vous vous approchez de la Vérité par le biais du « dharmi », en la comprenant de la bonne manière, vous accédez à la Vérité ultime sans aucune difficulté. Là, le « est » et la conscience seront une seule et même chose. Ici aussi, l’ordre correct est inversé, en mettant le sans changement après le changeant.
Immédiatement après chaque perception, la partie immuable « est » est commodément oubliée et la partie changeante « livre » seule est soulignée. À juste titre, il faut dire que l’existence (dravya) s’exprime en tant que le livre (guna). Ou en d’autres termes, « l’existence-livre », « livre » étant utilisé comme verbe.
Ainsi, chaque nom existant doit être considéré comme un nom verbal et son expression un verbe ou attribut régulier.
La langue sanskrite souligne littéralement cet usage. L’existence est le seul dravya (nom). Tout le reste est un verbe ou un attribut. Sat est dharmi et existe dans tout les dharma.
Mais un dharma ne peut pas exister dans un autre dharma.
Atteignez le « est » dans chaque perception ou trouvez le dharmi en vous, et vous êtes libre.
En ce sens, il est dit que le Seigneur Krishna doit être considéré comme le seul homme et tous les autres êtres des femmes.
Vu du niveau phénoménal, le monde apparaît en tant qu’existence, s’exprimant en tant que monde. Mais vu du point de vue de l’Existence, il n’y a eu aucune expression du tout.

14 juillet 1952

415. POURQUOI CHERCHE-T-ON LA VÉRITÉ AILLEURS ? 
Parce qu’on ne sait pas qu’on est nous-même cette Vérité.

416. QUEL EST LE TEST DE L’AMOUR ? 
Dans votre relation avec un autre, si vous ne pouvez même jamais rêver d’un quelconque ressentiment envers cet autre, on peut dire que cette relation est à la limite de l’amour pur. Qu’est-ce que vous ne pouvez pas vous empêcher d’aimer ?
Atma seul.

atmavibkalatilpriti, prititan visayattilam,
pifaykkum visayapriti, yatmapritipificcita.
Bhasha Pancadashi, Atmananda-prakaranam, 26
Dans le Soi, ce qui s’y trouve est bien au-delà de toute simple affection ressentie pour des objets extérieurs dans le monde.
Le penchant ressentie pour les choses extérieures peut être expulsée,
mais pas celle pour la Vérité de ce qu’est le Soi.
Cela ne peut pas être abandonné ou changé.

417. QU’EST-CE QUE L’ON SIGNIFIE PAR « AKALAM DRZYAM JADAM » –
« TOUT CE QUI EST PERÇU EST INERTE » (Upanishad) ?
Tout ce que vous percevez est mort et inerte ; car en fait vous ne voyez rien. L’objet, quand vous semblez le percevoir, est mort en tant qu’objet ; mais vit dans un niveau supérieur, en tant que Conscience.
Ce qui existe ne peut jamais être mort. Par conséquent, seule la partie matérielle, qui est changeante, est morte.
La partie existence de chaque objet est la vie ou la conscience elle-même. Elle n’est pas perceptible et n’est jamais morte.

21 juillet 1952

418. QUI A UN PROBLÈME ? 
Vous dites que vous avez de nombreux problèmes. Mais je vous le demande, en avez-vous vraiment ?
Lorsque vous examinez vos problèmes plus attentivement, vous constaterez que chaque problème appartient à quelqu’un d’autre que vous-même, à savoir le corps ou l’esprit.
En tant que véritable principe « Je », vous n’avez absolument aucun problème.
Vous ne pouvez parler d’un problème que si vous le percevez. Lorsque vous êtes celui qui perçoit, vous ne pouvez pas être simultanément la victime ou le bénéficiaire. Vous ne pouvez donc pas avoir de problème, mais vous êtes toujours le témoin.
Un patient peut raconter les détails de sa maladie à un médecin uniquement en tant que percepteur de celle-ci et non en tant que souffrant. Le patient est donc le témoin de la maladie. Vous êtes donc le témoin éternel.
C’est ce que le Vedanta veut vous enseigner.
La vérité est ici et maintenant. Elle est donc partout. Si elle n’est pas trouvée d’abord maintenant et ici, elle ne se trouvera nulle part ailleurs et à aucun autre moment.
Les paroles d’un Sage dans l’état de sahaja sont audacieuses et sans compromis, car elles reflètent directement la Vérité ultime.
Penser en accord avec ces déclarations audacieuses sera en soi un plaisir, même sur le chemin, et elles vous mèneront directement au transcendantal.

419. QU’EST-CE QUE LA RÉALISATION ? 
La réalisation n’est rien d’autre que déplacer le centre de gravité ou l’accent de l’objet vers le sujet dans chaque perception.
Par exemple, « Je vois la chaise ». Ici, « Je » vient en premier et « chaise » ensuite. Mais l’homme ordinaire ignore le « Je » et ne met l’accent que sur la « chaise ».
À juste titre, il devrait mettre l’accent sur le sujet « Je » et ignorer l’objet « chaise ».
L’univers donné par Dieu est Dieu lui-même et ne peut être rien d’autre.
Invisible signifie non visible pour les organes sensoriels ordinaires, mais connu de certaines facultés supérieures.

420. QUEL EST LA NÉCESSITÉ D’UN GURU ? 
La connaissance est de deux types : objective et subjective.
Les connaissances objectives de toutes sortes, relatives aux objets grossiers aussi bien que subtils, ne peuvent être acquises que par des instruments objectifs de même nature, de l’intellect en descendant jusqu’au corps grossier. Pour cela, nous recherchons volontiers l’aide de personnes, de livres, d’instruments et d’autres moyens tout aussi objectifs, comme des gurus.
Mais, pour l’acquisition de connaissances subjectives (connaissances concernant le principe « Je »), aucun des instruments ci-dessus ni rien d’objectif ne sera utile. Cependant, les instruments objectifs, s’ils sont correctement utilisés, font le simple service de vous prouver que vous n’êtes pas le corps, les sens ou le mental. Ils ne peuvent rien faire de plus, et votre intellect ne peut pas non plus saisir quoi que ce soit au-delà de l’objectif.
L’expérience subjective du « Je » réel est exclusivement le sujet du Vedanta. Cela ne peut être obtenu que par un contact personnel, dans une attitude d’abandon complet, avec un Jnyanin qui est établi dans cette réalité subjective. Ce Jnyanin, bien qu’apparaissant à l’homme ordinaire comme étant incarné, se tient vraiment au-delà du corps, des sens et du mental – comme l’Atma lui-même.
Mais le disciple, tant qu’il se sent incarné, ne voit le Guru que comme une personnalité. Lentement, le disciple se rend compte qu’il est ce principe vivant au-delà du corps, des sens et du mental. Puis il trouve le Guru également dignifié en conséquence.
Enfin, lorsque le disciple, ainsi amené au bord du mental, écoute les paroles du Guru expliquant la nature du Soi positif, il est soudain jeté dans cette suprême expérience de l’ultime Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il se rend compte que l’état du Guru est toujours le même, que ce soit dans une activité ou une inactivité apparente. Ainsi, la Vérité peut être réalisée.
Un autre aspect de la même chose : vous n’avez rien par vous-même. Tout ce que vous prétendez posséder vous est étranger, acquis de différentes sources. Votre corps, votre langage, vos idées et tout ce que vous vivez dérivent également de très nombreuses autres sources, chacune étant un guru dans ce sens. Tout votre mérite ou votre originalité consiste à les réorganiser d’une manière particulière, en les appelant « découverte ».
Chacune de vos activités est le résultat de certaines choses que vous avez ainsi acquises auprès de différents gurus ou sources. Par conséquent, un guru est essentiel dans tous les domaines de la vie ; bien plus encore dans la recherche de la Vérité, puisque vous devez abandonner tout ce que vous jugez posséder, avant de vous laisser pénétrer dans la Vérité ultime.

Adrzyo drzyate rahur grhitene ’nduna yatha,
tatha’ nubhava-matra ’tma drzyena’ tma vilokyate
Shri Atmananda, Atma-darshan,
L’invisible Rahu est perçu à travers l’éclipse de lune.
De la même manière, l’Atma qui est une simple expérience est perçu à travers des objets.

Dans la citation, Rahu signifie l’Atma et la lune représente tout ce qui est perçu (drishya). Rahu ou Atma est par nature imperceptible aux sens. Mais Rahu ne devient perceptible que lorsqu’il entre en contact direct avec la lune.
De même, Atma est reconnu uniquement lorsque vous connaissez un objet et que vous dirigez votre attention vers la connaissance ou l’aspect témoin de l’activité.
Par exemple : « Je connais la chaise ». « Je » est par nature inexprimé. Mais, dans la perception de la chaise, si vous la prenez en soulignant le « Je » ou l’Atma en elle, la chaise ne sert qu’à montrer l’Atma.
Utilisez donc tous les objets pour atteindre l’Ultime.
Tout art, toute science ou shastra part de l’hypothèse aveugle de l’erreur fondamentale que le monde, tel qu’il est perçu, est réel ; et il procède à l’examen des objets de cette position. Mais le vedantin diffère et demande hardiment à l’artiste ou au scientifique ce qu’il examine, questionnant la réalité même de l’objet lui-même. Le vedantin vous demande de prouver l’objet d’abord, avant de procéder à son examen.
Lorsque vous êtes engagé dans l’examen des principes fondamentaux de quoi que ce soit, vous ne devez pas laisser vos samskaras passés entrer et entacher votre jugement. Les canaux d’habitude de l’esprit sont bien sûr difficiles à surmonter. Vous devez donc vous protéger fortement contre eux.
Lorsque vous êtes obligé d’examiner ce que vous appelez un « objet », de manière stricte et impartiale, vous constatez que vous ne comptez que sur la connaissance et l’expérience pour prouver l’objet.
Mais la connaissance et l’expérience sont toujours en vous, et ne sortent pas pour rencontrer le soi-disant objet. Ainsi, la connaissance et l’expérience ne peuvent en aucun cas prouver l’existence des objets, mais seulement leur existence en tant qu’idées dans le domaine du mental. Ainsi, les objets ne sont que des idées. Celles-ci à leur tour sont reconnues par ce principe « Je » auto-lumineux, plus à l’intérieur encore.
En appliquant le même argument, vous voyez que les pensées et les sentiments ne se reconnaissent qu’en tant que ce principe « Je ». Par conséquent, vous voyez que ce qui apparaît comme un objet n’est rien d’autre que votre propre Soi lumineux.
L’expérimenté est toujours un avec l’expérience. Ceci est applicable dans tous les domaines. En vous identifiantà l’esprit et en examinant le grossier, vous trouvez que le grossier n’est rien d’autre que des formes pensées. Ensuite, identifiez-vous avec le principe « Je » auto- lumineux, vous examinez les pensées et les sentiments, et immédiatement les pensées et les sentiments ne sont rien d’autre que ce principe « Je ». Ainsi, le monde entier, y compris votre propre corps et le mental, n’est rien d’autre que votre propre Soi.

yat tvam pazyasi tatrai ’kas tvam eva pratibhasase. 
kim prthak bhasate svarnat katak-abgada-nupuram ..
Ashtavakra samhita, 15.14
Dans ce que vous voyez, vous seul brillez.
Qui a-t-il d’autre que de l’or qui brille dans des ornements dorés ?

La perception, la pensée ou le sentiment ne sont pas tels quels au moment de l’activité.
Vous ne les convertissez en Cela qu’après l’événement.
Ils n’existent pas non plus avant l’événement. Par conséquent rien d’objectif n’existe jamais.

421. QUE SONT LES ÉTATS ? 
Les états de rêve et de veille, vus du point de vue du sujet apparent, n’apparaissent que comme étant l’état de veille. Un état ou une expérience est appelé un rêve lorsque ses objets correspondants sont inexistants. En ce sens, chaque expérience passée est un rêve ; et vous n’avez qu’une seule expérience dans le présent – l’éveil.

422. COMMENT UN RÊVE EST-IL UN RÊVE ? 
Vous dites que vous avez fait un rêve, en ne comptant que sur la mémoire seule. Vous admettez aussi que les objets du rêve, y compris le sujet du rêve, étaient tous irréels. Cela montre que la mémoire n’est pas une preuve de la réalité des objets de l’expérience censés être rappelés. Si les objets de la perception et les organes de perception étaient irréels, la perception doit également être irréelle.
Le mental travaille toujours conjointement avec les organes sensoriels correspondants. Par conséquent, lorsque les organes des sens du rêve et le corps du rêve disparaissent, le mental du rêve disparaît également. Ensuite, les perceptions du rêve n’ont pas de récipient auquel s’accrocher.
Par conséquent, les perceptions du rêve ne peuvent en aucun cas être mémorisées.  La mémoire ne peut donc pas prouver un rêve. Lorsque vous vous réveillez de l’état de rêve, vous devez également vous réveiller du rêve éveillé. Dire que vous pouvez maintenant penser à votre rêve passé est également faux.
Même pour penser à un rêve, vous devez rejeter tout ce qui est lié à l’état de veille et devenir un sujet de rêve à cet instant.
Prakriti (avidya) porte sur sa tête l’arme avec laquelle tuer elle-même prakriti. Cette arme est vidya-vritti (la raison supérieure).

423. QUEL EST LE SECRET DE LA JOUISSANCE ? 
Dire que vous avez aimé quelque chose, par exemple de la musique, est faux. C’est vrai que vous avez commencé par écouter de la musique. Au début, vous avez oublié votre identité personnelle et vous avez été absorbé par l’harmonie exprimée dans la musique. Mais vous ne vous êtes pas arrêté là. Grâce à l’harmonie exprimée, vous avez été amené à l’harmonie intérieure inexprimée du Soi et vous y avez fait l’expérience de votre propre Soi.
En revenant, vous avez traversé les mêmes étapes, dans l’ordre inverse, et avez de nouveau atteint la musique. Ensuite, vous superposez délibérément le bonheur éprouvé à la musique extérieure.
L’erreur n’est pas de jouir de l’harmonie exprimée, mais seulement de superposer le bonheur à un objet extérieur – ici la musique. 
Lorsque vous dites que vous appréciez un objet sensoriel, comme la musique, cet objet n’est pas présent au moment de la jouissance. Le « je » personnel, le bénéficiaire de l’action, n’est pas non plus présent. Il n’y a que votre vrai Soi, dans sa vraie nature de Paix. Vous n’utilisez la musique que comme un instrument et vous l’abandonnez juste avant le plaisir ou l’expérience.

424. COMMENT LE YOGIN ET LE SAGE RÉAGISSENT DEVANT LE PLAISIR ET LA DOULEUR ?
Lorsque le corps souffre, le yogin, à cause de sa pratique incessante, éloigne l’esprit de cet endroit et l’amène ailleurs, évitant ainsi la douleur.
Même lorsqu’il est ainsi séparé du corps, l’esprit a ses propres souffrances. Ce genre d’évasion ne l’enrichit pas, mais au contraire le blesse beaucoup.  Parce que, plus tard, il aura beaucoup plus de mal qu’un homme ordinaire à quitter un mental aussi développé et à se reposer dans sa vraie nature.
Les canaux d’habitude de l’esprit sont si difficiles à surmonter.
Mais le Sage voit le plaisir ou la douleur d’une manière tout à fait différente. Il laisse le corps ou le mental jouir ou souffrir au fur et à mesure ; seulement en voyant bien que c’est le corps ou le mental seul qui jouit ou souffre et que lui – le connaissant – n’y est nullement impliqué.
Les yogins, de leur propre choix, laissent le corps à lui-même et travaillent dur pour former l’esprit changeant à se développer et à acquérir des pouvoirs.
Mais celui qui prend le chemin du jnyana laisse à la fois le corps et l’esprit à lui-même, et choisit de se retirer dans sa propre nature réelle de paix intérieure.

425. QUI FAIT VRAIMENT UN ACTE ? 
Dans le faire, il n’y a que faire et il n’y a pas « celui qui fait » (le faiseur) ni l’acte. Dans le faiseur, il n’y a que le faiseur et aucun faire ou acte. Et dans l’acte, il n’y a que l’acte et aucun acteur ou faiseur. La question ne se pose donc pas.

426. QU’EST-CE QUE LA LIBÉRATION ?
Vous devez obtenir la libération uniquement des accessoires, à savoir. corps, sens et l’esprit. L’officier est un accessoire de l’homme, qui est comparativement le témoin de l’officier. Vous avez toujours envie de repos. Le vrai repos ne vient que de votre vraie nature – la paix. Dans ce contexte, il y a toujours l’appel retentissant de la trompette, « Allez à la paix! »
Vous y répondez à chaque fois sans le savoir. Ainsi, vous revenez à votre vraie nature, la paix, après chaque activité. Cette paix ou ce repos est déjà en vous. Il suffit de le reconnaître et d’y aller à chaque fois en connaissance de cause. 
C’est la libération. Ainsi, vous voyez que vous n’avez jamais été lié.

27 juillet 1952

427. QU’EST-CE QUE VICARA-MARGA ? 
Vicara-marga est la méthode par laquelle on montre directement au disciple l’ Absolu Realité, et le seul effort que le disciple est appelé à faire est de s’établir dans cet Absolu.

428. LA VÉRITÉ ET LA LIBÉRATION. 
Vous entrez en fait en contact avec la Vérité, comme le monde, à chaque instant. Mais vous n’êtes pas du tout enrichi par cela, jusqu’à ce que le Guru vous parle de la Vérité ultime dans les termes les plus clairs.
La Vérité ne peut être transmise à l’homme ordinaire que par le bouche à oreille. Elle est amenée de la vérité inférieure à la Vérité supérieure par étapes progressives, travaillant sa conviction à chaque étape. Pour créer cette conviction, un contact à travers un support clair est essentiel. Entendre et voir sont les plus pratiques et les plus importants de ces supports.

429. QU’EST-CE QUE L’ÉCOUTE RÉELLE ?
Les Upanishads proclament avec audace qu’écouter la Vérité ultime, encore et encore, est le seul moyen de réalisation ultime.
Qu’est-ce que cette « écoute » ?
Entendre la Vérité directement des lèvres du guru est, bien sûr, la première « écoute ». C’est un privilège extrêmement rare d’être en présence physique du Guru, à l’écoute répétée de ses paroles. Mais ceux qui se voient refuser ce fier privilège d’être constamment en sa présence peuvent également « écouter ». Réfléchir profondément à la Vérité que le Guru vous a exposée, en répétant sans cesse les arguments avancés par le Guru en détail et en touchant à chaque fois l’expérience ultime du Soi intérieur telle que vous l’avez eue la première fois, c’est aussi écouter virtuellement les paroles du guru. C’est la forme d’écoute adoptée par la grande majorité des disciples, bien sûr après avoir entendu une fois la Vérité du Guru en personne. La Vérité est visualisée dès la première écoute. Une écoute plus approfondie vous aide à vous établir dans la Vérité.

28 juillet 1952

430. COMMENT L’ESPRIT EST-IL EN RELATION AVEC L’OBJET ?
Lorsque l’esprit est éloigné de tout objet, ce qui demeure n’est ni le connu ni l’inconnu. Cela ne peut être que la Réalité ultime. Par conséquent, l’esprit fait apparaître l’Ultime comme étant un objet.

431. QUEL A ÉTÉ LE RÔLE DE SHRI KRISHNA ?
Le Seigneur Krishna est la Bhagavad-gita elle-même, et la Bhagavad-gita est la Vérité absolue. Sa vie (telle qu’elle est décrite dans le Bhagavata Purana), est un commentaire vivant sur la Gita. Dans toute sa vie, nous ne voyons pas un seul cas où il ait fait quoi que ce soit pour lui-même. Du vol de beurre et de lait caillé à ses débuts à l’exposition de la Vérité ultime aux Gopis dans le « Samanta-pancaka », il a été unique dans son altruisme. Il est celui qui n’a jamais pleuré de sa vie. Cela montre que son contraire, à savoir le plaisir, était également absent en lui. Il était au-delà des deux (plaisir et souffrance), toujours à l’arrière-plan.
Au dernier moment, il bénit même le chasseur qui lui a tiré la flèche fatale.

432. COMMENT LA CONSCIENCE EST-ELLE CONNECTéE AUX OBJETS ? 
La conscience n’a pas d’objet séparé. Ils viennent donc des royaumes de l’esprit et des sens, et ceux-ci les revendiquent comme des objets de la conscience. Mais quand vous regardez plus profondément, pour voir comment ils deviennent des objets de la conscience, vous devez quitter les domaines des sens et de l’esprit. 
Au-delà de l’esprit, les objets deviennent la Conscience même, et là toute objectivité s’évanouit.
Chaque organe sensoriel a un objet sensoriel correspondant, et l’objet d’un organe sensoriel ne peut être reconnu par aucun autre organe. Entre outre, chaque objet sensoriel est de la même nature que l’organe sensoriel correspondant lui-même.
Par conséquent, si la Conscience était également un organe et avait un objet propre, elle ne pourrait être que de la nature de la Conscience, tout à fait distincte et séparée de toute autre classe d’objets sensoriels.
La déclaration habituelle, « Je suis conscient d’une chose », n’est pas correcte ; puisqu’une « chose » ne peut jamais être l’objet de la Conscience. Ce que vous entendez par cette déclaration, c’est seulement que vous percevez la chose à travers l’esprit d’une manière subtile, ou que vous en êtes mentalement conscient, ou en d’autres termes que vous pouvez la reproduire dans votre mental.
Lorsque vous recherchez cette « chose » dans la Conscience, elle est introuvable. Elle a fusionné dans la Conscience ; et la déclaration signifie en fin de compte « Je suis conscient de moi-même » ou que « la Conscience connaît la Conscience ». Par conséquent, la Conscience ne peut avoir d’autre objet que la Conscience.

atmanamatmana kantu telika ni
Eruttacchan
C’est par le soi que le soi est vu. 
C’est ce que vous devez clarifier.        

29 juillet 1952

433. QU’EST-CE QUE LE REPOS PRATIQUE ?
Le repos idéal, capable de soulager l’épuisement des jours et des nuits de tension intense, s’obtient en mettant l’esprit dans ce qu’on appelle l’état de vide (madhyagatavastha), pendant une heure ou moins, comme il vous convient.
Afin d’induire cet état, vous devez vous abstenir de toute pensée – objective aussi bien que subjective. Mais dans les premiers stades, l’esprit se rebelle et se met à penser sans discernement. Ensuite, vous devez délibérément rejeter ces pensées, une par une.  Après une période suffisante d’une telle formation, vous constaterez que l’esprit atteint un état vide de repos absolu.
Mais cet exercice ne doit jamais être tenté, sauf sous les instructions personnelles d’un guru compétent. 

citram vatataror mule vrddhaz zisya gurur yuva
gurostu maunam vyakhyanam zisya ‘stu chinna-samzayah
(voir note 688)
                                 Shri Shankara, Dakshinamurti-stotram, Dhyana-shloka 3,                                                             au début de Sureshvaracarya Manasollasa
La citation explique comment vous comprenez vraiment ce qui est dit par le guru sur la Vérité ultime. Vous ne comprenez que lorsque vous êtes au-delà des mots, du langage, des idées, de l’idée centrale, du locuteur ou de l’auditeur. Au moment de la compréhension, l’enseignant en tant que professeur et le disciple en tant que disciple sont tous deux absents, tous deux ayant atteint le fond ultime dans un silence apparent.
L’expérience se produit uniquement lorsque l’expression s’arrête.

434. QUI EST LE VÉRITABLE ENFANT ? 
L’enfant du monde, qui est un enfant dans l’ignorance, et le Sage, qui est un enfant dans la connaissance, sont tous deux détachés des objets. L’enfant n’a pas acquis la capacité de penser et le Sage a dépassé la capacité de penser. Mais l’enfant laisse un léger samskara derrière chaque activité, tandis que le Sage ne laisse rien derrière. Par conséquent, le Sage seul est le véritable enfant.

435. QUELLES SONT LES DIFFÉRENTES EXPRESSIONS DE L’HARMONIE ? 
L’harmonie intérieure de l’Absolu s’exprime d’abord dans :
1.  Le langage de l’âme ou de la Réalité – sans rien perdre de son essence. 
2.  Ensuite, elle s’exprime dans le langage des idées sans langue.
3.  Ensuite, dans le langage des idées.  
4.  Plus bas, elle s’exprime ou elle est exprimée dans le langage des sons, chaque expression intégrale étant appelée mantra. 
5. Plus bas encore, elle s’exprime dans le langage des mots, étant la forme d’expression la plus grossière.
Dans tous ces différents types d’expression, l’idéal à maintenir est qu’aucune partie de cette harmonie intérieure du langage de l’âme ne doit être perdue. Ceci n’est possible que pour un Sage, bien établi dans l’état de sahaja, ne glissant jamais hors de cette harmonie intérieure ou de ce fond réel.
Chacune de ses pensées et de ses paroles est un mantra dans son plein sens, puisque tout son Soi indivisible est dans cette harmonie intérieure tout le temps.

30 juillet 1952

436. EN QUOI LA VRAIE FLEUR ET LE VRAI « Je » SONT-ILS UN ET IDENTIQUES ? ? 
La « fleur » est ce quelque chose de permanent sur lequel tous ses compléments ou qualités apparaissent et disparaissent. Donc aussi, Je suis ce quelque chose permanent sur lequel les expressions – comme le corps, les sens et le mental – vont et viennent.
Tout ce qui appartient à la fleur correspond à ce qui appartient au « Je ». Mais, abandonnant tous les compléments du sujet aussi bien que de l’objet, nous constatons que ce qui reste n’est ni connu ni inconnu, mais réel ; et n’est donc rien d’autre que la Réalité ultime.
Par conséquent, la vraie « fleur » et le vrai « Je » sont essentiellement un et le même.

31 juillet 1952

437. QU’EST-CE QUE LA CONNAISSANCE SILENCIEUSE ? 
La connaissance ordinaire est la connaissance « de ceci » (de tout objet grossier ou subtil), obtenue grâce à l’instrument correspondant.
Mais la connaissance silencieuse ou le témoin n’a pas de support et n’est pas non plus obtenu. Par conséquent, vue du point de vue de l’esprit ou de l’ego, le témoin est décrit comme une connaissance silencieuse.
L’esprit ignorant a certaines fausses normes établies par lui-même, et évalue tout selon ces normes.
Mais quand la Vérité est entendue du Guru, l’esprit abandonne toutes ses normes précédentes. Désormais, le témoin, longtemps qualifié de silencieux, cesse de se taire – dans le sens qu’il est à la fois le fond de l’activité et de l’inactivité.

438. QU’EST-CE QUE L’INDIVIDUALITÉ ?
L’individualité n’est pas ce que l’homme ordinaire considère comme tel. Il considère qu’il s’agit de l’adhésion à son propre corps, à ses propres sens et à son propre esprit ; et en même temps il croit que l’individualité est immuable. Une telle individualité n’est jamais possible.
L’advaitin cherche en lui cette individualité ou principe qui demeure inchangé, même lorsque le corps et l’espritl changent à chaque instant. Cette individualité, si elle ne change pas, ne peut être que le véritable principe « Je » (Atma).

439. COMMENT SOULAGER LA SOUFFRANCE HUMAINE ? 
Le problème est une illusion. Personne ne veut réellement apaiser la souffrance humaine telle qu’elle est. La connaissance de la souffrance humaine crée en vous une souffrance par sympathie. C’est cette souffrance en vous qui appelle directement une solution et vous conduit au canal habituel de toujours chercher des causes et des remèdes dans les objets externes.
Vous attribuez ainsi la cause de votre souffrance à la souffrance humaine extérieure. Une solution pourrait être suggérée de deux manières : objective et subjective. 

1. La solution objective vise à corriger le monde et ses dispositions afin de ne pas permettre la répétition des souffrances humaines. Ce n’est pas toujours possible ou réalisable, car les objets externes en question sont divers et souvent hors de notre contrôle. C’est comme tenter de couvrir la surface du monde entier avec du cuir, afin de permettre une marche en douceur. C’est souvent la voie du monde ignorant. 
2. L’autre alternative, adoptée par le sage, est de rechercher le remède subjectif. Votre connaissance d’autre chose a certainement été la cause de votre douleur. Mais cet autre quelque chose n’était jamais dans la connaissance ou en vous. Alors, examinez de plus près votre « connaissance de quelque chose » et vous constatez que ce n’était rien qu’une pure connaissance. Lorsque vous tournez votre attention vers l’intérieur, la souffrance disparaît. Alors revenez à votre vraie nature et vous êtes libre.  
Corrigez-vous seul et n’essayez pas de corriger le royaume de Dieu – s’il y en a un.

440. L’UNIVERSEL EST-IL UN OBJECTIF SPIRITUEL ET AIDE-T-IL UN ASPIRANT VERS LA VÉRITÉ ULTIME ?
Non. De l’individu à l’universel est la voie cosmologique du progrès. Mais cela par lui même ne peut jamais vous emmener à l’Absolu. Même lorsque vous vous êtes élargi au point de comprendre l’univers entier, vous ne vous tiendrez que comme l’individu étendu par la force des samskaras, et donc vous ne transcendez pas l’individualité.
L’universel doit aussi être transcendé pour atteindre la Vérité. Vous arrivez à la même Vérité en transcendant l’individu. Alors pourquoi tout ce vain travail pour atteindre l’universel ?

441. QUEL EST L’EFFET DU RENONCEMENT ? 
Le renoncement est généralement considéré comme un moyen de se réaliser, mais son effet est tout le contraire. Lorsque vous renoncez à un objet, vous lui attribuez en réalité plus de concret et de réalité que lorsque vous y êtes indifférent. Ainsi, le renoncement, au lieu de prouver l’irréalité du monde, le rend plus réel et effrayant, bien que vous soyez temporairement et commodément tenu à l’écart de certaines parties de celui-ci.

442. EXPLICATIONS DES DIFFÉRENCES DE POINTS DE VUE DANS LES UPANISHADS.
Les Upanishads sont tous de brefs récits de la révélation de la Vérité, à des disciples de différentes niveaux, par les Sages d’autrefois à différents moments. L’instruction générale sur la façon d’aborder et de comprendre ces Upanishads eux-mêmes est de les considérer tous comme officielles (aupacarika).
Cela signifie que c’était principalement seulement pour ceux à qui il s’adressait particulièrement, et deuxièmement pour ceux aussi qui ne pouvaient rien comprendre de plus haut. Ils n’étaient pas destinés à ceux qui ne pouvaient pas les comprendre, ni à ceux qui pouvaient voir même plus loin.

Svarupa est la chose en soi, et le fond immuable sur le quel les qualités sont données.

3 août 1952

443. POURQUOI SRI KUMARILA BHATTA A-T-IL REJETÉ L’OFFRE DE SRI SHANKARA ?
Kumarila Bhatta était un karmattha (?) et avait un gourou qui suivait le chemin védique. Il a suivi la voie traditionnelle et s’est élevé bien au-delà des contraires, au-delà de la vertu et du vice. Le seul péché qu’il avait consciemment commis était de tromper son guru bouddhiste. Bien que cela n’ait pas été fait dans un but égoïste, mais pour établir la Vérité, il a finalement décidé de l’expier en brûlant son corps vivant dans un tas enflammé de cosse de paddy. Le feu l’avait consumé presque jusqu’à la taille lorsque Sri Shankara  lui a offert la Vérité advaitique. Il était tout à fait calme et serein, même dans les affres de la mort, ayant jeté sans réfléchir toutes ses vertus passées. Ayant transcendé les opposés de la vertu et du vice, du plaisir et de la douleur, etc., et pouvant être le témoin désintéressé même pendant les affres de la mort, il doit en effet s’être élevé à la Vérité ultime. Se tenant ainsi comme étant la Vérité elle-même, il n’avait plus besoin de Sri Shankara.
Par conséquent, Sri Shankara a été respectueusement envoyé à son premier disciple, Sri Mandana Mishra pour un duel spirituel, comme le souhaitait Sri Shankara lui-même. Kumarila Bhatta était un ardent défenseur du karma désintéressé. Tout chemin, s’il est suivi avec sincérité et sérieux, même au-delà des opposés apparents, mène à l’Ultime.
La Dévotion, le Vishishtadvaita, le Dvaita et tous ces chemins vous mèneront en temps voulu au même but de la Vérité s’ils sont suivis avec constance, même au-delà des contraires, en gardant un œil sur l’aspect sat-cit-ananda de l’Absolu.
En suivant l’expression même au-delà du nom et de la forme, vous atteignez ce qui est vraiment sans expression, mais qui s’exprime en tant qu’objets apparents.

444. POURQUOI LE SOURIRE EST-IL ACCENTUÉ EN MÉDITATION ? 
La méditation sur le sourire du visage de l’ishta-deva vous aide vers l’Absolu.
La contemplation de la forme de votre ishta-deva ne vous aide pas à vous élever au-dessus du corps et du mental. Mais au moment où vous pensez à son sourire, vous oubliez le nom et la forme et êtes attiré par quelque chose de plus élevé et plus éclairant, à savoir la partie conscience de celui-ci. Si vous vous accrochez à la conscience qui s’exprime à travers le sourire, vous êtes amené à l’expérience du Soi réel, en temps voulu.

nirvizesam param brahma saksat kartumanizvarah
ye mandaste ’nukampyante savizesanirupanaih
vazikrte manasyesam sagunabrahmazilanat
tadevavirbhavet saksadapetopadhikalpanam                                                
Dharmaraja Adhvarindra, Vedanta-paribhasha chap.8

4 août 1952

445. EN QUOI L’APPROCHE DE LA VÉRITÉ DU YOGIN EST-ELLE DIFFÉRENTE DE CELLE DE JNYANIN ?
Le yoga est un développement de Nirishvara-sankhya ou « de Sankhya niant Dieu », et est connu sous le terme Seshvara-sankhya ou « Sankhya acceptant Dieu ». Dans Sankhya, le prakriti n’est pas définitivement éliminé, mais seulement ramené à un équilibre et rendu inoffensif. Par conséquent, la dualité persiste toujours, sous la forme de purusha et de prakriti, même après la supposée libération du purusha individuel. L’acceptation de la position de l’existence de plusieurs de ces purushas libérés conserve également la dualité sous une autre forme. Par conséquent, le pur Sankhya ne transcende jamais complètement la dualité.
Les yogins s’efforcent toujours de visualiser, à travers le mental, un ensemble idéal défini par le mental lui-même. On ne peut nier que chaque objet perçu est éclairé par la conscience. Par conséquent, si le yogin prétend visualiser la Vérité de la même manière, il doit certainement aussi éclairer l’Absolu. Mais avec quoi est-ce d’être si illuminé ? Non, ce n’est jamais possible. Par conséquent, le yoga en soi ne peut jamais vous emmener vers l’Absolu.
Le moyen de méditation est également adopté dans le chemin du jnyana. Mais le disciple a déjà été informé, par son guru, de la vraie nature de l’Absolu. Par conséquent, quand il médite sur l’Absolu, le mental meurt ou fusionne dans l’Absolu auto-lumineux.
Certains Jnyanins, même après la réalisation, prennent l’habitude de méditer. Mais ils doivent finalement renoncer également à cette habitude, car elle essaie inconsciemment de limiter l’Absolu à un état.
L’Advaita absorbe le témoin du yogin ainsi que le témoin (composé des 98 tattvas) en lui. De plus, le prakriti est complètement détruit, avant même que l’advaita ne soit établie.

446. DE TRIPUTI À L’ABSOLU.
1.    Connaisseur, connaissant et connu – réduit à
2.    Connaissant ou témoin et connu – réduit encore à
3.    Témoin seul, sans le témoigné

5 août 1952

447. AHAM (LE SOI).

1.“na hanyate”… aham.
Aham signifie que je suis l’Atma immortel.
Na hanyate» signifie « je ne suis pas tué ». – probablement cité dans la Bhagavad-gita, 2.20.  Et « aham » est le sanskrit pour « Je ».]
2. aziraskam hakarantam
azesakarasamsthita

448. COMMENT LA RÉALITÉ DANS LE MONDE OBJECTIF EST-ELLE ÉTABLIE ? 
Cela se fait de deux manières :
1. En examinant le monde objectif dans un ordre croissant du brut à l’Absolu.
Lorsque le brut est examiné, il est réduit à de simples formes de pensée, et les pensées se transforment à leur tour en pure Conscience. Le monde n’est donc que l’Absolu. 
2. En traçant l’expression de l’Absolu jusqu’au monde brut, dans l’ordre décroissant. Dans ce processus, vous-même, la seule réalité, semble se scinder en deux – à savoir la pensée générique et la conscience, le percepteur de la pensée.
À ce stade, il n’y a pas d’attachement, car il n’y a rien d’autre qui n’existe que vous et la pensée, et votre expérience n’est que ce que vous connaissez. Vous vous voyez comme une pensée. Elle ne peut pas non plus être appelée une pensée, car du point de vue de la Conscience, il ne peut y avoir autre chose que la Conscience, et donc il n’y a pas de pensée. Une pensée pour être une pensée doit avoir un objet, et donc la pensée ne peut exister que dans le domaine de l’esprit. Dans le plan où la pensée générique est censée exister, la conscience seule parvient à fournir un objet à la pensée. Mais cela s’appelle une pensée seulement quand on la regarde d’en bas. Cette pensée générique, qui n’est pas une pensée par elle-même, engendre ensuite d’innombrables autres pensées et ainsi le monde naît de cette pure Conscience.
Par conséquent, en regardant du haut ou du bas, le monde n’est rien d’autre que la Réalité. 

Atma : Le « Je » inconditionné
Première émanation : « Je sais que je suis ».
La pensée la plus générique. Ici, je suis témoin de la pensée générique. 
Deuxième émanation : Ensuite, vous arrivez aux pensées particulières
– y compris le temps, l’espace et la causalité –
établissant tout le domaine du mental. Immédiatement, vous devenez le « penseur » dans la triputi (du penseur, du pensant et de la pensée).
Troisième émanation : Plus bas, vous devenez le « percepteur »,
dans un monde de perceptions sensorielles. 
Quatrième émanation : Enfin, vous descendez pour être un « faiseur »,
dans un monde grossier de corps et d’actions. 
C’est l’ordre dans lequel le « Je » inconditionné se manifeste en différentes étapes. Et pour revenir au même état inconditionné, vous devez monter dans le même ordre, abandonner les accrétions une par une.

449. « L’ ÊTRE » ET « LE VEDANTA » – COMMENT SONT-ILS CONNECTES
L ‘« Être », qui est par nature non manifesté, semble se manifester comme un être mental dans le domaine de l’esprit et plus bas comme un être physique dans le domaine grossier. Cet « Être » est la Vérité elle-même, mais n’est pas vécu comme tel par tous. Il est également difficile à concevoir. Le monde peut facilement être réduit à des pensées, mais l’élimination plus poussée des pensées n’est pas si facile.
C’est pour cela que l’aide du « Vedanta » est recherchée.
Le Vedanta accomplit sa tâche à merveille, en prouvant qu’il n’y a jamais eu de pensée et que tout ce qui n’a jamais existé était la pure Conscience, l’Atma seul.

450. QUELLE EST L’APPROCHE LA PLUS FACILE POUR COMPRENDRE LA VÉRITÉ ? 
Pour que la compréhension soit naturelle et durable, elle doit être basée sur vos expériences fondamentales. Pour cela, vous devez commencer par examiner vos expériences ordinaires en tant que profane, en éliminant progressivement tous les éléments étrangers, ne laissant que la Vérité.
Cette méthode seule vous emmène à la Vérité, sans aucun effort ni doute. Par exemple, examinez ce qui se passe pendant vos perceptions, pensées ou sentiments les plus ordinaires ; et prouvez que dans chaque cas, c’est votre propre Atma, le Soi, qui est vécu comme Conscience ou Paix.

451. QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE « JE » ET « VOUS » ? 
Dans le « vous », le « Je » est toujours présent.  Mais dans le « Je », le « vous » n’est pas présent.

452. Y A-T-IL LE RENONCEMENT DANS VICHARA-MARGA ? 
Le renoncement, comme tout le reste, a deux aspects : sa forme et son essence.
Des voies comme celles du karma, de la dévotion, du sannyasa, du yoga, etc. mettent l’accent sur ces deux aspects, parfois la forme encore plus que l’essence. Mais pour ceux qui suivent la voie de jnyana ou de vichara-marga, l’essence du renoncement seule est soulignée et la forme pratiquement ignorée.
À tel point, qu’une connaissance d’un Sage moderne ayant adopté la voie directe de l’instruction, dit un jour au Sage qu’il souhaitait accepter la voie tracée par lui, car elle ne demandait aucune sorte de renonciation à aucun stade de sa vie. Parce qu’en toute apparence, le Sage menait une vie domestique idéale.
Mais à cela, le Sage répondit : « Eh bien, mon ami, vous vous trompez profondément. Ce n’est pas le renoncement physique qui compte vraiment. Si c’était le cas, chaque mendiant démuni serait un sannyasin. Il peut prétendre avoir beaucoup renoncé et posséder peu. « Mais c’est cette préparation à renoncer à tout ce que vous possédez, y compris votre propre vie – si c’est nécessaire à l’accomplissement de la Vérité – qui compte vraiment. 
Vous ne pouvez jamais atteindre cet Ultime s’il y a une seule petite chose au monde à laquelle vous n’êtes pas prêt à renoncer pour atteindre l’Ultime. Cette préparation à tout renoncer fait de nous un véritable sannyasin. N’importe quelle quantité de renoncement physique, sans cette préparation complète à tout renoncer, fait de vous seulement un prisonnier dans vos propres entraves mentales faites par vous-même. Vous n’êtes pas beaucoup mieux qu’un prisonnier derrière des barreaux de fer.
Par conséquent, l’idéal de vie pour celui qui pratique le vichara-marga devrait d’être, intérieurement un parfait sannyasin et extérieurement de vivre comme un « homme du monde ». Le Sage a complètement renoncé à sa vie, mais a gentiment permis à la vie de s’accrocher pour le moment à la Vérité, mais pouvant la renvoyer sans préavis chaque fois qu’il le souhaite.
Le Sage est toujours dans le monde mais pas de celui-ci.

8 août 1952

453. QU’EST-CE QUE RASA ? 
Rasa est quelque chose qui descend dans le cœur et est vécu par le cœur.
[« Rasa » signifie « sève » ou « jus » et indique donc l’essence ou la saveur essentielle d’un sentiment ou d’une expérience.]

454. POURQUOI M’EST-IL DEMANDÉ DE VOIR LE GURU DERRIÈRE MOI D’ABORD
(Atma-nirvriti, 18.5) ?

On vous demande d’abord d’essayer de Me visualiser derrière vous, car ce centre n’est entouré d’aucun obstacle.
Devant vous, vous avez une forêt d’objets mondains avec laquelle vous êtes si familiers que vous croyez qu’ils ont une existence et une réalité indépendantes.
Au milieu d’eux, vous ne pourrez guère Me reconnaître, le témoin. Dans le domaine des pensées et des sentiments également, il est tout aussi difficile de Me reconnaître.
Mais si vous réussissez à diriger votre attention sur Moi derrière l’esprit, vous n’y rencontrerez aucun obstacle et vous serez obligé de Me voir seul.
Face à Moi, vous transcenderez toutes les pensées du corps et du mental ainsi que le sens de l’intérieur et de l’extérieur. Ensuite, vous reconnaîtrez que « Je » suis en vous en tant que vous-même, l’Atma. L’eau est toujours invisible. Il en va de tout. Mais son existence n’est jamais niée.

455. COMMENT VOIR L’EXPRESSION ? 
La réalité, telle qu’elle est, est inexprimée et imperceptible. Lorsqu’elle est exprimée, elle devient perceptible par les sens ou l’esprit. Mais alors la Réalité en est obscurcie. Par conséquent, ne désirez aucune expression particulière, aussi sattvique soit-elle. L’expression est toujours passagère ou limitée dans le temps, et l’expression est invariablement mal comprise pour être la Réalité elle-même. Votre objectif, cependant, est toujours la paix permanente ou le Bonheur.  Et donc vous devez désirer la Réalité elle-même, qui est toujours en tout, comme l’exprimé.

456. COMMENT LE TÉMOIN DE JIVA ET LE TÉMOIN D’ISHVARA PEUVENT-ILS ÊTRE UN ? 
Les shastras travaillent dur pour prouver l’identité de ces deux témoins. Mais selon notre approche, c’est relativement facile à prouver. La seule différence entre le jiva et Ishvara réside dans la portée et la limitation de chacun.
Chacun est censé être le témoin de ses propres objets ou perceptions. Or, en examinant les objets de chacun, nous ne trouvons rien qui soit un objet d’Ishvara seul, et qui ne puisse pas aussi être un objet du jiva. Ainsi, leurs objets étant identiques, les témoins seuls ne peuvent être différents.
De plus, selon les shastras supérieurs, Ishvara n’est que la manifestation la plus élevée de l’esprit humain et n’est pas différent du jiva par essence. Ou en d’autres termes, Ishvara n’est qu’un objet du jiva. Par conséquent, leurs témoins ne peuvent pas non plus être différents.

9 août 1952

457. POURQUOI UN JNYANIN ESSAYE-T-IL PARFOIS D’AIDER D’AUTRES EN DÉTRESSE ? 
Le Jnyanin sait bien que la source de toute leurs détresses est la peur de la mort, et il sait que la mort est un terme impropre.  Il essaie donc de les aider à continuer à vivre dans l’illusion pendant un certain temps, juste assez longtemps pour leur faire comprendre qu’ils ne peuvent jamais mourir.

458. QUELLE EST LA FORME IDÉALE DE LA CHARITÉ ? 
Elle devrait être spontanée, inconditionnelle et provoquée au-delà du domaine de l’esprit. Elle devrait être désintéressée. Si, après avoir fait une œuvre de charité, vous continuez à vous en vanter ou même à y penser, vous vous dégradez vraiment sur ce point.  Si vous continuez de critiquer la façon dont le montant a été utilisé, cela signifie que vous ne vous êtes pas réellement séparé de la propriété de l’argent. Une charité conditionnelle signifie que vous avez engagé le bénéficiaire en tant que serviteur, pour faire quelque chose pour vous en votre absence selon vos instructions, explicites ou implicites. Par conséquent, la meilleure façon de faire de la charité serait de le faire et de tout oublier immédiatement.

459. QUEL EST LE FRUIT DE L’ADORATION ? 
L’adoration de Dieu assure les plaisirs du ciel (drishta-phala-sadhya). 
L’adoration du Guru assure un bonheur permanent – y compris le premier si c’est désiré. (drishtadrishta-phala-sadhya).

11 août 1952

460. QU’EST-CE QUE J’AIME ? 
Lorsque l’amour est dirigé vers des qualités personnelles, cet amour est du monde. 
Lorsqu’il est dirigé vers le principe de vie, il devient sublime. 
Lorsque ce principe de vie est examiné, il sera vu comme n’étant rien d’autre que la pure Conscience (l’Atma).  L’amour se transforme alors en Réalité absolue.
Examinons cela un peu plus attentivement.  Vous dites que vous aimez un homme.  Quel est l’homme que vous pensez aimer ?  Est-ce son corps ?  Non. Parce qu’il meurt, vous craignez même de vous approcher de son cadavre.  Ainsi, vous voyez que votre amour était vraiment dirigé vers le principe de vie qui demeurait dans ce corps.  Lorsque cette vie est examinée, il s’avère qu’elle n’est rien d’autre que la pure Conscience, qui n’est qu’Une.
L’homme est incapable d’aimer autre chose que cette Conscience, l’Atma.

461. COMMENT L’ÉTAT DE VEILLE EST-IL UN RÊVE ? 
Par « rêve », nous entendons quelque chose qui n’est pas réel. 
Qu’est-ce que la Réalité ? 
Ce qui ne disparaît à aucun moment. Maintenant, qu’y a-t-il dans l’état de veille qui ne disparaît pas ?  Rien.  Par conséquent, tout ce qui est objectif, lié à l’état de veille, est irréel.  
Mais ce que nous venons d’appeler l’irréel apparaît à tout moment.  Oui. 
Lorsque l’irréel apparaît comme réel, nous l’appelons un rêve.  Par conséquent, l’état de veille n’est qu’un rêve.  Mais il y a une chose qui ne disparaît dans aucun état – la pure Conscience, l’Atma.

462. LA CONNAISSANCE NE PEUT PAS ÊTRE UNE FONCTION.  POURQUOI ? 
Parce que rien ne peut exister à ses côtés pour former son objet.  Par conséquent, dire « je connais » ou « je connais ceci » est tout à fait faux. La fonction ne commence qu’avec la création de l’esprit et la relation sujet-objet qui en résulte. Les organes des sens et l’esprit ne peuvent fonctionner que par la part de conscience qui existe en eux.

13 août 1952

463. QUE ME DONNE LE GURU ? 
Réponse : La perspective correcte.
Le monde et ses objets, lorsqu’ils sont vus à travers la perspective donnée par le Guru, semblent transformés en cette Réalité ultime, tout comme les eaux saumâtres et toxiques de l’océan se transforment en eau pure quand ils passent au-dessus à travers la chaleur du soleil .

464. QU’EST-CE QUE L’ÉTAT SAHAJA ? 
Un Jnyanin, en expérimentant le Bonheur ultime, sait qu’il n’éprouve rien de nouveau et que la limitation qu’il avait l’habitude de mettre sur le Bonheur avant la réalisation était une illusion.  Ainsi, il sait que ce que l’on ressent comme un bonheur limité, résultant apparemment des objets, est en fait ce Bonheur ultime et illimité lui-même.
Ainsi, même si un Sage semble mener une vie normale comme avant, il ne voit pas le monde comme le voient les spectateurs.  Même lorsque les autres pensent qu’il chasse des objets de plaisir, il apprécie toujours à partir de sa propre position son svarupananda.
Un sage dans l’état de sahaja ne se donne pas la peine – en ce qui le concerne – d’expliquer le monde objectif ou ses activités. 
La mort pour lui a eu lieu il y a longtemps, au moment de sa première réalisation de la Vérité.
L’arrêt ultérieur du prana longtemps après et la paralysie du corps qui en résulte, que nous appelons habituellement la mort, n’indique pas le moment de la mort de son ego.
L’idéal ultime n’est pas de «ne pas voir» lorsque des objets apparaissent, mais d’être profondément convaincu que la Réalité est bien au-delà à la fois de la vue et de la non-vision par les sens. 
Vous êtes seulement témoin de ces perceptions, et les perceptions ne vous affectent en aucune façon. Bien que l’œil montre, avec beaucoup de réalisme, le palais dessiné sur le rideau de la scène, l’intellect vous dit que ce n’est pas réel, et vous acceptez facilement cette correction. 
De même, bien que les organes des sens montrent que les objets sont réels, le principe  « Je » – se tenant derrière les organes des sens – les corrige et vous dit que tout cela est illusoire. 
Le Sage accepte facilement cette position et laisse le corps et le mental continuer à fonctionner comme avant, tout comme celui qui voit le rideau continue de voir le palais sur le rideau comme auparavant, mais ne se laisse pas emporter par le verdict de l’œil. Vous ne pouvez pas vous empêcher de voir si vous regardez à travers les yeux.  Le seul moyen d’éviter de voir est de cesser de regarder à travers les yeux. 
Mais le Sage ne veut pas effectuer ce vain travail.  Il se contente de se reposer dans la Vérité ultime, quelle que soit l’activité dans laquelle le mental et le corps sont engagés. Nous parlons avec ignorance des activités du Sage.  C’est une contradiction claire dans les termes. Le Sage est ce principe transcendant à la fois l’activité et l’inactivité. Le Sage ne peut donc entreprendre aucune activité en tant que Sage ; et ce qui est engagé dans n’importe quelle activité n’est pas le Sage. En bref, ce qui est visible à nos organes sensoriels ou à notre esprit n’est pas le Sage. Le Sage est invisible et est l’arrière-plan de toutes les perceptions – la Réalité ultime. Nous ne pouvons en aucun cas raccorder le Sage et l’activité que nous lui attribuons avec ignorance.
Vous dites que vous êtes allé à Shastamangalam dans le bus.  À l’exception de l’embarquement et de la descente du bus, vous n’avez effectué aucune autre activité. Tous les mouvements appartenaient au bus et pourtant vous dites que vous y êtes allé, en vous attribuant le mouvement du bus alors que vous n’étiez qu’un témoin silencieux de l’activité du bus.  Pourtant, vous prétendez être allé à Shastamangalam. 
C’est le jeu de l’ignorance.  Le Sage ne revendique pas l’activité de tout autre chose pour lui-même. Il donne toujours au diable son dû et ne s’identifie jamais avec le corps, les sens ou le mental. Maintenant, en appliquant subjectivement l’illustration du bus, nous constatons que le bus représente le groupe objectif du corps, des sens et du mental générique, et « vous » dans le bus représentez le véritable principe « Je ». Par conséquent, même lorsque le Sage (le véritable « principe Je ») a retiré toute identification du groupe objectif, ce groupe est laissé intact pour fonctionner avec autant de précision et d’intelligence qu’auparavant, sous la direction de la même « ignorance » qui le guidait avant. Ce que vous appelez « intelligence » est basé sur la pure ignorance, qui du point de vue de la Réalité, est autant de matière morte que le corps.

14 août 1952

465. PERSONNE NE DÉSIR LE BONHEUR PUR.  POURQUOI ? 
Le désir est une fonction de l’esprit, et le pur Bonheur est à un niveau bien au-delà de l’esprit.  Par conséquent, l’esprit ne peut jamais concevoir ou désirer le pur Bonheur. 
Ce que l’esprit désire, c’est la dernière manifestation juste avant l’extinction ou dissolution dans le Bonheur.
Prenez par exemple le désir de voir votre « ishta-deva », qui vous procure généralement un immense plaisir.  Exactement comme la vision vous fait plaisir, la disparition de la vision vous fait du mal ; et cela est inévitable, comme le dévot le sait par expérience que trop bien . 
Ainsi, la condition juste après la vision est sombre et lugubre, par rapport à la condition pleine d’espoir, excitante et agréable qui la précède. 
Par conséquent, conscient de ces deux conditions opposées avant et après la vision, le dévot aspire naturellement à prolonger le plaisir autant que possible, sachant que la morosité après la vision est inévitable et que la durée de la vision elle-même, bien qu’agréable, n’est pas sous son contrôle. 
Ainsi, son désir pour les sentiments agréables, expérimentés avant l’aboutissement de la vision, est plus grand que son désir pour la vision elle-même, qu’il ne prend que comme un corollaire logique.
De plus, l’esprit ne trouve aucun charme dans la Paix ultime, du point de vue de l’esprit lui-même.  Lorsque vous avez faim, ce que l’esprit veut vraiment, c’est la disparition de la faim, qui ne peut survenir que dans la Paix. l’esprit, incapable de concevoir cette Paix, se tourne vers la nourriture objective qui est capable d’éliminer la faim physique.  Ainsi l’esprit ne désire toujours que ce plaisir préalable.
Personne, sauf le Sage, ne peut désirer ce Bonheur ultime, car tout le reste est dans le domaine de l’esprit. 
Mais le Sage ne désire même pas cela, puisqu’il sait qu’il l’est déjà.

466. MÊME L’ADVAITA A SA PLACE.

bhava ’dvaitam sada kuryat
kriya’ dvaitam na karhi cit.
advaitam trisu lokesu
* na ‘dvaitam gurunasaha<
* na’ dvaitam guru sannidhau ..
(* marque des versions alternatives de la quatrième ligne.)                                                              Sri Shankara, Tattvopadesha, 87
Vous pouvez contempler profondément la non-dualité lorsque vous n’êtes engagé dans aucune autre activité. 
Mais dans vos activités, il ne peut jamais y avoir d’advaita
Les trois mondes peuvent facilement être réduits à l’advaita
En présence physique de son propre guru, même un Jnyanin se sent un enfant devant l’Absolu.  C’est le seul autel devant lequel un advaitin s’incline toujours sans condition.  Advaita n’est qu’un pointeur vers le guru.  Vous n’atteignez complètement advaita qu’après avoir atteint l’état sans ego.  Ne pensez même jamais que vous ne faites qu’un avec le guru. Cela ne vous mènera jamais à l’Ultime.  Au contraire, cette pensée ne fera que vous noyer. 

L’Advaita pointe uniquement vers l’Ultime. 

drastra-darzana-drzyesu pratyekam bodha-matrata
saras tena, tad anyatvam nasti kiñ cit kha-puspavat
Sri Shankara
Le voyeur, le voyant et le vu, chacun est pure conscience. Avec cela, la réalité est trouvée.
Tout ce qui n’est pas cela seul est comme une fleur dans le ciel ; elle n’est vraiment pas là du tout.

Cela signifie : Essayez toujours de repérer la Réalité dans le monde. Examinez les trois parties de triputi séparément et voyez la Réalité dans chacune. Dès que vous admettez et acceptez advaita, toutes les illustrations du mot lui sont inapplicables et toutes les questions cessent. Parce que, vu de la position de l’advaita, rien d’autre n’existe.

15 août 1952

467. QUELLE EST LA MEILLEURE APPROCHE D’UN PROBLÈME POUR UNE SOLUTION ULTIME ? 
Il est préférable de prendre position, au moins dans l’idée, dans l’état de sommeil profond et de voir si le problème se pose là-bas.  Non, le problème n’y apparaît pas. 
Par conséquent, tous les problèmes sont les produits du corps, des sens et de l’esprit et disparaissent avec eux.  Ils ne vous concernent pas du tout.

16 août 1952

468. LA CONNAISSANCE NE CONNAIT QUE LA CONNAISSANCE
ET L’EXPÉRIENCE EXPÉRIMENTE UNIQUEMENT L’EXPÉRIENCE.  COMMENT ? 
Votre expérience seule est acceptée comme preuve de l’existence de quoi que ce soit. Supposons que vous voyez un objet. Quelle est votre expérience immédiate ?
Vous voyez et vous ne pouvez voir que la forme.  Mais la forme et la vue ne peuvent jamais être à l’extérieur.  Elles sont dans l’esprit même. Ici, un organe sensoriel subtil et une forme subtile sont créés dans l’esprit, et une perception subtile a lieu. Là encore, ce n’est pas indépendant.  Elle est établie par la connaissance au-delà de l’esprit. 
Au-delà de l’esprit, puisqu’il n’y a ni objet ni activité, on peut seulement dire que la connaissance connaît la connaissance.  De même, l’expérience fait l’expérience de l’expérience. 
Ces deux déclarations signifient que vous êtes tout seul, brillant dans votre propre splendeur, même pendant les soi-disant perceptions, pensées et sentiments. Je me laisse conditionner par le temps et par l’espace, puis je perçois l’objet avec l’instrument grossier d’un organe sensoriel. L’instant suivant, j’abandonne l’élément espace, je me laisse conditionner par le temps seul, et je ne perçois que des formes subtiles avec des organes sensoriels subtils dans l’esprit. Le moment suivant, j’abandonne également la limitation de temps et je me tiens seul ; puis je suis l’expérience ou la connaissance elle-même. Cette expérience ou cette connaissance seule était également présente dans les perceptions précédentes, apparemment limitées.

469. LE TEMPS ET L’ESPACE N’EXISTENT PAS ET DONC LE MONDE NON PLUS.
(Une autre approche, en supposant que le temps existe)
Le Temps : existe-t-il à l’intérieur ou à l’extérieur de vous ? 
S’il est à l’extérieur, vos pensées et vos sentiments – qui sont tous à l’intérieur – ne peuvent pas être affectés ou conditionnés par le temps, et en outre, le temps doit être perceptible par les organes des sens. Ce n’est pas le cas. Le temps doit donc nécessairement être dans l’esprit.
Examinant ensuite de la même manière si le temps existe dans l’esprit, il n’est pas non plus perçu par l’esprit. Nous constatons donc qu’il n’est ni là, ni plus loin en vous. 
Au-delà de l’esprit, il n’y a que le principe « Je » et le temps ne peut pas être là. Donc le temps en tant que temps n’existe pas ; et s’il existe, c’est l’Atma elle-même. 
L’Espace : percevez-vous l’espace ? Si oui, avec quel organe ?
Si vous dites « avec l’organe de l’œil », il ne peut percevoir que la forme. L’espace n’est pas une forme. L’espace n’est donc jamais perçu à l’extérieur ; mais est à l’intérieur, tout comme le temps.
Par conséquent, l’espace n’est pas non plus ;  et s’il existe, c’est l’Atma elle-même.

470. VOYEZ-VOUS L’HOMME ? 
Vous serez tenté de dire oui.  Dans l’affirmative, veuillez définir l’homme, sans référence à aucun de ses attributs. Vous trouvez qu’il est impossible de définir l’homme, ou toute autre chose dans son sens générique. 
Une chose, dans son sens générique, est sat ou l’Atma elle-même. Elle ne peut jamais être perçue. Pour la rendre perceptible, vous superposez le nom et la forme à ce « sat » et dites que vous voyez la chose. Mais vous ne voyez que les superpositions ; et jamais la chose, qui est pure sat et non perceptible.
Par conséquent, rien n’est jamais vu, entendu, touché, goûté ou senti.  Le « ça» (it) est la fin de tous les sens, ou ce fond permanent dans lequel tous les sens fusionnent.
En sanskrit, il est appelé en référence à chaque sens par des noms différents, signifiant littéralement la fin de chaque perception sensorielle (à savoir nadanta, rupanta, gandhanta, sparshanta et rasanta), chacun étant significatif de sa source.
Ainsi, le générique est le seul qui soit le sat ou dharmi. Vous ne percevez pas le générique et ne percevez rien d’autre que le générique. Dharmi est la Réalité et les dharmas vont et viennent. Ainsi, ce qui est le prédicat, (l’attribut) dans toutes les transactions mondaines se révèle être le sujet réel et unique de tout. Cela montre comment le Vedanta ou un vedantin est vraiment une bombe atomique spirituelle ; et il n’est pas étonnant que les intellectuels tremblent pour s’en approcher, de peur de trébucher sur le Vrai. Vous êtes le seul noumène, tout le reste – de l’intellect jusqu’au corps – étant le phénomène.

471. LA BEAUTÉ.
La beauté est la Vérité elle-même et c’est vous-même. Chaque objet en tant qu’objet est grossier et laid, étant opposé et séparé de vous-même, l’Atma. Mais parfois, vous projetez votre propre soi sur un objet particulier et vous l’appelez beau, même aussi grossier qu’il soit. Vous ne pouvez jamais superposer quoi que ce soit à la nature, puisque cette superposition fait également partie de cette nature elle-même.

17 août 1952

472. COMMENT L’ÉTAT DE RÊVE ET L’ ÉTAT DE VEILLE SONT-ILS LIÉS ?
Les shastras inférieurs attribuent une plus grande réalité à l’état de veille, au motif que contrairement à l’état de rêve, il se répète.  Cette déclaration est faite à l’état de veille, d’une position clairement impartie à cet état.
En examinant ces deux états de manière impartiale, nous constatons que ce que nous appelons maintenant l’état de rêve était un état de veille pur lorsqu’il était expérimenté, selon le soi-disant sujet de rêve qui seul a expérimenté cet état.
Il n’y avait donc pas en réalité d’état de rêve, mais seulement un autre état de veille, sans que rien d’ objectif ne soit commun avec l’ancien état de veille.

LIVRE 2

18 août 1952

473. POURQUOI SHANKARA N’A-T-IL PAS EXPOSÉ ADVAITA DANS LA MÉTHODE DIRECTE ? 
Les shastras, à l’époque de Shankara, avaient une telle emprise sur le peuple qu’aucune autre méthode d’approche, aussi directe soit-elle, ne pouvait attirer ou captiver leur imagination. Par conséquent, Sri Shankara a dû, par la force des choses, adopter la méthode laborieuse d’exposer la vérité advaitique par la méthode shastraic ou traditionnelle.
Mais maintenant, des siècles après Shankara, la foi aveugle des gens dans les shastras a disparu et ils sont obligés de se fier à leur seule raison.  Les conditions actuelles sont les mieux adaptées à l’adoption de la méthode de la perception directe, et la meilleure utilisation est faite de cette opportunité ici et maintenant.

474. QUELS SONT LES CHEMINS VERS LA RÉALISATION ? 
Selon la méthode traditionnelle, ce sont principalement la bhakti, le yoga et le jnyana. Chacun de ces chemins, bien que dominé par un aspect et une approche particulière, contient par chance quelque chose des deux autres.
Prenons par exemple le chemin du raja-yoga. Analysons sa composition. 
Pourquoi prend-on cette pratique laborieuse ? 
Evidemment pour le plaisir et les pouvoirs qu’on en attend. Ce désir de Bonheur est la fonction du cœur et n’est rien d’autre que de la bhakti pour votre vraie nature de Bonheur.
La faculté de discrimination et l’aspect de raisonnement, bien mis en évidence au cours de ce parcours, ne sont que l’aspect jnyana. Et la contemplation active et d’autres exercices forment l’élément yogique prépondérant.
Ainsi, les trois voies ont toutes leur place dans le rajayoga. Il en va de même pour les deux autres chemins.  Par conséquent, aucun de ces chemins n’est exclusif ou étanche.

475. QUE SIGNIFIE « FORMEL » (AUPACARIKA) ? 
Formel signifie ne pas être considéré comme littéralement correct. À prendre uniquement comme une concession. Destinée à servir un but particulier seul, et cela avec les meilleures intentions.
Par exemple, chaque chemin vers la Vérité est individuellement décrit comme le plus important dans le shastra particulier qui la traite.
Cette erreur n’est perçue que si on la regarde depuis le niveau phénoménal. Mais, en atteignant l’Ultime, même les chemins deviennent des illusions et les erreurs apparentes disparaissent également.

19 août 1952

Chaque acte, perception, pensée, sentiment, conduite etc. de votre part proclame au monde que vous êtes la Réalité elle-même.

476. COMMENT LES ACTIVITÉS DE NOS ORGANES CONSTITUENT-ELLE UNE PUJA AU VRAI SOI ? 
Vos organes dans leurs fonctions ne recherchent que le bonheur. Il a été clairement démontré que votre vraie nature est le Bonheur. Donc, chaque organe vous cherche vraiment. Comment ses fonctions constituent-elles une puja ?
Chaque activité des organes est indépendante en soi et différente de toute autre activité. Il en va de même pour les différentes actions de la puja envers l’idole. Mais ils tirent leur relation commune du fait qu’ils sont tous dirigés vers le but commun, l’idole.
De même, les activités des organes sont aussi toutes dirigées vers vous, le vrai Bonheur ; et ainsi leurs activités deviennent la puja faites pour vous.
Après avoir réalisé la Vérité, chaque organe sensoriel semble fonctionner, mais reste vraiment sans fonction. Ainsi, chaque organe sensoriel devient virtuellement un jivan-mukta.

477. COMMENT ACQUÉRIR L’AMOUR DE PADMAPADA POUR LE GURU ? 
Réponse : « En vidant votre esprit. »
Alors, comment vider l’esprit ? 
l’esprit en lui-même ne veut aucune pensée. On peut dire que vous avez vidé votre esprit si vous pouvez ainsi entraîner votre esprit à ce que seules les pensées dont vous avez besoin ou que vous permettez, vous viennent, ou en d’autres termes, lorsqu’une pensée ou un sentiment ne vous vient qu’à votre demande.
Cela ne peut être atteint que par le réel prema [l’amour].
Seule la Réalité a le droit de venir sans invocation ; parce que c’est le sujet et la Réalité. Les pensées et les sentiments viennent parfois spontanément, parce que vous leur attribuez une réalité. Sachez qu’ils sont irréels, et à partir de ce moment, ils ne pourront plus jamais vous envahir.

478. QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE LES APPROCHES DE LA VÉRITÉ,
DES UPANISHADS ET DE LA VOIE DIRECTE ? 
Toutes les méthodes upanishadiques essaient de vous éliminer de l’anatma et de vous établir dans l’Atma.
Mais ici, selon la méthode directe, on vous montre que vous ne pouvez jamais vous éloigner ni de votre propre ombre ni de votre Réalité. On vous demande seulement de regarder en profondeur ce que vous appelez anatma et de voir sans l’ombre d’un doute que ce n’est rien d’autre que l’Atma – la Réalité.

479. UNE RELATION EXCEPTIONNELLE PEUT-ELLE ÊTRE UN OBSTACLE À L’ILLUMINATION SPIRITUELLE ?
Oui, parfois.  Sri Stuka était le fils de Sri Veda-vyasa, le Sage, et Sri Janaka était le disciple de Sri Vyasa et un Sage lui-même. Sri Shuka a entendu l’entière Vérité de Sri Veda-vyasa, mais n’a pas atteint l’illumination complète.
Alors Vyasa envoya un jour Shuka à Sri Janaka, le roi Sage, pour une illumination ultime, sans révéler la relation entre lui et Janaka. Shuka est allé voir Janaka et après quelques essais et discussions a atteint l’illumination et la satisfaction ultimes.
Ce n’est qu’à ce moment-là qu’il a découvert qu’il n’avait pas encore connu son père comme il aurait dû, car la relation phénoménale entre père et fils l’empêchait de voir Sri Vyasa comme le Gourou, l’Absolu.
« La même erreur se retrouve répétée ici, maintenant même. »

480. UN INCIDENT ECLAIRANT LES GOPIS AU BAIN DES GHATS ET SON EXPLICATION.
Un jour, Sri Shuka passa devant le Ghat, le bain des femmes dans la Yamuna (un affluent du Gange) où les Gopis se baignaient nues. Les femmes ont vu Sri Shuka, mais l’ont complètement ignoré – le considérant seulement comme un enfant – et ont continué à profiter de leur bain. Mais un autre jour, Sri Veda-vyasa est passé lui-même par le même chemin. En le voyant même de loin, les femmes se sont précipitées sur leurs vêtements et ont couvert leurs corps.
Comment expliquer ce changement de comportement ? 
Réponse : L’Absolu a deux aspects – le dynamique et le statique.
Toutes les activités de la vie appartiennent à l’aspect dynamique et toutes les choses passives appartiennent à l’aspect statique.  Par exemple, le renoncement, la relaxation, etc. sont passifs.
Sri Shuka était une incarnation de l’aspect statique de la vie, et il n’y avait rien des activités de la vie visible en lui.  Il était pratiquement mort au monde.
Mais Sri Veda-vyasa était un sage qui était la Réalité ultime elle-même, transcendant à la fois les aspects statiques et dynamiques. Et en lui, ces deux aspects étaient apparemment vivants. Les aspects prédominants dans la vie apparente de ces deux grandes âmes ont eu leur impact respectif sur les femmes du fleuve, et à chaque moment différent, elles ont réagi en conséquence.  C’est tout.

481. COMMENT PRODUIRE LES MEILLEURS RÉSULTATS D’UNE ACTION ? 
Si vous vous perdez dans une action, cette action sera la plus réussie, dans le sens qu’elle produira les meilleurs résultats. Comment atteindre cet oubli de soi ? 
Dirigez le mental vers sa source, l’Absolu, en laissant un simple samskara permettant que certaines actions sont à réaliser.  Lorsque les actions sont ainsi laissées à elles-mêmes avec les organes des sens, et que la raison inférieure n’est pas disponible pour les guider, un principe de l’intérieur – évidemment la raison supérieure – prend automatiquement la pleine responsabilité de guider les actions.
Ainsi, sous la direction suprême du vidya-vritti omniscient, les actions se réalisent à un merveilleux degré de perfection.
Mais si jamais l’ego entre en jeu, sous quelque forme que ce soit au cours de l’action, les choses tournent lamentablement mal.
La vie apparente de chaque Sage, si elle est observée de près, fournira de nombreux exemples de l’accomplissement mystérieux d’activités phénoménales en toute perfection, sans effort de sa part et sans qu’il en revendique le moindre crédit.

20 août 1952

482. OÙ EST LE MONDE DU POINT DE VUE DE L’EXPÉRIENCE ? 
L’expérience seule est la preuve de l’existence de toute chose. Par conséquent, ce qui est présent dans l’expérience seule peut être réel. 
L’expérience, qui est apparemment à l’intérieur, n’a rien d’autre en elle que la connaissance et le Bonheur. Le monde n’est nulle part dans l’expérience et donc le monde est inexistant.
Par conséquent, l’expérience n’est ni du monde ni hors du monde, puisque le monde est inexistant.

483. QUE SE PASSE-T-IL LORSQUE VOUS VOYEZ UNE CHOSE ? 
Lorsque vous dites que vous voyez un objet, vous ne voyez que la partie morte de l’objet. La partie Conscience, qui seule est vivante, ne peut jamais être vue.
Si vous dites que l’organe sensoriel sort de son centre vers l’objet extérieur, afin de le connaître, l’organe sensoriel doit nécessairement se blesser si une blessure survient à l’objet, lorsque l’organe sensoriel entre en contact avec lui.  Mais cela n’arrive jamais. Par conséquent, voir est entièrement à l’intérieur et cela ne prouve rien qui soit à l’extérieur.

484. QUELQUES DÉFINITIONS.
Yoga-kshema signifie littéralement les besoins phénoménaux aussi bien que spirituels de l’individu.
Yoga (sous un autre angle) signifie diriger vos énergies pour acquérir quelque chose dont vous n’êtes pas déjà en possession. 
Kshema signifie maintenir de la bonne manière ce que vous acquérez ainsi. 
Les obligations dépendent toujours de vos désirs et de ce que vous voulez objectivement.  Par exemple, un élève et un enseignant ont des obligations différentes.

485. QU’EST-CE QUE SVADHARMA ET POURQUOI ? 
La vie à laquelle vous vous êtes adapté, par naissance et par héritage, est la plus naturelle et sans effort, en ce qui vous concerne.  Pour continuer dans le même mode de vie, vous n’avez besoin que d’un peu d’énergie supplémentaire.  Il vous reste donc beaucoup d’énergie qui peut être utilisée pour la recherche spirituelle, et vous atteignez le but plus tôt. Mais si vous changez votre propre mode de vie, vous consommerez beaucoup d’énergie pour vous établir dans la nouvelle sphère, et votre progrès spirituel en souffre naturellement dans cette mesure.  De plus, vos activités dans le parcours phénoménal de la vie ne sont d’aucune utilité dans votre progression spirituelle, car la première va vers l’extérieur et la seconde vers l’intérieur. Par conséquent, les Acaryas d’autrefois vous ont clairement mis en garde contre tout changement de svadharma, (profession) car cela entraîne un énorme gaspillage d’énergie précieuse et ne fait qu’augmenter la distance jusqu’à votre objectif spirituel.  Votre position dans la vie et le mode de vie, quels qu’ils soient, vous conviennent le mieux pour vous élever dans la vie, mondaine et spirituelle.
Par conséquent, nous voyons dans la tradition védique des cas occasionnels de grands sages qui continuent leur svadharma même en tant que bouchers, prêtres, etc. (par exemple Sri Vyadha et Shri Vasishtha).

21 août 1952

486. « UN DANS L’UN N’EST PAS UN. » COMMENT ? 
Le noumène et le phénomène, ou l’Un et le plusieurs, sont les deux entités trouvées dans l’univers apparent. Le « un » ne dépend pas du « plusieurs » ni ne s’y oppose. Il est facile de prouver que l’un est dans le plusieurs ; mais le plus grand nombre ne peut jamais être dans l’Un.
Par conséquent, si vous réussissez à amener quelqu’un à l’unique ou à l’un, en l’atteignant, il constate que l’unité en soi n’existe pas, mais qu’elle se transforme immédiatement en l’Ultime.
Un individu qui a atteint l’Ultime n’est plus un individu.

487. QU’EST-CE QU’ARUNDHATI-NYAYA (L’INDICATEUR) ? 
Arundhati est une étoile très faible et minuscule, pas facile à remarquer, mais importante dans l’étude de l’astronomie.  Par conséquent, la pratique habituelle des enseignants en astronomie est de montrer à l’étudiant d’abord un objet visible comme un arbre ou une tour en direction de cette étoile, ensuite un amas d’étoiles brillantes près de l’Arundhati, puis le scintillant Arundhati lui-même.  Ainsi, les deux premiers pointeurs n’étaient que des indicateurs du but réel.
De même, pour ceux qui suivent le chemin spirituel, tout – du témoin jusqu’au corps grossier – sont des upadhis ou des pointeurs vers l’Ultime.

488. QU’EST-CE QUE L’EXPANSION PAR L’AMOUR ? 
Ce chemin commence généralement par la dévotion au Dieu personnel. Dans cette voie, les pratiques ainsi que les plaisirs limités du bonheur ont tous lieu dans la sphère subtile.  Mais la vie et les activités du dévot lui-même se déroulent dans la sphère physique.  A ce niveau, cette dernière apparaît, du point de vue du dévot, plus réelle et concrète.  Son identification avec quoi que ce soit d’autre dans la sphère mentale ne peut jamais être aussi forte que son identification avec son corps et ses sens grossiers. Mais si le dévot persiste vigoureusement, son amour s’étend à l’universel, et il devient dans ce sens, lui-même Ishvara.
En tant qu’Ishvara, il n’y a rien en dehors de lui et ainsi il transcende l’attachement et la douleur. Ainsi, il est possible d’enseigner l’Ultime à travers le chemin de l’expansion de l’amour.
Mais dans la pratique, ce chemin est si plein d’embûches – et les chances de s’échouer à chaque petit virage sont si grandes – que très peu de personnes qui empruntent cette voie atteignent le vrai Ultime. 
Le dévot est très souvent emporté par le charme de l’expression de l’amour, et il perd de vue le fond réel, le sans expression. L’exubérance de l’expression de la joie, au cours de ce chemin, est plus un obstacle qu’une aide au progrès du dévot, à moins qu’il ne soit guidé par un Karanaguru
Cette difficulté, au-delà du nom et de la forme, a été clairement ressentie à un stade de la vie spirituelle de Sri Caitanya, Sri Ramakrishna, etc. Dieu, tel qu’il est ordinairement conçu par l’homme, est la manifestation la plus élevée du mental humain.

489. DIEU DANS SON ESSENCE EST L’ABSOLUE REALITé
Dieu est l’aspect le plus générique de tout dans cet univers. Il n’y a rien à côté de lui, ni grossier ni subtil, il n’y a pas de dualité en Dieu. Tout comme son corps est générique, ses pensées, ses sentiments, etc. sont également génériques. Il est incapable de prendre une pensée ou un sentiment particulier. Ainsi, la grossièreté et la subtilité disparaissent complètement. Atteignant ainsi le plus générique dans tous les aspects, il se présente comme l’Absolue Réalité lui-même.

490. QU’EST-CE QUE MA SADHANA APRÈS TATTVOPADESHA ? 
La seule vraie sadhana pour un jnyana sadhaka est d’essayer de ne pas oublier sa vraie nature, chaque fois qu’il n’est pas occupé par les activités nécessaires à sa vie dans le monde.

491. LA PENSÉE « JE » EST-ELLE THÉORIQUE ? 
La pensée « Je », disent certains, est théorique.
Dans ce cas, il faudra admettre que vous êtes vous-même une théorie, ce que je crois, vous ne pourrez jamais l’admettre. Par conséquent, la pensée « Je » est plus pratique que toutes les choses apparemment pratiques.

23 août 1952

492. QU’EST-CE QUE LE TÉMOIN ? 
Le témoin est ce qui est immuable, le « Je » parmi les changements.
Les changements ne peuvent pas apparaître sans l’immuable.
Mais l’immuable existe indépendamment de tous les changements.
Les changements ne peuvent avoir lieu que dans l’immuable.
Mais les changements quand ils sont examinés sont trouvés comme n’étant rien d’autre que l’immuable.
Tous les changements sont dans l’immuable.
Mais l’immuable lui-même ne change jamais.

493. QUEL EST LE MEILLEUR MOMENT POUR LA MÉDITATION ? 
C’est au réveil, mais avant de devenir pleinement éveillé, afin que la méditation soit la première activité à la sortie de la Réalité qui brille entre les deux états.

494. COMMENT AJUSTER MA SADHANA ? 
La nature travaille normalement et régulièrement. Votre sâdhanâ ne doit jamais être opposée ou contraire au courant de la nature, mais doit toujours être en harmonie avec son cours, et ainsi transcender la nature. Sinon, beaucoup d’énergie devra être gaspillée dans la lutte contre les forces de la nature.

495. QU’EST-CE QUUN DESORDRE MENTAL ? 
C’est différent selon l’homme ignorant et le vedantin.
Un ignorant appelle un vedantin un fou et un vedantin pense la même chose de l’homme ignorant. Mais le vedantin peut voir la position de l’homme ignorant et aussi connaître la sienne. Il sympathise donc à juste titre avec la situation critique de l’homme ignorant. Mais l’homme ignorant ne connaît que sa propre position qui est l’erreur fondamentale dont il est une victime impuissante. l est incapable même de rêver de la position du vedantin, et par conséquent ses réflexions sur le vedantin n’ont aucun sens. La soi-disant folie du Vedantin est la vraie Vérité et la plus grande aubaine pour ce monde.

496. COMMENT N’Y A-IL QU’UNE SEULE CHOSE ?
Une chose ne peut pas prouver autre chose que cela. C’est un fait établi et c’est vrai dans tous les domaines. Par conséquent, en regardant objectivement, il n’y a qu’une chose et c’est la Réalité. 
Ensuite, en regardant subjectivement, nous constatons que le principe « Je » est la seule chose qui existe et que le « Je » ne nécessite aucune preuve non plus. L’objectivable ne peut pas exister indépendamment de ce « Je », et donc le principe « Je » est la seule Réalité ultime.

497. COMMENT A ÉTÉ DÉCOUVERTE L’ADVAITA ? 

Le verset upanishadique suivant le décrit :
parañci khani vyatrnat svayam-bhus
tasmat parab pazyati na ’ntaratman. 
kazcid dhirah pratyag-atmanam aiksad
avrtta-caksur amrtatvam icchan .                         
Katha Upanishad, 4.1
Dhira signifie audacieux et celui qui ose diriger son esprit vers l’intérieur vers le Soi. 
La signification du verset est la suivante :
Les organes des sens créés vont vers l’extérieur. 
Ainsi, votre esprit et vos sens deviennent extravertis et ne sont pas dirigés vers l’Atma intérieur. 
Mais une grande âme a dirigé son mental vers l’intérieur, désirant en conséquence atteindre l’immortalité. Il a ainsi visualisé l’Atma, le principe le plus à l’intérieur.

498. QU’EST-CE QUE SAMSKARA ? 
C’est l’empreinte laissée dans le mental par les pensées, les sentiments, les perceptions et les actes passés, qui sont censés influencer ses activités ultérieures.

499. QU’EST-CE QUE L’ON SIGNIFIE PAR « JE SUIS JE-ing » ? 
L’homme ignorant ne voit que des changements dans ce monde et ignore le contexte immuable derrière tous les changements.
Ainsi, l’Acarya essaie d’abord de montrer le « Je » immuable comme distinct et séparé du corps, des sens et de l’esprit changeants. Ensuite, le disciple est invité à prendre position sur ce principe « Je » et à regarder de là le monde en mutation. 
Immédiatement, les changements apparaissent comme une illusion ; et il comprend que les changements ne sont que des expressions du « Je » immuable. Et que cela est l’immuable lui-même.
Ainsi, quand je dis que le monde brille, ce n’est rien d’autre que moi-même qui s’exprime ou qui brille. Ou en d’autres termes, « Je suis je-ing ». Parce que briller n’est pas une fonction, mais ma vraie nature.

26 août 1952

500. COMMENT CONVERTIR DES OBSTACLES EN AIDES POUR ATTEINDRE L’ULTIME ? 
La conscience entre dans la fabrication des perceptions sensorielles, et la perception sensorielle entre dans la fabrication des objets.  Parmi eux, la Conscience seule est autonome.  Par conséquent, un objet est la Conscience seule.  La Conscience est l’essence à la fois des perceptions et des objets.  Il a déjà été prouvé que les pensées et les sentiments ne sont rien d’autre que la Conscience ou la Paix.
Les seuls obstacles habituellement rencontrés sur le chemin spirituel sont les pensées, les sentiments, les perceptions et les objets.  Ils ne deviennent des obstacles que lorsque l’accent est mis sur le côté objet ou sur la partie matérielle de ceux-ci et que le sujet est ignoré.
Mais lorsque vous commencez à mettre l’accent sur la partie du sujet, qui s’est avérée être la pure Conscience, les objets deviennent alors des moyens ou des aides pour diriger votre attention sur la Vérité.
Par exemple, si aucun de ces soi-disant obstacles n’était là, comment pourriez-vous concevoir le témoin et vous élever à l’Ultime ? 
Quand il y a un objet, la Conscience est là pour l’éclairer.  Ce rôle le plus important joué par la Conscience n’est très souvent pas remarqué du tout.  Soulignez également cette partie vitale de la Conscience dans toutes vos activités, et vous serez surpris de les voir toutes transformées en moyens ou en pointeurs vers votre vrai Soi, le principe « Je ».
Par la suite, même la pire douleur montrera le vrai « Je ».  Lorsque vous dites à un médecin que vous avez une douleur particulière n’importe où dans votre corps, ce n’est pas en tant que victime que vous le dites ; parce que la victime ne peut que souffrir et ne peut pas dire.  C’est le connaisseur seul qui peut dire quoi que ce soit sur la douleur subie.  Ainsi, la douleur vous montre que vous êtes finalement le connaisseur, qui est le vrai sujet. Par conséquent, le monde ne fait que vous aider à vous connaître.  Évidemment, le monde a été créé à fin de vous prouver.

30 août 1952

501. QUE SONT LE CONNU ET L’INCONNU ? 
Par votre simple connaissance d’une chose, la chose ne subit aucun changement. Vous admettez qu’elle était d’abord inconnue et qu’elle n’a été connue que par la suite. En disant que c’est connu, ce que vous faites n’est que cela. Votre esprit superpose certains attributs à l’inconnu d’origine.  Vous ne connaissez que les attributs ainsi superposés. 
L’inconnu reste toujours comme arrière-plan des attributs, et reste encore inconnu.
Regardant ainsi objectivement, nous constatons que la chose qui était la Réalité était au-delà à la fois du connu et de l’inconnu, se tenant comme l’arrière-plan immuable des deux.
Maintenant, en regardant subjectivement, vous constatez qu’entre deux pensées, vous demeurez seul dans votre propre splendeur, et c’est cette seule Réalité qui s’exprime dans vos pensées, vos sentiments et vos perceptions. Donc, subjectivement comme objectivement, vous ne connaissez que la Réalité. 
Ou en d’autres termes, vous ne pouvez jamais dire que vous l’avez connu ou que vous ne l’avez pas connu.  Le vrai sujet et l’objet étaient à la fois au-delà du connu et de l’inconnu.
Ainsi, la Réalité subjective et objective est une.  Avant l’objet, il n’y avait qu’un «cela» indéfinissable. C’est pour ce « cela » là que le sujet et l’objet sont entrés en jeu. 
Quand on voit que la diversité jaillit de l’indéfinissable, il ne reste plus de diversité. La diversité jaillit de Moi et ne peut donc pas m’affecter.

502. COMMENT DIEU RÉPOND-IL ?
Au niveau du phénoménal, en supposant que Dieu est tout-puissant, on peut se demander pourquoi il n’a pas riposté contre la destruction délibérée par Tippu des temples hindous qui étaient censés être les citadelles de Dieu. 
Réponse : Seule la citadelle et non Dieu lui-même a été détruite. De plus, Dieu était également dans le destructeur. Dieu a donc dû choisir d’élever le destructeur par amour et patience, dans l’intention aussi que nous tirions cette leçon de lui, et que nous ne soyons pas emportés par la passion inférieure de l’homme ordinaire.

503. DES OFFRANDES À UN DIEU PERSONNEL COMME DIRIGé à UN KARYA-GURU.
Chaque fois que vous le faites, vous sacrifiez vraiment une petite partie de votre ego également avec l’offrande. Mais vous devez faire attention à ne pas gonfler l’ego en même temps, en prétendant que vous avez fait une telle offrande ou un tel acte ou un sacrifice de soi. Petit à petit, l’ego devient beaucoup plus atténué.  Enfin, votre ego peut disparaître complètement et vous pouvez devenir un avec Dieu, ne laissant rien à désirer ou à offrir.
Mais vers les étapes ultérieures, l’ego devient si subtil et si imperceptible que vous aurez beaucoup de mal à y faire face.  Votre position par rapport à l’ego devient assez vague et incertaine.
L’étrange dame qui s’occupait de la mère de Sri Shankara n’était qu’une personnification de « vidya-vritti » elle-même. Vidya-vritti disparaît également ou se transforme en Vérité lorsque l’Ultime brille.
C’est pourquoi la dame était désespérément pressée de disparaître avant que Sri Shankara – le Sage, la Vérité ultime – n’apparaisse.
Dans l’expression «vous vous souvenez», il y a un certain effort à faire.  Mais quand vous dites que vous êtes en train de vous souvenir, cela signifie que vous êtes dans un état de souvenir, et il n’y a aucun effort du tout.

31 août 1952

504. COMMENT PRENDRE UNE PENSÉE PROFONDE ? 
On nous demande souvent de réfléchir profondément à propos de certaines idées spirituelles. Pour cela, une attention ponctuelle est la première exigence.  Pour gagner une telle attention, une profonde envie du cœur à cette fin est nécessaire. Cette envie est créée en prenant sans cesse cette même pensée. Lorsque cette envie ainsi créée descend profondément dans le royaume du cœur, votre pensée est censée être profonde.

505. QU’EST-CE QUE UNE FONCTION ?  (Son sens et ses usages)
La fonction, selon le dictionnaire, signifie action plus obligation. Mais dans le Vedanta, la fonction ne signifie que l’action.  Lorsqu’un participe est ajouté à un verbe d’évaluation incomplète, il désigne un état ainsi qu’une fonction. Mais en ce qui concerne le verbe au présent, seule la fonction est notée.

1er septembre 1952

506. EST-CE QUE N’IMPORTE QUEL CHEMIN MÈNE À L’ULTIME
Oui. Tout chemin mène à l’Ultime, à condition que l’initiation soit donnée par un Karanaguru (un Sage).
Selon le Sage, Dieu n’est qu’un autre nom donné à l’Ultime, et ne dénote que cette Réalité à travers tous les attributs qui y sont entassés.  Dieu est conçu comme le Seigneur de tout l’univers et comme tel transcendant l’univers lui-même.
La dévotion à Dieu crée un esprit d’abandon de soi chez le dévot. Son ego s’atténue ainsi peu à peu ; jusqu’à ce qu’il soit enfin anéanti, le laissant seul. 
Transcendant l’ego, il devient un avec Dieu.  Et étant en Dieu, il se tient au-delà de l’univers, comme l’ultime Réalité elle-même.

507. L’IMPORTANCE DU MARIAGE.
Le système brahmane du mariage est le mariage hindou idéal.  Il est consommé avec le mantra du mariage prononcé par le couple.  Cela signifie : « Vous ne vous séparerez pas, même après la mort ». Ce principe qui persiste même après la mort ne peut être rien d’autre que l’ « Atma », qui n’est qu’Un.
L’homme et la femme ne sont que des symboles ou des aspirants, et le mariage est conçu comme une initiation du couple à cette ultime Vérité, l’Atma, comme le suggère ce mantra du mariage.
Dans la vie conjugale, ils cultivent l’art de l’amour désintéressé, chacun sacrifiant l’intérêt du soi inférieur pour le bien du partenaire. 
En fin de compte, ils en viennent à comprendre que chacun d’eux n’aime pas l’autre pour le bien de l’autre, mais pour le Soi de l’autre – le Soi qui est indivisible et Un. Ainsi, ils sont capables d’atteindre la Vérité ultime en suivant la vie conjugale idéale, bien sûr après l’initiation d’un Karana-gourou, sans avoir besoin de toute autre sadhana. C’est le secret des pouvoirs invincibles acquis et utilisés avec retenue par les célèbres pati-vratas de l’âge védique, comme Anasuya, Pancali et ainsi de suite.

508. LA PERCEPTION NE PROUVE JAMAIS UN OBJET. 
Tous les objets pointent vers « vous », la pure Conscience. La conscience ne prouve jamais l’existence d’aucun objet. Le serpent est perçu dans la corde, et le serpent seul est perçu. Mais le serpent n’est pas là. La perception ne prouve donc pas un objet.

509. LES ÉTAPES DE PROGRÈS DES BHAKTAS, SELON LA BHAGAVAD-GITA.

catur-vidha bhajante mam janah sukrtino ’rjuna. 
arto jijñasur artha-‘rthi jñani ca bharata-‘rsabha. 
Bhagavad-gita, 7.16
Parmi ceux qui M’adorent à juste titre, il en existe de quatre sortes :
d’abord ceux qui visent à obtenir des avantages,
puis ceux qui souhaitent davantage connaître,
ceux qui recherchent la vérité par-dessus tout et
ceux qui viennent vraiment pour connaître.

Artha-‘rthi est de type le plus bas, ne désirant que les plaisirs et les avantages matériels. Profitant ainsi de la grâce de Dieu sous forme de plaisirs mondains pendant un temps considérable, il commence alors à penser à la toute-puissance et à la bonté et aux autres qualités suprêmes du Seigneur ; et naturellement un désir prend possession de lui pour se rapprocher de Dieu et finalement le connaître. 
De cette manière, il devient un jijnyasu – un aspirant sérieux. Ce désir en lui devient progressivement plus profond et il commence à ignorer et à sacrifier de plus en plus les intérêts de son moi inférieur, jusqu’à ce qu’il soit enfin prêt à sacrifier même sa vie pour atteindre son but.  Il devient ainsi un arta, pleurant du plus profond de son cœur pour atteindre la Réalité. Certes, à ce stade, si ce n’est plus tôt, il obtient le privilège d’entrer en contact avec un Sage (Karana-guru) et est initié à la Vérité ultime. Progressivement, il s’établit dans la Vérité et devient un jnyanin. Ainsi, les quatre étapes sont passées dans l’ordre régulier, de la manière ci-dessus.

2 septembre 1952

510. LE SAGE OU LE JIVAN-MUKTA.
Le Sage ou un jivan-mukta n’est rien d’autre que la Réalité ultime elle-même, et ne peut jamais être décrit par des mots. Pourtant, pour permettre au profane un aperçu, quelque chose pourrait être dit en le désignant un peu.
Pour l’homme ordinaire, le Sage semble être un jiva comme lui. Mais du point de vue du Sage (en supposant qu’il existe un tel point de vue imaginaire), il n’est rien d’autre que l’Atma, la Réalité – et donc un mukta
Ainsi, le terme «jivan-mukta» est un terme impropre, étant le produit imaginaire de deux perspectives opposées qui ne peuvent jamais être réconciliées. 
Cela peut être clarifié davantage.  Pour l’aspirant, qui est un jiva, le monde seul est réel et tout le reste, y compris même l’Atma, est irréel. 
Mais pour le Sage, l’Atma seul est réel et le monde est irréel.  Il n’y a donc rien de commun entre les deux. Ainsi laissé à lui-même, l’aspirant est impuissant, puisqu’il lui est impossible de contacter le Sage et ainsi de s’élever vers l’Absolu.  Il n’y a pas de pont entre le monde et la Réalité. 
Par conséquent, par la grâce divine – si on peut dire – le Sage descend en tant que Guru, pour combler ce gouffre et pour élever le disciple de l’abîme profond.
Examinons maintenant les activités apparentes de l’homme ordinaire et du Sage. Les deux ont trois perspectives différentes, selon lesquelles ils fonctionnent dans leur vie.
1.La première et la plus basse est la perspective extravertie (bahya-drishti), attribuant la réalité au monde des objets.  Cela se trouve généralement chez les petits enfants et chez les personnes assez ignorantes. 
2. La perspective intérieure (antar-drishti), met l’accent sur les activités subtiles de l’esprit. Ici, les informations sont obtenues sans l’aide des organes des sens. Ici tout ce qui est grossier devient subtil. 
3. La perspective introvertie (antar-mukha-drishti): Ici tout ce qui est grossier et subtil cesse d’exister, et finit en connaissance. 
Le Sage et l’homme ignorant ont ces trois perspectives. Mais le Sage les a toutes en connaissance de cause, et sait que la dernière seule est réelle.
L’homme du monde ne connaît consciemment que les deux premières perspectives. Parfois, il est jeté sans le savoir dans la troisième perspective, mais il ne la note pas ni ne la souligne. Le Sage, de son propre point de vue, n’a qu’une seule perspective ; et c’est le troisième.
Dans le cas de l’adulte intelligent qui possède à la fois la première et la seconde, il est capable de fonctionner quand il veut à travers la première perspective également, sans renoncer à l’accent mis dans la seconde.
Par exemple, en rencontrant un inconnu, bien qu’il ne note d’abord que les qualités et les attributs subtils de l’homme tels que sa profession, ses qualifications, le but de sa visite, etc., il peut également y réfléchir (s’il le souhaite) sur sa forme, son teint et d’autres détails physiques qui font l’objet de la première perspective.
De même, le Sage, bien qu’établi dans la troisième perspective, peut (s’il est si enclin) descendre à l’une des deux autres perspectives et fonctionner à travers elles, sans perdre sa position dans la troisième. C’est ainsi que fonctionne un guru, apparemment descendant au niveau du disciple dans le plan grossier ; et le soulevant lentement de là, à travers le plan subtil, vers l’Ultime.  Mais le Guru lui-même reste toujours dans l’Absolu, permettant à son corps et à son mental de descendre et d’extraire le disciple du phénoménal.

511. L’INCITATION AU TRAVAIL.
Pour l’homme ordinaire, le fruit de l’action incite au travail. Le fruit de l’action est souhaité simplement parce qu’il est censé vous faire plaisir. Et le plaisir est aimé pour vous et non pour le plaisir même. 
Votre vraie nature s’est déjà révélée être la Paix et le Bonheur, qui sont la source du plaisir. Par conséquent, l’incitation ultime pour tout travail est de toucher votre propre nature de Bonheur.
L’homme ordinaire ne connaît pas cette vérité et considère le plaisir comme quelque chose de différent de lui.  Il a donc besoin d’une incitation pour faire l’effort de l’atteindre.
Mais le Sage sait bien que cette Paix, ou ce Bonheur, est sa propre nature et n’a besoin d’aucune incitation ni d’aucun effort pour l’atteindre, car il est déjà atteint et établi, en ce qui le concerne.
Par exemple, il existe un dicton sur la vie des alpinistes en Europe : « Frugal par habitude, la modération n’était pas une vertu pour eux ».  Cela semblerait une vertu nécessaire obtenue qu’après une longue pratique, pour ceux qui s’adonnaient à son contraire dans leur vie. De même, une incitation à l’action n’est requise que par ceux qui se trouvent dans le domaine de la dualité.
Le Sage, ayant transcendé la dualité, ne reconnaît pas du tout que les actions soient réelles, et encore moins les incitations. Si jamais il semble faire quelque chose, ces actions surgissent spontanément, et il n’y pense jamais après.

512. L’EGO.
Chaque objet est un pointeur vers l’Ultime. Même l’ego très méprisé est d’une grande aide à la réalisation de la Vérité.  La présence de l’ego chez l’homme, bien que sous une forme déformée, est infiniment meilleure que son absence, comme par exemple dans un arbre.
À travers l’ego, vous ne percevez que des objets au début. Mais les objets pointent finalement vers la Conscience.  Par conséquent, la première perception, bien que fausse, vous conduit ensuite à la Réalité ; et la perception elle-même n’est rendue possible que par la présence de l’ego.
Par conséquent, l’ego est, dans un sens, principalement responsable de la réalisation de la Vérité ultime.

513. LA GRANDE MERVEILLE.

atma ‘mbu-razau nikhilo’ pi loko
magno ‘pi na’ camati ne ‘ksate ca
azcaryam etan mrga-trsni-kame
bhavambu-razau ramate mrsai’ va
Adishesha, Paramartha-saram
Même si vous restez toujours immergé dans le doux océan d’Atma,
non seulement vous n’en goûtez pas une goutte ni même,
vous ne pouvez, vous tourner pour y jeter un coup d’œil,
mais vous courez après les eaux du mirage pour étancher votre soif toujours plus grande. Pas étonnant que vous échouiez si lamentablement dans votre entreprise. À quelle plus grande merveille pouvez-vous vous attendre dans ce monde ?

3 septembre 1952

514. RIEN NE CHANGE. 
Le changement et l’immuable se rapportent tous deux aux objets et sont perçus par moi au-delà des deux.  L’un ne peut jamais être perçu de la position de l’autre. L’erreur la plus courante commise par un homme ordinaire est que, lors de la disparition de quelque chose, il substitue immédiatement une apparence imaginaire de quelque chose d’autre appelé son contraire ou son absence.
Examinons maintenant ce que nous entendons par « changement ». Un objet est un mélange d’arrière-plan et de qualités.  Les qualités vont et viennent.  Lorsque certaines qualités disparaissent, d’autres apparaissent, le fond restant le même.
Ensuite, nous disons que l’objet change, et superficiellement, l’énoncé semble être vrai. Regardons plus profondément. Les qualités ne font que changer de place et ne sont pas détruites. Parce que certains passagers sont descendus et que d’autres sont montés à bord d’un train dans une gare particulière, pouvez-vous dire que le train a changé ? 
Et parce que certains passagers sont descendus du train et sont montés à bord d’un navire, pouvez-vous dire qu’ils ont changé ? 
Non, ni le train ni le passager n’ont changé. De même, dans l’objet composé de l’arrière-plan et des qualités, les qualités changent de place. C’est la seule activité qui a lieu.  Ni l’arrière-plan ni les qualités ne subissent de changement.  Par conséquent, en fait, rien ne change.

4 septembre 1952

515. PUJA, LA MÉMOIRE ET LE DESIRE.
Puja : Dans l’illustration de la puja exécutée par les organes des sens, le « Bonheur » est l’image qui reçoit la puja. C’est l’esprit ou avidya qui vous dit d’entrer dans le « samadhi », parce que c’est agréable. Mais ne l’écoutez pas. Si vous le faites, vous n’atteindrez pas la Vérité ultime.
La mémoire est un faux témoin, car elle n’était pas présente au moment de l’activité signalée comme étant rappelée.
Le désire : On dit souvent qu’un profond désire est essentiel pour la réalisation de la Vérité.  Mais si vous suivez le désire jusqu’au bout et atteignez la réalisation, vous trouvez finalement que le désire était aussi une illusion, et que vous n’avez jamais été un instant hors de votre propre Soi.

516. PARLER D’UN SAGE.
Chaque fois que quelque chose est dit à propos d’un Sage ou d’un Jnyanin, c’est le personnel qui est décrit, mais toujours avec l’accent sur l’impersonnel.

517. SUIS-JE STATIQUE OU DYNAMIQUE ? >
Le statique et le dynamique ne peuvent pas coexister en tant que tels. Mais ils coexistent en arrière-plan, en tant qu’arrière-plan. Le statique et le dynamique sont tous deux des manifestations du même arrière-plan. Par conséquent, je suis tous les deux simultanément ; ou mieux encore, je transcende le statique aussi bien que le dynamique.

svakam vapuz ca tenai ’va buddham jagad iva ksanat
ksanantara’ nubuddham sad brahmai ’va’ ste niratmani                
(?)
Il a commencé par penser qu’il était le monde.
Immédiatement après, tout s’est entièrement absorbé en lui (dans le sommeil profond). C’est ce que vous faites à chaque instant, en enregistrant tout dans la connaissance et en vous en débarrassant pour toujours.

518. LE CONTRÔLE DE L’ESPRIT.
Le contrôle de l’esprit est généralement très souvent évoqué, et la concentration de l’esprit est censée être le moyen d’y parvenir.
La concentration et la distraction sont toutes deux des activités de l’esprit. Le contrôle de l’esprit n’est jamais possible de l’intérieur du royaume de l’esprit mais seulement au-delà de la concentration et de la distraction. On ne peut donc pas dire que celui qui a atteint la concentration ait atteint le contrôle de l’esprit. Transcendant l’esprit, il n’y a que le principe « Je » ; et quand vous vous tenez en tant que ce principe « Je », les caprices de l’esprit, disparaissent, non pas parce que l’esprit a été contrôlé, mais parce qu’il a été détruit. Par conséquent, le contrôle de l’esprit – de l’intérieur ou de l’extérieur de l’esprit – est un terme impropre

519.  LES PROGRES
Un sadhaka passe de l’activité à la passivité (le témoin) ; et atteignant la passivité, il transcende cela aussi par d’autres moyens.

520. COMMENT SURGIT LA CONFUSION EN CE QUI CONCERNE LE TÉMOIN
Supposons que vous soyez le témoin d’une pensée particulière. Un peu plus tard, vous vous souvenez de cette pensée et vous dites que vous avez eu cette pensée il y a quelque temps – en supposant par-là que vous étiez le penseur lorsque la première pensée s’est produite, bien que vous n’ayez alors été réellement que le témoin de cette pensée.
Ce changement injustifié dans votre relation avec une pensée particulière – du moment où la pensée survient au moment où vous vous en souvenez – est seul responsable de toute la confusion concernant le témoin.
Lorsque vous semblez vous souvenir d’une pensée passée, c’est vraiment une pensée nouvelle en soi et elle n’a pas de relation directe avec l’ancienne. Même lorsque vous vous souvenez, vous êtes le témoin de cette pensée souvenir. Vous ne changez donc jamais le rôle de votre témoignage, quelle que soit la façon dont vos activités peuvent changer.

521. DEDUCTION ET PREUVE.
La déduction dépend de la validité des expériences passées de nature similaire. La déduction n’est jamais finalement correcte. 
La Preuve de n’importe quoi.  Une chose ne peut prouver qu’elle-même. 
Voir prouve seulement voir.  L’audition prouve seulement l’audition.  Etc. 
Similairement, je ne prouve que moi-même. 
Rien ne peut être prouvé que soi-même ; et cela n’a besoin d’aucune preuve, étant auto-lumineux. Par conséquent, la déclaration « Je vois un forme » doit être correctement placée comme « Je forme une forme ».

522. L’ABSORPTION ET LA GRÂCE.
L’absorption est le processus par lequel le sujet et l’objet deviennent un dans le principe « Je ». L’absorption de tout ce que l’esprit crée dans le Soi, l’Absolu – avec l’aide de «vidya-vritti» ou de la conscience qui fonctionne – est le but de notre vie.
La vraie grâce de l’Absolu est de nous avoir dotés des deux instruments simples de la Conscience et du Bonheur, dans le but spécifique de tout absorber en nous par la connaissance et l’amour.
Mais souvent, nous ne la reconnaissons pas dans nos activités ordinaires, et pourtant nous passons par tout le processus de telles absorptions sans le savoir.

523. RIEN N’EST UN OBSTACLE À LA RÉALISATION. 

Adrzyo drzyate rahur grhitene ’nduna yatha,
tatha’ nubhava-matra ’tma drzyena’ tma vilokyate         (?)

Le Rahu invisible est perçu à travers la lune éclipsée.
De la même manière, l’Atma qui est une simple expérience est perçu au travers des objets
Traduction par Shri Atmananda, Atma-darshan, Préface

1. La lune nous aide à connaître Rahu lors d’une éclipse.
2. Le phénomène est nécessaire pour connaître l’arrière-plan.
3. Le monde nous aide à connaître l’Atma.

524. LE MONDE UN TÉMOIN.
Puisque le monde vous prouve, le monde pourrait bien être considéré comme un témoin.

525. LE MOUVEMENT DU MONDE.
Le mouvement du monde est comme si vous étiez le premier à dessiner une image. L’image ne fait qu’extérioriser l’idée qui était en vous. Puis vous vous tenez devant l’image finie en tant qu’étranger à celle-ci et commencez à en profiter. En fait, vous profitez de vous-même.

526. DES DÉFINITIONS.
La conviction vient lorsque ce qui est dit a été saisi. 
La satisfaction vient lorsque ce qui est désiré a été obtenu. 
Le plaisir n’existe que par rapport à son opposé, la douleur, et ils sont tous deux appréciés par l’esprit. Mais le bonheur est au delà de l’esprit. 
L‘intuition intervient lorsque votre esprit s’élargit dans le temps et que vous devenez par conséquent un jiva élargi. Mais vous devez vous rappeler que votre souffrance est également élargie.
L’intuition est l’expansion la plus élevée de la raison inférieure – restant toujours dans le domaine de l’esprit. 
La raison supérieure est l’essence de la raison inférieure. Elle est toujours liée à l’impersonnel et la raison inférieure est toujours liée au seul personnel. 
La logique, la beauté et l’harmonie sont toutes les « svarupa de l’Atma », vues sous des angles différents de vision. 
Le renoncement réel est l’emploi de la partie Conscience dans chaque perception en toute connaissance de cause. Par cette pratique, la partie matérielle cède peu à peu et la partie Conscience gagne.
Cela seul est le vrai renoncement.
La causalité intervient pour établir une relation entre les objets. Mais il a été prouvé que chaque objet n’est lié qu’à la conscience en arrière-plan. Par conséquent, deux objets ne peuvent pas exister simultanément et la causalité n’existe donc pas.
L’emprise du temps, de l’espace et de la causalité sur l’homme ordinaire est si forte qu’il n’est pas prêt à épargner même la Réalité ultime aux impératifs du temps, de l’espace et de la causalité. 
Le phénoménal signifie ce qui change. Tout changement est dans le temps, l’espace et la causalité. 
Que percevez-vous ? Vous ne pouvez percevoir que la Réalité. L’irréalité ne peut jamais être perçue. La Réalité est dans les sens et au-delà des sens aussi.
La vie : Vous avez trois types de vie, chacune distincte et séparée du reste.
Une vie physique, confinée aux activités du corps et aux perceptions des sens. 
Une vie mentale, confinée aux pensées et aux sentiments.
Une vie de soi (ou une vie du Soi), être une expérience seule. 
Les deux premières vies sont connues de tous. Mais vous ne savez pas ou ne remarquez pas souvent que vous avez une vie personnelle (ou la vie du Soi).

527. EXPÉRIENCE DE LA BEAUTÉ DANS ET À TRAVERS UNE PEINTURE.
La beauté est quelque chose qui vous attire sans cause. Vous êtes plus attiré par votre propre Soi. Ou en d’autres termes, votre propre nature est la seule chose qui peut vous attirer. La beauté n’est donc qu’une expérience de sa propre nature, à l’occasion d’un objet extérieur. C’est alors que vous trouvez la beauté dans cet objet. Le peintre a fait une expérience de sa propre nature comme beauté qu’il a tenté d’exprimer dans le tableau. Ce n’est qu’une telle œuvre d’art qui suscite généralement le sens de la beauté en vous, en touchant votre propre nature réelle ; parce que la vraie nature du peintre et de vous-même, les deux étant au-delà de l’esprit, ne peut être que la seule Réalité Atma.
Dès que vous voyez l’image, votre attention se tourne vers votre propre nature. Ensuite, vous expérimentez votre propre nature et l’appelez la beauté. Lorsque vous appréciez la beauté, vous ne percevez pas la peinture. La peinture n’est perçue qu’une seule fois et immédiatement écartée, cédant à la beauté.

528. COMMENT AFFRONTER LA BEAUTÉ.
Chaque fois que vous ressentez la beauté, l’harmonie, une logique supérieure, etc. au-delà du domaine de l’esprit, essayez toujours de vous y fondre. N’essayez pas d’être son témoin. C’est absurde. La position du témoin est en dessous du domaine de l’expérience.

529. « UNE DÉCLARATION FAITE PAR LE GURU, NE VOUS AIDE PAS LORSQUE VOUS LA PRENEZ, MAIS LORSQUE VOUS LA LAISSEZ. » COMMENT ?
La déclaration, telle qu’elle vient, se compose de la forme grossière des mots ou des sons et de la forme subtile ou de l’idée censée être véhiculée par les mots. Si vous vous accrochez à la forme brute seule, vous n’en profitez pas. Au contraire, vous devez laisser le brut loin derrière, et vous élever à sa signification ou à l’idée derrière la déclaration.  Alors seulement la déclaration vous aidera à vous élever spirituellement. 
Que se passerait-il si la nourriture que vous avalez restait inchangée dans votre estomac ? Non seulement cela n’aiderait pas à garder votre corps en forme, mais cela le rendrait rapidement malade. Similairement, les déclarations spirituelles, si elles sont simplement apprises et non assimilées, ne feront que gonfler votre ego et retarder votre progression spirituelle.

530. LA MORT.
La mort est la séparation du corps grossier du corps subtil, ou de l’esprit du corps. Par conséquent, « vous », en tant que jiva, mourez à chaque instant.

531. LES ORDRES DU GURU.
Les ordres du guru sont généralement de deux types. 
1.      Comme provenant de la Réalité ultime elle-même.
C’est un commandement impératif et doit être obéi littéralement. 
2.      Provenant de l’amour du guru pour le disciple. Parfois, ce deuxième type d’ordre peut aller à l’encontre de l’esprit ou tendre à atténuer un ordre passé du premier type. Dans de tels cas, il y a des circonstances où le disciple choisi respectueusement de passer par le premier ordre, bien que sévère, éludant joyeusement le second. 
Il y a l’exemple du sannyasin qui était allongé dans les locaux de Padmatirtha. Ici, la position du disciple était qu’il avait parfaitement le droit de se considérer indigne de l’amour du guru. Cela se produit dans le cas d’un disciple gouverné principalement par l’élément cœur.
Mais Sri Tattvarayar, dans la sadhana où prédominaient les éléments du yoga et de jnyana, a choisi dans des circonstances exactement similaires, d’obéir à la lettre à tous les ordres successifs du Guru, sans oser les interpréter de quelque manière que ce soit.
En effet, les deux étaient corrects à leurs propres niveaux différents.

532. « JIVAN-MUKTA ».
Il s’agit d’un terme impropre, car jiva [la personnalité] est perceptible uniquement par les sens externes et mukta [ce qui est libre] par l’œil interne uniquement.  Les deux sont sur des plans entièrement différents, et en tant que tels ne peuvent jamais se rencontrer.  Donc, si quelqu’un est un jiva [une personne], il ne peut pas en même temps être un mukta [celui qui est libre] ; et vice versa. Par conséquent, le terme « jivan-mukta » [« personne libre »] est impropre.

533. LE BUT ET LA PERTINENCE DES QUESTIONS.
Des questions se posent souvent à ceux qui ont déjà entendu la Vérité de la part du guru. Les questions ont un objectif précis et doivent être traitées comme elles le méritent.  La plupart des questions se présentent sous la forme d’une intrusion dans la paix par des pensées non invitées. Elles n’entrent que pour une destruction rapide par le feu de la connaissance. 
Cela peut être fait de trois manières :
1.      En vous tenant seul comme témoin. Ainsi, les questions ne vous parviennent pas et reviennent sans réponse.
2.      En comprenant que chaque question pointe vers Moi (la Conscience), et par conséquent en accueillant les questions au fur et à mesure qu’elles viennent, pour être utilisées comme une aide pour atteindre ma vraie nature. 
3.      En analysant la question elle-même et en constatant qu’elle n’est rien d’autre que la Conscience – ma propre nature réelle.

534. DES QUESTIONS PORTANT SUR LE MONDE DANS SON ENSEMBLE ET COMMENT Y REPONDRE ? 
Toutes ces questions ne concernent que le temps, l’espace et la causalité. Ces trois-là font partie du monde lui-même, dont la solution est à la recherche de la solution.
Le monde dans son ensemble ne peut jamais être expliqué en termes de ses propres parties. Par conséquent, chaque question concernant le monde entier est illogique. Le temps, l’espace et la causalité, faisant partie du phénoménal, ne peuvent jamais affecter l’Ultime.
Par conséquent, en ce qui concerne l’Ultime également, la question ne se pose pas.

535. VOUS ET LES VÔTRES.
Vous voulez que vos biens possèdent également toutes vos caractéristiques en tant que qualités.  Vous êtes libre, permanent, heureux, etc. Par conséquent, vous voulez que ce que vous possédez ait également tous ces attributs. C’est le secret du désir de l’homme incarné d’être immortel, éternellement libre et heureux.

536. QU’EST-CE QUE LE REEL GURU-DAKSHINA (AU LE KARANA-GURU) ? 
L’établissement du disciple dans la Vérité ultime est la plus grande et la seule dakshina (offrande) que l’on puisse humblement placer aux pieds du Guru pour les services inestimables rendus par lui.

537. L’ESPRIT ET LA CRÉATION.
La création du monde n’est pas un fait de la volonté, mais une création inconsciente. La volonté n’est qu’une fonction de l’esprit générique, fonctionnant dans le monde créé.  Si elle avait été créée par le fait de la volonté, les nombreuses choses qui vous font tant de peine n’auraient jamais été créées du tout.
L’esprit a ce pouvoir particulier d’autotromperie. Par conséquent, essayez d’éviter toute controverse limitée au seul domaine de l’esprit. Ce n’est rien d’autre que la jonglerie de l’ego.

15 septembre 1952

538. LA SIGNIFICATION DU CONSEIL DU SEIGNEUR KRISHNA À ARJUNA
ET SON APPLICATION DANS LA VIE PRATIQUE.
Le véritable objectif du conseil était de montrer à Arjuna le chemin de la Vérité ultime. La nature humaine est composée de trois qualités distinctes : tamas, rajas et sattva, dans l’ordre croissant. Et le progrès consiste à passer de l’état le plus bas du tamas au suivant, rajas, de là au sattva, et finalement à l’au-delà. Il n’y a pas de raccourci du tamas au sattva, sauf par rajas.
Tamas            est dominé par la paresse, la morosité, le découragement, l’inertie, etc.
Rajas              est dominé par l’activité du corps et du mental ; 
et sattva        est dominé par la connaissance ou la paix. 
Chaque vertu est censée nous conduire jusqu’au sattvique.
Dans les shastras inférieurs, tamas est représenté par le sommeil profond, rajas par l’état éveillé actif et sattva par le samadhi. Malheureusement, tamas et sattva se ressemblent en surface ; mais sont diamétralement opposés dans la nature, comme l’obscurité et la lumière.
L’état le plus élevé de sattva ou de samadhi ne peut être atteint que par une activité bien disciplinée de l’esprit. Cela n’est possible qu’à l’état d’éveil et appartient purement au royaume de rajas, mais plutôt incliné vers le sattvique. Rajas, étant la qualité moyenne, est liée à la fois aux qualités précédentes et suivantes ; et on ne peut progresser vers le sattvique qu’en prenant des activités qui tendent vers le sattvique. La première condition pour cela est la paralysie de l’ego qui vous entraîne vers le bas. La partie vitale de l’ego est le désir, généralement pour recueillir les fruits de l’action. Pour l’homme ignorant, c’est la seule incitation à l’action.
Cette incitation a été retirée à Arjuna, lorsque Lord Krishna lui a conseillé de renoncer à tout désir pour les fruits de ses actions. Ainsi Arjuna est d’abord devenu un agent libre, en n’étant pas lié par les fruits de ses actions. Ensuite, on lui a demandé de s’engager dans la bataille à cause d’un sens du devoir intact, simplement parce qu’il était placé dans une situation l’exigeant. Finalement, on lui a également dit de renoncer à ce sens du devoir ou de la responsabilité et ainsi on lui a montré le chemin vers le véritable Absolu. 
Les trois étapes essentielles au progrès, du plus bas au plus haut [de gauche à droite] :
Passivité                                  Activité                                     Paix  
Sommeil profond ou            État de veille ou                       État transcendant ou
ignorance ou tamas           rajas                                       sattva
Lâcheté                                    Bataille contre les                   Samadhi, indiquant la 
Forces d’anatma                      Paix ultime
Le conseil du Christ dans une situation similaire, était d’assumer une passivité totale, en montrant la joue gauche si vous êtes giflé à droite.  Ce n’est pas toujours une expression de l’élément sattvique en vous. Si l’agresseur est physiquement plus faible et que vous le savez et si vous gardez toujours le silence et la gaieté face à l’agression, cela pourrait être une expression du sattvique en vous. Mais d’un autre côté, si vous êtes physiquement plus faible et que l’agresseur est plus fort et si vous vous soumettez docilement à son assaut, vous êtes plus susceptible de vous être jeté dans cette passivité honteuse qui n’est que le résultat de la lâcheté et d’un désir de vous échapper sans trop de mal. Il est peu probable que cela vous élève spirituellement. De plus, le Christ n’a pas imposé la substitution du désir pour les fruits de l’action par le détachement, qui seule pouvait faire que la passivité vous conduise au sattvique.
Mais pour atteindre le sattvique, il faut passer par rajas, l’activité, comme conseillé par Lord Krishna. Si, suivant les conseils de Krishna, vous combattez et vainquez l’adversaire, cela l’aide en le ramenant à ses sens et à la vertu, et vous aide à transcender l’état d’acteur de l’action victorieuse en essayant d’oublier le combat et d’aider les vaincus. Mais si vous suivez les conseils du Christ et restez passif en toutes circonstances, l’adversaire s’en va toujours avec son ego très gonflé et sombre dans l’ignorance, n’ayant rien de positif à retenir. 
Le résultat est une blessure pour les deux.

539. LES VALEURS SPIRITUELLES DES CONSEILS DU SEIGNEUR CHRIST ET DE SRI KRISHNA À L’HOMME ORDINAIRE.
Si vous agissez selon Krishna, vous êtes confronté à deux possibilités et deux seulement, soit de mourir au combat, soit de gagner et de ne pas désirer le fruit de la victoire comme déjà conseillé.  Dans les deux cas, l’idée de l’ego ou du corps est considérablement paralysée et vous vous élevez en conséquence dans l’échelle spirituelle. Mais le conseil du Christ, en l’état, est ambigu. Il est susceptible d’être mal compris par un homme ordinaire, égoïste. Cette personne pourrait facilement devenir passive par force ou par peur ; rien n’est suggéré pour que l’ego soit paralysé, et sans cette suggestion la spiritualité est impossible.

540. Y A-T-IL DE LA VIOLENCE DANS LES CONSEILS DE KRISHNA DE LUTTER ? 
Les conseils de Krishna ne préconisent pas la violence brute, comme le font les maniaques des guerres actuels. Il ne préconisait que l’activité ou l’action. Une action ne peut être condamnée comme violente qu’en raison du motif qui la sous-tend, et le motif est l’expression de l’ego. Mais Krishna avait déjà paralysé l’ego en supprimant le désir des fruits de l’action, qui seuls peuvent agir comme incitation pour un homme ordinaire. Ainsi, le terrain spirituel était bien préparé avant même qu’Arjuna ne soit appelé à l’action, même si cela nécessitait une action violente. Le courage était la seule condition essentielle à l’accomplissement d’une telle action. Le courage est la progéniture du sattvique, de l’altruisme ou du sans-ego.

541. LE DEVOIR ET LA MOTIVATION.
Pour l’homme ordinaire, chaque action a besoin d’une incitation, et le désir des fruits de l’action est la motivation habituelle. Cela gonfle l’ego et le lie au phénoménal. Celui qui veut transcender le phénoménal doit d’abord transcender cette incitation. C’est pour cela qu’il a été demandé à Arjuna de ne pas désirer les fruits de son action. Mais étant soudainement privé de son incitation à l’action habituelle, il avait du mal à passer à l’action sans quelque chose pour prendre sa place. Lord Krishna a donc astucieusement substitué le devoir comme incitation et a demandé à Arjuna qu’il se battre pour le devoir. Lentement, ce devoir a également commencé à agir comme un objet d’attachement pour Arjuna. Par conséquent, plus tard, à un niveau supérieur, Arjuna a dit en termes clairs et sans ambiguïté de ne pas être esclave du devoir non plus, et donc d’être complètement libre de tout attachement. Ainsi, le devoir n’est aussi qu’un tremplin vers l’Ultime. 

kartavyatai ’va samsaro na tam pazyanti surayah.
zunyakara nirakara nirvikara niramayah ..
  Ashtavakra samhita, 18,5
Le monde du changement est toujours pris dans le devoir de ce qui doit être fait. Les Sages ne voient pas ce devoir comme le leur ; car ils se sont réalisés comme ce qui brille là où les objets n’apparaissent pas, comme ce qui n’a pas de forme, qui ne change pas, épargné partout par le mal et la nuisance.

542. POURQUOI L-B [LORD BUDDHA] A-T-IL REFUSÉ DE RÉPONDRE DIRECTEMENT,
QUAND IL A ÉTÉ INTERROGÉ SUR ATMA ?
 
Réponse : l’Atma est le principe auto-lumineux qui éclaire la question. Le maître et le disciple sont également le même Atma. Par conséquent, pour répondre directement à la question sur l’Atma, l’Atma devrait en quelque sorte être objectivé. C’est impossible. Par conséquent, la question n’a été répondue qu’indirectement par lui et la réponse n’a donc pas été satisfaisante. Mais l’enseignant n’a pas alors choisi d’amener ce disciple à l’expérience ultime de l’Atma. Nous ne savons pas pourquoi. 
L’Atma est aussi dans la question et dans la réponse. L’Atma n’est aucune des expressions perçues. C’est cela qui rend toutes les expressions possibles.

16 septembre 1952

543. COMMENT TRAITER CORRECTEMENT LES QUESTIONS ? 
Toutes les questions se posent parce que vous insistez à tort sur la partie objective de vos perceptions, au lieu de la partie subjective qui est la Conscience ou l’Atma elle-même.
Lorsque vous voyez un objet, voyez ce qui entre dans la fabrication de cet objet, et pas seulement ses qualités qui vont et viennent.
Le « Je », à travers les organes des sens, entre dans la composition de l’objet.
Le « Je », à travers les pensées, entre dans la composition des organes des sens.
Le « je », à travers la Conscience, entre dans la composition des pensées.
Et la Conscience n’est que vous-même, le « Je ». 
En d’autres termes, le sujet et l’objet ne font qu’un.

544. QUAND VOUS CONNAISSEZ QUELQUE CHOSE, VOUS ÊTES DANS LA RÉALITÉ ELLE-MÊME.
Quand vous dites que vous êtes au-delà de l’idée centrale, qui le dit ?
Est-ce l’idée centrale elle-même ? 
Non. C’est ce principe existant même au-delà de l’idée centrale qui vous permet de le dire.  C’est le principe « Je » ou Atma.
La simple déclaration de la Vérité, « Je suis le monde », est souvent faite.
Est-ce vrai dans tous les sens ? Non. Je ne suis pas le monde en devenant le monde ; mais seulement par le monde, lorsqu’il est examiné sans passion, devenant moi-même.

545. HIMSA (BLESSURE) ET AHIMSA (NON-BLESSURE).
Une action ne devient himsa que lorsqu’il y a le désir, aussi petit soit-il, de jouir du plaisir sensuel résultant de cet acte.
Cela devient ahimsa si rien de ce soi inférieur n’intervient pour inciter à l’action et à en réclamer le fruit.
Même la loi n’établit la culpabilité qu’en cas de Mens Rea (motif ou intention).

17 septembre 1952

546. COMMENT LA VÉRITÉ EST-ELLE TRANSMISE (SI ELLE EST TRANSMISE DU TOUT) ?
Certains disent que c’est par le langage, parce que le disciple ne comprend la Vérité qu’après l’avoir écoutée des lèvres du Gourou. Mais il a déjà été prouvé que parler et écouter sont des incidents sur le chemin ; et que, lorsque le disciple comprend finalement la Vérité, il n’y a ni parole ni écoute, mais seulement la Vérité et la Vérité seule – comme une expérience sans objet expérimenté.
On peut donc tout au plus dire que le langage a aidé à pointer vers cet objectif ultime et rien de plus.
Par conséquent, sa relation éventuelle avec la réalisation n’est qu’indirecte.
D’autres disent que la Vérité se transmet par le silence ou le samadhi.
Ici, le silence n’est également qu’un moyen de langage et sert le même but que le langage lui-même, ne pointant que vers l’Ultime et disparaissant au point de l’expérience. La Vérité est bien au-delà même du nirvikalpa samadhi (silence extrême).

547. COMMENT LIRE ET COMPRENDRE LES SHASTRAS RAPPORTANT LA VÉRITÉ ?
La simple absorbtion de versets et leur répétition tels qu’ils sont, est partout condamnés.  La vraie méthode est indiquée par cette illustration.
Une vache dans son abri se détache la nuit, se faufile dans un champ adjacent, y mange l’herbe verte et retourne dans son abri. Là, elle mâche, mastique et digère toute la nourriture au cours de la nuit. Jetant les ordures sous forme de fumier et d’urine, elle absorbe l’essence de la nourriture sous forme de sang dans son système, pour finalement livrer le lendemain matin son nectar sous forme de lait. Le lait ne présente aucune des caractéristiques superficielles des aliments pris la nuit précédente.
De même, chaque fois que nous lisons un shastra, nous devons assimiler son essence par une pensée intense, jusqu’à ce qu’il devienne le sang de notre sang et coule dans nos veines. Les mots du shastra, qui forment la partie matérielle, sont oubliés ou jetés, alors que la vache jetait ses excréments ; et la substance, lorsqu’elle sort de vous, doit être aussi naturelle, douce et rafraîchissante que le délicieux lait, sans aucune des caractéristiques des noix dures des shastras.
Même le mouvement furtif de la vache a sa propre signification dans l’analogie. Cela signifie que lors de votre quête de la Vérité, vous devez d’abord vous détacher de la pensée du monde, en évitant autant que possible l’attention du public ignorant et en évitant tout contact inutile avec les gens. Les controverses doivent être évitées à tout prix. Vous ne devriez montrer aucun signe extérieur de vos activités spirituelles, jusqu’à ce que toute la nourriture de l’apprentissage soit assimilée au lait sucré de la connaissance.

548. TAT TVAM ASI.
« Tat tvam asi » est établi par ceux qui ont suivi la voie cosmologique, en prouvant l’unité entre le principe immuable derrière le « je » apparent (tvam) et le monde objectif (tat). Mais ils doivent encore transcender le sens de la grandeur de tat (en tant que brahman), attaché à cette expérience.
Selon notre méthode, le tvam est d’abord examiné objectivement et réduit à sa source ultime, l’Atma. Ainsi, vous transcendez immédiatement l’erreur de base. En regardant depuis la position d’Atma, que vous avez vécu comme la seule Réalité, vous trouvez qu’aucun monde n’existe du tout. Par conséquent, la question de tout examen sérieux du tat ne se pose pas, en ce qui vous concerne.
Selon Gurunathan, la signification de l’aphorisme « Tat tvam asi » est également différente.  L’aspirant cherche la Vérité. Alors on lui dit : « Tu es cette vérité ». Ici, on vous montre la Réalité dans le « je » apparent lui-même, en rejetant tous les appendices.

18 septembre 1952

549. LES PROBLÈMES ET LA PRIORITÉ DE CONCIDERATION ENTRE EUX
Les problèmes sont de deux ordres, fondamentaux et auxiliaires. L’homme ignorant ne se préoccupe jamais du problème fondamental, mais est absorbé uniquement par les auxiliaires et se perd parmi eux.
Le problème fondamental est l’identité du jiva avec le corps et le mental. Tous les autres problèmes dépendent de ce problème central.
Personne sauf l’advaitin n’ose analyser directement ce principe jiva. Il élimine avec succès la partie matérielle comme étant irréelle, du mélange brut qui est le jiva ; et il se positionne, identifié avec le principe de vie auto-lumineux en lui, qui est l’Atma Elle-même.
D’autres qui suivent diverses autres voies progressent également dans une certaine mesure, mais n’atteignent pas la Vérité ultime. En effet, leur approche est purement objective.
Par conséquent, celui qui veut résoudre ses problèmes complètement et pour toujours doit d’abord faire face à ce problème fondamental. Lorsque cela est résolu, vous constaterez que tous les autres problèmes disparaissent, comme la brume devant le soleil.

550. L’ACTIVITÉ ET L’INACTIVITÉ.
L’homme ignorant ne conçoit l’activité que comme l’opposé de l’inactivité. Par conséquent, quand une activité cesse, il pense qu’elle est tombée dans l’inactivité et que l’inactivité a pris sa place. Ceci est absurde. Ce que nous appelons activité n’est qu’une manifestation de l’Absolu et même lorsqu’elle est ainsi manifestée, elle ne cesse pas d’être l’Absolu, il n’y a rien d’autre que l’Absolu en elle.
Par conséquent, lorsque l’activité cesse, c’est l’Absolu lui-même qui reste. De même, ce que nous appelons l’inactivité est également une autre manifestation de l’Absolu, sans aucun lien avec le sens de l’activité. L’inactivité aussi, lorsqu’elle disparaît, se transforme en Absolu. Mais vu de la position de l’Absolu, il n’y a eu aucune manifestation du tout, car l’Absolu n’a subi aucun changement, même lorsqu’il était supposé être manifesté ou non manifesté.

20 septembre 1952

551. LE PROBLÈME.
Certains disent, sans réfléchir, qu’ils n’ont pas de problème. Demandez simplement à une telle personne si elle a eu des désirs, et si oui, si l’un d’eux a dû être abandonné. Si une telle chose s’est produite, il a dû être malheureux. Il peut l’ignorer bêtement, ou refuser obstinément de l’admettre.  Pourtant, cela représente un problème, aussi minime soit-il, en ce qui le concerne.

552. VERS L’ULTIME PAR LES QUALITÉS ET LES QUALIFIÉS.
Les qualités et les qualifiés dépendent les uns des autres pour leur existence même.
Par conséquent, aucun d’eux n’est réel, mais ne sont qu’un semblant ou une apparence. Analysant le monde cosmologiquement, il se réduit aux cinq éléments et à leurs qualités. Les qualités et les qualifiés étant de simples apparences, les éléments et leurs qualités disparaissent également comme irréels. 
Et ce principe (la Conscience), qui a ainsi examiné le monde, reste seule en tant que Réalité.

22 septembre 1952

553. LA TRANSFORMATION D’UNE CHOSE.
Une chaise est une « chaise » par convention uniquement. Elle devient un objet lorsque vous la percevez. Mais quand vous la connaissez, son objectivité disparaît et elle devient connaissance. 
Ainsi, votre rôle est toujours de détruire le monde, chaque fois qu’il apparaît.
Le monde n’est composé que de perceptions, de pensées et de sentiments. Dès que l’un d’eux apparaît, il est absorbé en vous-même en tant que connaissance, détruisant ainsi complètement l’objectivité du monde.

554. LA FORME ET LE SANS FORME.
La forme est de deux types. Subjective et objective. Sans la forme subjective, l’objectif ne peut exister. Les deux sont une ou de la même nature.
De même, l’informe subjectif et l’informe objectif signifient tous deux une seule et même conscience.

555. LA SIGNIFICATION DES OPPOSÉS.
Dans la vie ordinaire, une chose est censée dépendre de son contraire ou être inséparablement liée à elle.  Vu sous cet angle, si l’on adopte l’approche cosmologique, pour atteindre la Vérité, il faut transcender les deux opposés (l’existence et la non-existence de l’objet). Mais selon l’approche directe, si vous comprenez d’abord que chaque objet n’est directement connecté qu’à l’arrière-plan, vous atteignez facilement l’Absolu en transcendant l’objectivité de cette seule chose. Ici, le contraire ne vient jamais vous déranger.  Cet opposé n’est qu’un autre objet à travers lequel vous pouvez également atteindre le même arrière-plan.

23 septembre 1952

556. LE TEMPS.

*oggattonnalanekamennu karutum vyamohame kalamam.
Sri Atmananda
Considérant une pensée comme plusieurs : c’est l’illusion du temps.                

« La seule pensée » (« ottattonnal ») qui est le fond permanent de toutes les pensées est « Je suis ». Habituellement, cette pensée de l’arrière-plan est oubliée et immédiatement une pluralité de pensées surgit. 
Cette illusion de pluralité est ce que l’on appelle le « temps ».

557. L’EFFET EST LA CAUSE DE LA CAUSE.
Parce que c’est l’effet qui suggère l’existence d’une cause et nous met en mouvement pour chercher cette cause. Par conséquent, l’effet sert vraiment de cause à la cause

558. L’EXAMEN CORRECT DU MONDE.
Le nom « monde » désigne le monde grossier aussi bien que subtil.
Le monde subtil n’est rien d’autre que l’esprit ou la pensée. L’esprit entre dans la composition même du monde grossier, mais est également tout à fait indépendant du monde lui-même. Même après la disparition du monde grossier, l’esprit continue d’exister, retenant en lui le monde entier privé de ses caractéristiques grossières.
Jusqu’ici, un homme ordinaire peut bien progresser, car la vie elle-même est composée distinctement des aspects physiques et mentaux. Ainsi, en se positionnant sur le plan mental, le physique peut bien être examiné et réduit au subtil. Cela doit encore être examiné, en prenant votre position sur un plan plus haut que l’esprit lui-même, mais en substance pas fondamentalement différent de l’esprit. Ce plan est le plan de la connaissance, de la Conscience ou du « Je », qui entre dans la composition de l’esprit. En prenant position, du moins en idée, dans ce plan de Conscience et en examinant l’esprit, vous constaterez que le monde subtil perd ses caractéristiques d’être subtil et diversifié ; et il brille comme pure Conscience et est un avec vous. Si vous le laissez ailleurs avant de l’amener à cette vérité ultime, l’examen est incomplet et la conclusion, dans cette mesure, est fausse.

559. LA CONCEPTION DES OPPOSÉS.
Elle n’entre pas, même dans nos déclarations ordinaires. Nous n’introduisons l’idée du contraire qu’ultérieurement, à titre d’interprétation ou d’explication pour établir la première déclaration.

24 septembre 1952

560. LES PRINCIPAUX APHORISMES ADVAÏTIQUES.
Les principaux aphorismes advaitiques, selon la voie traditionnelle, sont au nombre de quatre.  Ce sont:

1. « Ayam atma brahma.»          Le soi est tout ce qu’il y a ,

étant une déclaration de la Vérité ultime.

2.  » Tat tvam asi.  »                      Vous êtes cela.

Ceci est l’instruction donnée par le Gourou au disciple, concernant l’identité des des arrières-plan du jiva et du monde.

3. « Aham brahma smi. »         Je suis tout ce qu’il y a.

c’est la forme sous laquelle le disciple contemple l’essence de l’instruction transmise par le deuxième aphorisme. En contemplant cet aphorisme pendant une période considérable, le disciple transcende la petitesse du jiva et établit son identité avec le brahman qui comprend tout, qui est l’arrière-plan de l’univers.
Cette conception de brahman se distingue par sa globalité ou sa grandeur. C’est autant une limitation comme la petitesse du jiva, et cela doit être transcendé pour atteindre l’Ultime.
A cet effet, un autre aphorisme est donné.

4. « Prajñanam brahma. »           La conscience est tout ce qu’il y a.

Avec l’aide de ce dernier aphorisme, le disciple transcende également le sens de la grandeur et atteint la pure Conscience, l’Ultime. 
« Je suis conscient de quelque chose » et « Je suis conscience » sont deux déclarations importantes. 
La première affirmation est mentale, agitée et personnelle. Mais elle rend le service inestimable de vous faire comprendre la nature de la Conscience. 
La deuxième déclaration est impersonnelle. Là, la Conscience est à part entière, comme le seul principe auto-lumineux. 
Ayant compris la nature de la Conscience dès le premier énoncé, il est possible d’attirer l’attention sur la nature impersonnelle de la Conscience pure, et donc de s’y établir.

561. JIVA
Quand quelque chose d’autre que la conscience s’ajoute à vous, le vrai principe « Je », vous devenez le personnel ou jiva.
Le monde devrait à juste titre être appelé « le monde des sens ». Ne voir le monde que comme un « percept » ou « un « objet de perception ». Le monde n’est rien d’autre que des perceptions sensorielles.
Donc, quand vous dites que vous appréciez un objet, cela signifie seulement que vous appréciez vos propres sens. Ce sont donc les sens qui prennent toujours plaisir.
Cela donne la clé des multiples lilas du Seigneur Krishna. Le Seigneur Krishna, par ses pouvoirs yogiques, s’est divisé en d’innombrables Krishnas ; et chacune des Gopis appréciait toutes sortes de lila avec le Krishna qu’elle considérait comme le sien. Comment quelqu’un pourrait-il s’y opposer, dans un sens purement mondain ? C’était bien au-delà de toute mondanité concevable.

562. LA PENSÉE ET SON TRAVAIL.
Une pensée, quand elle est reprise encore et encore avec un intérêt croissant, va de plus en plus profondément en nous et devient de plus en plus intense, jusqu’à ce que finalement son sens crée en nous ce qu’on appelle une « conviction profonde ».
Mais si la pensée est dirigée vers la Réalité qui a déjà été visualisée à travers les mots du Guru, elle n’a pas la connaissance limitée comme objectif.  Ensuite, celle-ci n’est pas une pensée au sens strict du terme, car elle aspire à ne rien connaître comme étant le résultat de cette pensée.
Ce qu’il y a à savoir est déjà connu.
Chaque fois que vous répétez cette pensée, vous êtes mis en contact direct avec le fond impersonnel et une fois de plus, vous visualisez ou expérimentez la même Vérité exactement comme avant.
La pensée ou le souvenir ne sont pas ce qu’ils sont lorsqu’ils sont dirigés vers l’Ultime. La pensée quand elle est dirigée vers l’extérieur se traduit généralement par la connaissance.  La pensée est toujours prise dans le but d’arriver à cette connaissance.
La visualisation par simple pensée n’est possible qu’en ce qui concerne l’Atma, la Réalité. Ce n’est possible pour rien d’autre. Elle connaît la même Vérité de la même manière, encore et encore. Petit à petit, vous vous installez dans cette Réalité. Par conséquent, cette pensée vous emmène au-delà de toute pensée.
La soi-disant réflexion sur l’Ultime n’est pas non plus une façon de se souvenir. Qu’est-ce qui se souvient ? Se souvenir consiste à porter devant l’œil de l’esprit ce qui est directement perçu par les organes des sens. Vous admettez que l’exactitude de la perception est perdue dans la mémoire. La vue directe de l’homme ignorant devient une simple forme de pensée quand on s’en souvient.
La perception a lieu dans le domaine brut et la mémoire dans le domaine subtil. Mais la visualisation de l’Ultime se fait dans le royaume au-delà de l’esprit, après avoir traversé plusieurs transformations en entendant la Vérité par les lèvres du Guru.
Chaque fois que vous pensez à la Vérité par la suite, vous passez en fait par toutes les différentes transformations comme avant, jusqu’à ce que vous visualisiez la Vérité encore plus intensément qu’auparavant dans le même plan supérieur. C’est la perception directe, ou la connaissance directe, ou l’être direct, ou la Conscience elle-même. La mémoire est le grossier laissant la place au subtil.

25 septembre 1952

563. LA RAISON INFÉRIEURE ET LA RAISON SUPÉRIEURE.
La raison inférieure diffère dans son interprétation et son application selon les individus, car elle ne repose que sur les expériences personnelles de chacun, qui varient selon le tempérament et l’environnement.
Mais la raison supérieure (vicaram = vizesena carikkuka [passant par le discernement], se déplaçant le long d’un chemin spécial dirigé vers l’intérieur, ne repose que sur l’être de l’individu, qui est unique.
Par conséquent, elle ne peut jamais être différente dans son application ou sa conclusion.

564. LE CORPS CAUSAL DE L’IGNORANCE.
Le corps causal de l’ignorance [la potentialité non manifestée de « l’inconscient] ne peut pas exister. L’ignorance est l’absence de tout.
Quand vous dites qu’il n’y a pas de vache ici, cela signifie seulement qu’elle n’est pas présente ici à l’organe charnel, mais seulement à l’organe subtil du mental. L’absence de quoi que ce soit dépend directement de la présence de cette chose.
Ainsi, le négatif de quoi que ce soit ne peut exister par lui-même, sans au moins une référence inconsciente au positif. Ainsi, le corps causal de l’ignorance est un terme impropre. 

susupty-eka-siddhah … jambon de zivah kevalo
Sharif Shankara, Dasha-shloki, 1
Je suis cet absolu non mélangé, juste ce bonheur parfait,
atteint dans la profondeur d’un sommeil sans rêve.                                     

565. L’AMOUR EST-IL DUALISTE ? 
Certains Jnyanins qui n’avaient aucune expérience de l’amour ou de la dévotion disaient que l’amour est dualiste car il a besoin d’un objet, et que seul Jnyana peut vous emmener à l’Ultime.
La même objection peut être soulevée à ce niveau contre jnyana également, c.à.d. que jnyana a toujours besoin d’un objet pour s’exprimer.
Mais le Jnyanin sait par expérience que le jnyana peut se tenir indépendant des objets, en tant que pure Conscience au-delà du domaine du mental.  À ce niveau, l’amour se transforme également en pur ananda ou paix.
La première déclaration a mal tourné simplement parce que jnyana a été prise au niveau absolu de l’expérience et l’amour au niveau inférieur d’expression
Il n’est pas étonnant que les Jnyanin habitués au chemin de Jnyana seul soient si ignorants du chemin de l’amour. Pour avoir atteint l’Ultime par Jnyana, le monde en ce qui le concerne a complètement disparu, y compris même, les expressions de l’amour. Aucune nécessité ni occasion ne se présente, dans son cas, pour examiner le monde sous un autre angle.  Aucun effort n’est nécessaire non plus pour son établissement dans l’Ultime.  Tous ces efforts ont déjà été déployés. 
De nombreuses personnes avaient ainsi atteint l’Ultime par le seul chemin de Jnyana, et étaient toutes des jivan-muktas.
Mais pour jouer le rôle d’un guru ou d’un acharya, il faut se familiariser suffisamment avec les expériences de chacune des différentes voies du jnyana, de la bhakti et du yoga. Cela est nécessaire pour que les aspirants venant avec des expériences partielles et préliminaires, utiles ou perverties, dans l’un de ces chemins, afin qu’ils puissent être dirigés en toute sécurité le long des chemins de leur propre goût et de leur propre choix, et leurs difficultés dans leurs propres chemins expliquées à leur satisfaction. De tels acharyas sont bien sûr extrêmement rares, introuvables même au cours de plusieurs siècles.

566. SUR QUOI PEUT-ON SUPERPOSER QUELQUE CHOSE ?
Seulement sur quelque chose d’immuable. Nous disons généralement que le serpent est superposé à la corde ou que le voleur est superposé à la souche d’un arbre. Aucune de ces affirmations n’est littéralement vraie. Si l’affirmation selon laquelle vous avez superposé quelque chose doit être maintenue, il est essentiel que la chose superposée et la chose sur laquelle la superposition a été faite soient toutes deux, présentes dans la résultante. Mais ni la corde ni la souche d’un arbre ne se trouvent dans la résultante. Il est donc clair que la superposition n’a pas été faite sur la corde ni sur la souche d’un arbre, mais sur ce principe conscient sur lequel la corde et la souche d’un arbre elles-mêmes étaient toutes deux superposées de la même manière. Vous ne pouvez donc jamais superposer un objet sur un autre objet, ni une pensée sur un autre objet, ni une pensée sur une autre pensée.

567. L’EXISTENCE.
« La non-existence de l’inexistant est l’existence elle-même. »
« L’existence de l’inexistant réfute l’inexistence. »

26 septembre 1952

568. PRATYAKSHA ET PAROKSHA.
Pratyaksha signifie littéralement « perceptible par les organes des sens ». Il s’oppose à paroksha qui signifie « indirect » ou aupacarika qui signifie « formel ». 
Selon Gurunathan, il n’y a qu’un seul pratyaksha. Il ne peut être vécu que dans le « Je », sans être connectée à autre chose. Tout le reste est indirect ou formel.>
Selon cela, un objet perçu est paroksha. Lorsque cela est connu par la suite, il fusionne dans le « Je » il devient pratyaksha et l’objet disparaît. Chacun a en lui un profond sens du Soi qui transcende clairement le corps, les sens et le mental. Sa forme est « Je sais que je suis ». Il s’agit d’une connaissance directe qui est connue sans l’aide d’un instrument.

569. LA CRÉATION ET LA DESTRUCTION DU MONDE.
L’oubli de soi est la cause de la création du monde, et la réalisation de soi est la destruction du monde.

570. AGIR EN CONNAISSANCE
Il s’agit de l’instruction pratique par laquelle le « Je » est visualisé. Dans toutes les activités humaines, il existe une différence fondamentale entre les mots exprimés et l’activité réelle. Les mots « je le vois », « je l’entends », etc. sont tout à fait correctes. Mais dans l’activité proprement dite, la première et la plus importante partie « Je » est lamentablement ignorée et seule la partie activité ou objectivité est soulignée. Ceci est responsable de tous les attachements.
Le seul moyen de libération est de combler l’omission que vous avez si ignoramment faite. Dans toutes vos activités quotidiennes, essayez de mettre le « Je » au premier plan. Si vous réussissez à le faire, vous avez parcouru un long chemin vers la visualisation du « Je ». Lorsque vous effectuez cet exercice pendant un certain temps, vous constaterez que vous êtes ce principe immuable dans toutes les activités et que les activités elles-mêmes changent à chaque instant. Cela prouve clairement que l’action, la perception, la pensée et le sentiment ne vont pas du tout dans votre nature. Les activités de l’homme ignorant, ou la partie objective d’entre elles, obscurcissent généralement le principe « Je » en lui.
Mais cet exercice supprime toute possibilité d’une telle opacification du principe « Je », car le « Je » est souligné à chaque instant.
Mon rôle est de rester immuable au milieu des changements incessants, ou de ne pas être affecté par tous les contraires, comme le bonheur et la souffrance.
Pour rendre cela possible, il faut comprendre que l’on est au-delà de tous les contraires et que l’on n’est ni le faiseur ni le bénéficiaire des activités. Quand vous dites que chaque activité vous appartient, cela signifie que rien ne vous appartient en fait, ou que je suis le « svarupa » sans qu’ils ne touchent mon svarupa.

571. LA PERCEPTION ET LE « JE ».
La perception est composée de l’éclairage par le principe « Je » plus la partie objective de la perception. Prenez par exemple « voir ». La vue ne peut pas exister sous une forme non manifestée, ni avant ni après l’activité de voir. Mais le principe « Je » existe comme non manifesté avant et après l’activité, et le même « Je » se manifeste également dans la vue. Par conséquent, l’objet est la manifestation du « Je » seul et non celle des sens. Cela montre que lorsque le monde apparaît, le monde est « je-étant » ; ou en d’autres termes, quand quelque chose apparaît, je brille en elle.
Tous les paradoxes sont dissous dans le Sage.

572. QUAND JE DIS QUE JE MARCHE, CELA SIGNIFIE QUE JE NE MARCHE PAS RÉELLEMENT.
Une activité est une déviation de l’état normal. Quand je dis que je marche, je l’entends comme une activité opposée à mon état normal de non-marche. La marche n’est que quelque chose qui va et vient, alors que je suis par nature non-marchant ou immuable. Vous admettez que vous n’avez pas changé simplement en marchant. La marche fait référence à ma nature qui est non marchante. Ainsi, chaque activité montre que je ne suis pas elle. Chaque activité apparaît et disparaît en moi. Je suis immuable et l’activité est un changement incessant.
Je ne peux donc pas être une activité telle qu’elle est. Ce « Je » doit être souligné comme présent juste avant chaque activité. Le « Je » doit être dans chaque activité mais il n’est là que comme témoin silencieux. Si je suis dans tout ce qui est diversité, ce ne peut être que par mon être, cette unité même.

573. LA MEILLEURE FORME DE MÉDITATION (SI VOUS DEVEZ EN AVOIR UNE).
Si vous voulez obstinément pratiquer la méditation, la meilleure forme pour votre but est « Je suis ». Cela ne donnera au mental rien d’objectif auquel s’accrocher, et dans l’effort même le mental cessera ou mourra.
Cette contemplation chasse toutes les pensées intrusives, et vous êtes établi dans le « Je ». Lentement, cela devient de plus en plus profond et la nature de la Conscience et du Bonheur commence à être ressentie, car ceux-ci sont intrinsèques au « Je ».
Pendant la récitation ou la contemplation, bien que nous commencions par le mot ou le son, nous ne nous arrêtons jamais là.  Nous commençons à plonger lentement dans le sens ou le but de l’idée ; puis la récitation s’arrête progressivement, vous laissant au but même.
Ainsi, lorsque vous contemplez « Je suis », vous restez établi dans le vrai principe « Je ». Mais ce « Je suis » ne peut jamais être remplacé par le terme « guru ». Parce que le guru n’est jamais une expérience pour personne, alors que « je suis » est une expérience claire pour tous. Par conséquent, pour vous conduire à l’expérience ultime, « Je suis » est essentiel. Il est vrai qu’après l’expérience, le « Je suis » se fond aussi dans le guru, qui est transcendantal, au-delà même de l’arrière-plan de tout ce monde.
Sri Shankara décrit l’état du nirvikalpa samadhi comme étant le témoin de tout (sarva-sakshi) sauf de l’Absolu Je suis (shivoham)

nityanandeturiyevigatamatigatissarvasaksizivoham                       
Shri Shankara

La vérité se vit en trois étapes distinctes. 
Dans la première étape,            
au cours de laquelle vous touchez l’arrière-plan ultime, vous atteignez le témoin. 
Dans la seconde étape,                        
lorsque vous vous tenez en tant que témoin, le témoigné disparaît et vous vous retrouvez Vous-même, l’Ultime, sans second pour vous rendre malheureux.
Enfin, le sens de l’absolu disparaît également et vous vous tenez établi dans le principe « Je » ultime, la seule Réalité.
La même idée est exprimée dans

drstavam bodhamatram ñan
ennayam drzyameppofum
kanippatennu sarvvatra
kantu ñan viharikkayam
Atma-darshanam, 16.3. Sri Atmananda
Je suis pure Conscience.
Réalisant que chaque objet,
où qu’il soit placé, me désigne,
je jouis de moi-même partout et en tout.                                               

30 septembre 1952

574. QU’EST-CE QUE LE KARMA ? 
La réponse directe à la question est qu’il n’y a pas de karma.
Il est de la responsabilité de l’auteur de la question de prouver que le karma existe.
Examinons en détail le « karma ».
Quel est ce principe qui rend chaque karma possible ?
Il est évident au départ que le karma ne peut exister sans un acteur ou un agent. La preuve de l’existence de celui qui fait est que vous le connaissez, ou bien que vous êtes le percepteur du karma en tant que l’acteur, que l’action et que l’acte fait.
Prenez maintenant note du fait qu’un tel agent témoin est indispensable à l’existence du karma. Tournez ensuite votre attention de plus près vers cet agent et voyez s’il est vraiment un agent. Vous voyez immédiatement que le soi-disant agent n’est pas un agent, mais seulement celui qui perçoit le karma.
En tant que percepteur, on ne peut pas être lié par le karma. Ainsi, le karma n’est pas un karma au sens ordinaire du terme, et tous les samskaras meurent avec lui. 
Le Karma se compose de trois parties, à savoir :
1. L’incitation (être des samskaras),
2. L’activité (du corps ou de l’esprit), et
3. Les résultats ou les fruits de ceux-ci
Lorsque vous atteignez la position du percepteur, à la fois l’incitation (l’action initiale) et le désir des fruits de l’action disparaissent. Ainsi dissocié du perçu et de la perception, le percepteur cesse également d’être un percepteur et devient l’Ultime.
Par conséquent, le karma n’est rien d’autre que la Réalité ultime elle-même, et ainsi ne peut jamais vous lier.

575. LE KARMA ET LES SAMSKARAS.
Le Samskara est la profonde impression laissée par ce qui a été fait. Le karma donne naissance aux samskaras et les samskaras induisent le karma. Ainsi, le karma et les samskaras dépendent l’un de l’autre pour leur existence même. C’est impossible.
Par conséquent, le karma et les samskaras sont tous les deux un terme impropre, et le seul percepteur ou « Je » est la Réalité.
C’est ce que le Seigneur Krishna a dit du karma en général.  …

Gahana karmano gatih
Bhagavad-gita, 4.17
Insondable est la voie du karma.

L’histoire significative de l’inexistant (kathayillatta katha) dans le Yoga-vasishtha montre également l’irréalité de tout karma. Il a une morale sublime pour chacun de nous. C’est ceci :

Nous, les enfants de la femme stérile à naître , profitons du monde à naître, tout comme l’enfant dans l’histoire a écouté et apprécié toute l’histoire du non- existant

1er octobre 1952

576. UN TEST DE L’ÉTAT NATUREL.
Lorsqu’on vous demande ce que vous êtes, si la réponse vous vient spontanément à l’esprit « Je suis pure Conscience », on peut dire que vous avez atteint l’état naturel. 

577. L’AMOUR VU PAR LES RELIGIONS ET PAR LE VEDANTA.
Les religions vous apprennent à aimer les autres aux niveaux physique et mental.
Mais le Vedanta vous apprend à devenir cet amour, pur et impersonnel, au-delà du niveau du mental.

578. LE RENONCEMENT DE BHARATA.
Un acte ne devient une véritable renonciation que si vous renoncez ainsi à quelque chose de plus proche et de plus cher à votre cœur.  Le plus grand désir de Bharata, quand il a commencé à chercher Rama, était qu’il devrait lui-même prendre la place de Sri Rama dans la forêt et renvoyer Rama à Ayodhya pour gouverner le royaume. 
Mais d’une manière ou d’une autre, Bharata a été persuadé par Sri Vasishtha, leur guru, de retourner à Ayodhya pour gouverner le royaume lui-même jusqu’à ce que Rama revienne. Il s’agissait en effet d’un acte de sacrifice suprême et de renoncement de la part de Bharata, car il a été contraint par les circonstances d’abandonner le plus grand désir de son cœur, celui de renoncer au royaume et de prendre sur lui l’exil de Sri Rama dans la forêt.

579. QUELQUES DÉCLARATIONS IMPORTANTES FAITES PAR JÉSUS-CHRIST.
Leurs niveaux et leur signification relative :
1. « Je suis le fils de Dieu. » (Souvent répété dans le Nouveau Testament.)
Ceci est purement une préparation du terrain pour le progrès spirituel et c’est dans le plan dvaitic [dualiste]. 
2. « Je suis la vigne et vous êtes les sarments. » (Saint-Jean, 15.5)
Cela se situe au niveau du vishishtadvaita [qualifié dualiste]. 
3. « Moi et mon Père ne faisons qu’un. » (Saint-Jean)
Cela vient du niveau purement advaitique. Évidemment, ce sont des déclarations différentes adressées à différentes personnes, à différents niveaux de compréhension.

2 octobre 1952

580. S’IL Y A UNE PLAINTE, QUI LA FAIT ? 
Jamais l’Atma. Dans ce cas, de quoi vous soucier vous ? 
Seul celui qui n’a pas de forme peut prendre une ou plusieurs formes. Si vous voulez savoir quelque chose de subjectif, vous ne devez jamais vous référer à quoi que ce soit dans le monde objectif. 

581. QUE SE PASSE-T-IL LORSQUE JE DIS « JE SUIS EN COLÈRE » ? 
1. Puisque vous percevez les trois états et toutes vos activités de la naissance à la mort, vous êtes évidemment un être immuable. Mais quand vous dites que vous êtes en colère, vous devenez la colère elle-même. Il s’agit, bien sûr, d’un changement clair par rapport à votre centre et cela ne peut pas être. Par conséquent, la colère, ou tout autre sentiment, n’est qu’une apparence. 
2. Vous pouvez ensuite vous souvenir de votre colère. Vous devez donc avoir perçu la colère vous-même. En tant que percepteur, vous ne pouvez jamais être affecté par la colère. Donc n’avez jamais été en colère.

3 octobre 1952

582. L’ESSENCE DE L’ENSEIGNEMENT DU GURU.
Vous aviez été séduit par le pot. Le guru vous a montré que ce n’est rien d’autre que de la terre, sans faire la moindre violence au pot. 

583. LA TÊTE ET LE CŒUR – SONT-ILS DIFFÉRENTS ? 
Lorsque vous atteignez l’Ultime en suivant le chemin du pur Jnyana, vous ressentez une Paix ou un Bonheur profond qui s’expriment parfois sous la forme de larmes jaillissantes et d’une voix étouffante. Ce n’est pas une expression de la tête, mais du cœur en vous.
D’un autre côté, il existe de nombreux exemples de Sages comme Sri Padmapada et Vativishvarattamma (?) Qui ont atteint l’Ultime par le cœur et le cœur seulement, dirigés vers leur Gourou – l’Absolu – avec une profonde dévotion. Ils ont par la suite guidé les aspirants vers la Vérité, même sur le chemin de Jnyana, avec le plus de succès. Il est donc clair que ce que l’on éprouve par l’un ou l’autre chemin est la même Réalité ; et que jnyana et la dévotion ne sont que les expressions de cette seule Réalité, l’une à travers la tête et l’autre à travers le cœur. Un jivan-mukta qui est établi dans l’Absolu ne cherche pas à se faire remarquer dans aucune phase de sa vie apparente.

5 octobre 1952

584. OÙ EST L’HARMONIE ? 
Nous ne voyons l’harmonie dans ce monde qu’en de rares occasions. Mais le Sage voit toujours et partout la même harmonie, même dans la souffrance et la discorde apparentes. 

585. L’ESPRIT ET LE MONDE.
L’esprit est la partie la plus essentielle du monde et il entre dans la composition du monde lui-même. 

586. LA PEUR.

… dvitiyad vai bhayam bhavati.
Brihadaranyaka Upanishad, 1.4.2
Ce n’est qu’à partir d’une seconde chose que la peur surgit.

La peur naît de la conscience de l’existence d’un autre que vous-même.

587. LE SOUVENIR.
Lorsque vous dites que vous vous souvenez d’un rêve, vous superposez le sujet du rêve au témoin.  Le même processus se répète lorsque vous vous souvenez d’un incident passé à l’état de veille.
La continuité apparente d’un état en soi n’est pas une preuve de la réalité de cet état. Elle apparaît aussi bien dans les états de veille que de rêve. 

588. POURQUOI DONNONS-NOUS PLUS DE RÉALITÉ À L’ÉTAT DE VEILLE ? 
Non, nous ne le faisons pas. Les deux états actifs [éveil et rêve] sont des états éveillés lorsqu’ils sont réellement expérimentés. Cet état dans lequel vous restez à un moment donné est alors considéré comme l’état de veille et plus réel que tout autre.

589. COMMENT VISUALISER UN INCIDENT PASSÉ DANS L’ÉTAT DE VEILLE ? 
Vous ne pouvez certainement pas le visualiser avec les organes sensoriels charnels de l’état de veille. Vous devez donc créer un ensemble d’organes sensoriels appropriés à cet effet, comme vous le faites dans l’état de rêve, et visualiser l’incident comme s’il se passait devant eux. Donc, tout ce qui vient du passé est égal à un rêve.

590. LA MÉMOIRE.
La mémoire fusionne le passé dans le présent ; et le présent, examiné minutieusement, disparaît complètement. Ainsi le temps est vraiment détruit et vous vous rapprochez de la Réalité. La mémoire vous aide donc dans une certaine mesure à vous approcher de la Réalité, bien que la mémoire elle-même fasse partie de l’irréalité. 

591. MÊME APRÈS AVOIR COMPRIS LA VÉRITÉ, JE VOIS LE MONDE ENCORE. 
POURQUOI ? 
Ce n’est pas vous qui voyez encore le monde. C’est l’illusion du « je » apparent qui voit l’illusion du monde. Qu’est ce que cela vous importe ?

6 octobre 1952

592. COMMENT APPLIQUER LES ILLUSTRATIONS HABITUELLES DE LA MANIFESTATION À L’ABSOLU ? 
Les illustrations habituelles sont le serpent dans la corde, l’eau dans le mirage, etc. Ici, le serpent ou l’eau représentent la totalité du monde, grossier et subtil, incluant l’individu qui perçoit, ou bien autrement dit, le monde des objets, des sentiments, des pensées et des sensations. Même l’erreur de voir le serpent ou le mirage fait partie du monde perçu.  Cela comprend tout le domaine du corps et du mental.  Cela ne pouvait être vu qu’à partir d’une certaine position au-delà d’eux – c’est-à-dire de la Vérité ou du principe « Je ». Mais alors il n’y a plus de monde à voir.
Vous pourriez toujours dire que vous voyez encore le monde. Pourriez-vous me dire qui le voit ? Est-ce que Vous le voyez ? Alors pourquoi vous inquiétez ? Voir, le voyeur et le vu, tous font partie de l’irréalité. N’oubliez pas cela. Laissez les objets de l’irréalité jouer entre eux. Qu’est-ce qui vous importe – la Réalité ?
Dans une recherche de la Vérité, seules les activités des organes des sens et du mental sont généralement pris en considération. Mais les activités des organes d’action par eux-mêmes sont presque mécaniques ou inconscientes. Là, la conscience n’intervient pas nécessairement. Mais, pour les activités des sens et de l’esprit, la présence de la conscience est essentielle.

7 octobre 1952

593. LE BONHEUR, LA SOUFFRANCE ET LE PRINCIPE « JE ».
La souffrance    dépend de la diversité ou des objets pour son existence même, et très souvent elle éclate en violence. 
Le bonheur        ne dépend que de la seule Réalité, le principe « Je ».
Lorsque le jiva est dans un état de Bonheur (pas de plaisir), il touche l’arrière-plan au dépourvu. Et quand il est malheureux, il est dans une dualité incontestable.
Lorsque vous dites « je suis malheureux », cela signifie que je suis la souffrance, ou que la souffrance est venue sur moi ou a fusionné en moi, ou que je suis la svarupa de la souffrance. Mais la souffrance ne peut pas être mon svarupa.
Lorsque vous dites « je suis heureux », cela signifie que je suis le Bonheur ou que je suis la svarupa du Bonheur. Mais dans ce cas, l’inverse est également vrai, c’est-à-dire que le Bonheur est ma svarupa. Puisque je suis la svarupa de la souffrance, elle peut très bien se fondre en moi. Mais je ne peux jamais me fondre dans la souffrance. Ainsi je suis la svarupa de tout. Le pot est capable de se fondre dans la terre car même lorsqu’il apparaît en tant que pot, c’est de la terre et de la terre seulement.

594. LE VRAI « JE », À TRAVERS LES DIFFÉRENTS ÉTATS
ET LES DIFFERENTES ACTIVITÉS.
Il a été prouvé que le principe « Je » est constamment présent dans les trois états et qu’aucun des états changeants ne peut être superposé sur le principe « Je ». De même, le principe « je » est présent dans toutes les activités de l’état de veille et aucune de ces activités ne peut donc être superposée à ce « Je ». Aucun de ces éléments n’entre dans la composition de ce principe « Je ».
Par conséquent, vous, en tant que « Je », êtes la seule Réalité intacte. 

595. UNE ENQUÊTE SUR LA VÉRITÉ DU MONDE, GROSSIER AUSSI BIEN QUE SUBTIL.
Le monde a été examiné depuis des temps immémoriaux par des scientifiques et des philosophes. Les deux s’appuient sur le mental générique, avec ses aspects variés, comme seul instrument à cet effet. Les scientifiques ont essayé de résoudre la diversité objective en réduisant tout en atomes ou électrons, mais ne peuvent pas trouver le chemin au-delà. Les philosophes, ignorant le grossier, ont repris le monde subtil des pensées et des sentiments (la diversité apparemment subjective) pour l’analyse, et ne peuvent aller au-delà du néant. Ainsi, les deux sont empêtrés dans le même cercle vicieux. Dans chaque perception, pensée ou sentiment, deux aspects entrent en action. La partie vue et la partie matière. La partie vue est le résultat de notre propre expérience individuelle et des samskaras et diffère donc selon les individus. Cette partie, la plus importante des deux, est lamentablement ignorée par les scientifiques et les philosophes. Ils n’analysent que la partie matérielle de leurs soi-disant expériences, prenant position dans le mental changeant seul. Leur erreur fondamentale est leur incapacité à prendre note d’un principe immuable, le « Je » se tenant derrière, illuminant toutes leurs soi-disant expériences. Sans cette position dans le « Je » immuable, les changements ne peuvent jamais être correctement examinés, que ce soit dans le domaine grossier ou subtil. Cette position irréfutable n’est montrée que par l’approche védantique ou advaitique.  Pour que la diversité soit, l’unité doit être derrière, pour la justifier. Vous fusionnez la diversité en unité chaque fois qu’une perception, une pensée ou un sentiment fusionne dans la Conscience, le « Je ».

8 octobre 1952
596. LE PROCESSUS DE RÉALISATION.
1. Vous vous identifiez aux objets (corps, sens et mental).
2. Ensuite, vous vous éliminez de l’objet. 
3. Enfin, l’objet fusionne en vous. 

9 octobre 1952

597. LE VRAI SOMMEIL.

yadi deham prthak-krtya citi vizramya tisthasi…                
Ashtavakra-samhita, 1.4
Dormez dans la Conscience ». C’est la voie royale vers l’état naturel.

La pensée, « je suis conscience », se compose de deux parties : le « Je » et « Conscience ». De ces deux, la Conscience peut apparemment être objectivée lorsqu’elle est attachée à des objets. Mais le « Je » ne peut jamais être objectivé. Dans cette pensée, la Conscience, étant liée au « Je », ne peut pas non plus être objectivée. Par conséquent, cette pensée particulière ne peut jamais vous attirer vers l’extérieur, mais ne se laissera qu’attirer vers l’intérieur, fusionnant finalement dans le « Je » ou la « Conscience ».

598. LE SAGE ET L’AMOUR.
Le Sage est impersonnel et, en tant que tel, ne peut jamais agir, penser ou ressentir en tant que personne. Comme il transcende vraiment les limites de l’Amour, on ne peut pas le limiter à un individu, une société ou un pays. Son Amour ne peut jamais être mutilé de cette manière. 

599. COMMENT DORMIR CONSCIEMMENT ? 
Sachez que vous allez dormir. Que cette pensée soit aussi vague que possible. Videz ensuite votre esprit de toutes les pensées intrusives, en prenant soin de ne pas le stresser le moins du monde.  Ayant compris du Guru que votre vraie nature brille seule, dans le sommeil profond, si vous vous détendez dans le sommeil profond comme déjà suggéré, le sommeil profond ne sera plus un état, mais votre vraie nature, même au-delà de « nirvikalpa samadhi ».

11 octobre 1952

600. TRANSMIGRATION DES ÂMES. (de Socrate)
Un paragraphe dans lequel la transmigration des âmes est discutée par Socrate a été porté à la connaissance de Gurunathan.
Il a fait remarquer : « Vous tenez donc pour acquis que vous avez une âme et que vous en êtes le possesseur. Le possesseur est décidément différent et supérieur à la chose possédée. Si oui, comment la transmigration de votre âme vous affecte-t-elle plus que la transformation de vos cheveux ?
Mais je remets en question votre hypothèse fondamentale elle-même selon laquelle vous avez une âme. Vos connaissances et votre expérience sont les preuves que vous avancez pour le prouver. Mais je vous ai déjà prouvé que personne ne peut connaître ou expérimenter autre chose que son propre Soi, le principe « Je ». L’existence de l’âme elle-même ne peut donc pas être prouvée.
Par conséquent, la question de la transmigration des âmes ne se pose pas du tout.
La seule expérience est « je », et « je » est le seul mot qui dénote l’expérience. 
Anubhava-matram atma ».)

601. LE CHEMIN DE LA PENSÉE « JE ».
L’homme ordinaire a en lui le samskara profondément enraciné qu’il est le corps et qu’il est très, très insignifiant par rapport au vaste univers. Par conséquent, la seule erreur possible dans laquelle vous risquez d’être conduit, tout en prenant la pensée « Je », est le samskara habituel de la petitesse attachée au « Je ».
Cette erreur est transcendée par la contemplation de l’aphorisme :

Aham brahmasmi .

Brahman est la plus grande conception imaginable du mental humain. La conception de la grandeur supprime sans doute l’idée de petitesse. Mais l’idée de grandeur, qui est aussi une limitation, demeure. En fin de compte, cette idée de la grandeur doit également être supprimée en envisageant un autre aphorisme :

Prajnyanam asmi. (Je suis conscience )

La conscience ne peut jamais être considérée comme grande ou petite. Vous êtes donc automatiquement élevé au-delà de tous les contraires.

602. L’ATTACHEMENT ET LA LIBÉRATION.
L’esclavage est le mauvais sillon de la pensée. La libération n’est effectuée que par le bon sillon de pensée, dirigé par le Karana-guru.

603. LES OBJETS, LA PERCEPTION ET LA RÉALITÉ.
La réalité de chaque objet perçu par vous n’est que votre propre réalité ; et cet objet n’a pas d’existence indépendante autre que vous-même.
Aucune perception ne cesse tant que l’objet n’a pas été réduit à la connaissance ou enregistré dans la connaissance. Ensuite, l’objet n’existe plus en tant que tel.
Mais l’ego veut continuer l’illusion ; et ainsi dit « je connais cela » – même lorsque le « cela » (c’est-à-dire l’objet) n’est nulle part dans la connaissance à laquelle chaque perception est réduite.

13 octobre 1952

604. SOYEZ NON-QUALIFIÉ ET VOUS ÊTES LIBRE
Ce que nous appelons un objet est l’arrière-plan réel, qui est inconnu, et un tas de qualités superposées à cet arrière-plan, ces qualités seules étant connues. Les qualités elles-mêmes vont et viennent, et n’entrent pas dans la fabrication de l’objet. Donc, l’objet n’est en fait que ce fond inconnu et non qualifié.
Ainsi, chaque objet n’est que cet arrière-plan inconnu. Il ne peut pas non plus y avoir deux inconnues. Parce que, pour faire la distinction entre les « deux », nous devons les connaître. Il n’y a donc qu’une seule inconnue, et c’est vous-même, et c’est aussi l’arrière-plan de vous-même. C’est la seule Réalité, l’Atma, le toujours libre.  Sachez-le et soyez libre. 

605. LA RÉALITÉ.
Ce qui n’est ni concevable, ni connaissable et dont vous êtes profondément convaincu, est la Réalité. C’est ce que vous êtes..

606. LE MONDE ET CE QU’IL MONTRE (ME PROUVE).
Le monde n’est rien d’autre que des perceptions, des pensées et des sentiments. Examinons maintenant ce que c’est. De nombreux « présents » (expériences du présent) transformés en un « présent » constituent un concept ou une pensée. De même, de nombreux points spatiaux en un seul constituent un percept. En admettant que vous ne pouvez pas avoir plus d’une expérience simultanée, de nombreux « présents » ou de nombreux points spatiaux deviennent impossibles.
Il n’y a donc pas de perceptions, de pensées ou de perceptions. Comme cela est généralement accepté, une pensée est composée de plusieurs points dans le temps ou « présents » à un moment donné.  Mais il ne peut jamais y avoir plus d’un présent à un moment donné. Par conséquent, la pensée est un terme impropre. Et le monde aussi. Mais vous voyez toujours le monde. Oui, admettons pour le moment que voir existe. Oui je vois. Mais alors qu’est-ce que cela prouve ? Cela prouve seulement « Moi » et rien d’autre.
Vous dites : « Le monde apparaît ». Lorsque vous dites qu’il « apparaît », vous voulez dire qu’il est éclairé par la Conscience, de votre côté. Dans la déclaration, le « monde » est objectif et « apparaît » est subjectif. Pour qui apparaît-il est la prochaine question pertinente. Bien sûr à vous. Vous l’allumez par votre Conscience. Donc, chaque objet pointe vers la Conscience et ne prouve rien d’autre.

607. LA CONVICTION PROFONDE.
La conviction profonde est la connaissance directe. La conviction est le dernier mot de l’homme du monde ou de l’esprit concernant toute recherche. Si vous êtes convaincu que vous avez atteint l’objet de votre recherche, c’est un signal pour arrêter toute autre enquête le concernant.
Gurunathan n’utilise le même mot qu’à défaut d’un meilleur, pour désigner également la compréhension spirituelle. Mais il améliore ce mot en le qualifiant de conviction profonde. Votre compréhension spirituelle devient profonde lorsque vous vous établissez en elle, en la ressentant encore et encore. Et puis cela devient une expérience pure.

608. LA MESURE OU L’INSTRUMENT ET LE MESURé.
Chaque mesure ou instrument n’est qu’une miniature de la mesure. Vous mesurez la longueur avec une unité de longueur artificielle. Vous faites de même avec le poids, le volume, etc. Ainsi, chaque instrument utilisé pour mesurer la variété n’est qu’une variété en miniature ; et tout ce qui est mesuré avec cet instrument ne sera exprimé qu’en termes de variété qui est la nature même de cet instrument. Par conséquent, si vous utilisez un tel instrument pour mesurer l’unité, il n’est pas étonnant que l’unité soit également exprimée en tant que variété. C’est ce qui se produit lorsque l’esprit est utilisé pour examiner le principe « Je » – qui est l’unité elle-même.  Ainsi, la tentative échoue lamentablement.

609. LA VARIÉTÉ.
« Quand », « où » et « pourquoi » sont les expressions du temps, de l’espace et de la causalité dans le domaine de l’esprit, ou bien chacune d’elles constitue l’esprit lui-même. Ces trois questions ont créé la variété et ont des interactions régulières avec cette variété, comme si elles n’avaient rien à voir avec cela. Elles procèdent également à la mesure de cette variété.
L’histoire du pseudo-sannyasin l’explique magnifiquement.
Une fois il y avait dans un village un étrange sannyasin qui ne savait rien de la Vérité ou de sannyasa, mais qui n’avait que les attributs extérieurs rugueux d’un sannyasin – les robes de couleur ocre, la touffe de cheveux et la barbe. Cependant, il était assez habile pour tromper les simples villageois et de disposer de leur amour et leur vénération. Un jour, un vrai sannyasin a traversé ce village. Les simples villageois voulaient provoquer une rencontre entre les deux sannyasins. Mais le sannyasin du village était très réticent, de peur qu’il ne soit découvert. Il trouva enfin une issue. Il dit aux organisateurs de la réunion qu’il poserait d’abord trois questions au visiteur. Si le visiteur cédait aux trois questions et n’avait rien à dire sur aucune d’entre elles, alors il fallait considérer que le nouveau sannyasin était vaincu et renvoyé immédiatement. Les villageois ont accepté. Le nouveau sannyasin, ne soupçonnant aucun piège lors de la réunion, a également accepté de venir. Ils se rencontrèrent et le pseudo sannyasin du village posa ses trois questions, l’une après l’autre, en toute hâte.
1. N’avez-vous pas eu de père ?                                «Oui».
2. N’êtes-vous pas un sannyasin ?                         «Oui».
3. N’êtes-vous pas en route pour quelque part ? «Oui».
Hélas ! les trois questions ont toutes reçu une réponse affirmative. Les villageois innocents croyaient que le nouveau sannyasin était vraiment vaincu et, selon l’accord avec leur propre sannyasin, ils ont chassé le visiteur sans un mot. C’est exactement ainsi que le pseudo-sannyasin de l’ego a inventé les trois questions cruciales du « quand », du « où » et du « pourquoi » ; et les jette à chaque expression de la Réalité. La Réalité éclaire même ces questions et ne s’abaisse jamais à discuter. Les acolytes de l’ego interprètent ce silence en faveur de leur propre maître et ignorent totalement la Réalité.

610. N’EST-CE PAS UNE PENSÉE ELLE-MêME QUI AFFIRME ET ÉTABLIT QU’UNE PENSÉE EST NON-EXISTANTE ? 
Non. La pensée est ce qui ne concerne que le monde extérieur. Cette faculté que prend cette même pensée en tant qu’objet de discussion ne peut jamais être appelée une pensée dans le même sens, bien que les deux puissent apparaître superficiellement semblables.
La première, pensée dirigée vers l’extérieur, crée ; et la seconde, appelée vidya-vritti, détruit tout ce que la première a créé. C’est sa seule fonction. Lorsqu’il ne reste plus rien à détruire, elle disparaît et se présente comme la Réalité elle-même. 

611. RESSENTIR UN RÊVE UN RÊVE.
Si pendant l’expérience d’un rêve vous sentez que ce n’est qu’un rêve, peu de secondes vont s’écouler avant que vous ne vous réveilliez du rêve. De même, si vous sentez que cet état de veille n’est qu’un rêve, vous êtes sûr de vous réveiller bientôt à la Réalité.

14 octobre 1952

612. LE TINTEMENT DE L’EMPHASE.
L’accentuation, de la partie objective à la partie subjective de vos activités, est seule nécessaire pour vous établir dans la Réalité.

613. DES EXPRESSIONS COMME LA COLÈRE ET LE SAGE.
La colère ne peut exister que là où il y a de l’amour derrière, soutenant même cette colère, ou en d’autres termes la colère n’est qu’un amour déformé. 
Regardez à travers l’expression et voyez l’arrière-plan, ou regardez à travers la colère et voyez l’amour derrière elle. L’amour, tel qu’il est, est imperceptible. Mais la colère a des symptômes plus visibles. Par conséquent, si jamais un Sage apparaît en colère, prenez la comme une bénédiction déguisée et essayez de voir l’amour derrière, à travers la colère visible.

614. LA HAINE ET COMMENT LA DÉTRUIRE.
Il est habituel dans la vie mondaine que vous aimez quelqu’un quand il vous aime et que vous le détestez quand il vous déteste.
En y regardant de plus près, vous voyez que votre réponse a été dictée uniquement par les sentiments de l’autre.  Par conséquent, vous devez également diriger vos sentiments non pas vers lui, mais uniquement vers ses sentiments.  Vous devez donc haïr la haine en lui ; ou détestez la haine, où qu’elle soit.
Par conséquent, naturellement, vous devez d’abord détester la haine en vous. Lorsque cela sera fait, vous cesserez de haïr qui que ce soit. Vous pouvez gérer efficacement tous les sentiments de cette manière.

615. LA PENSÉE UN TERME IMPROPRE.
La pensée s’élève dans la pure Conscience au-delà du temps ; la pensée ne peut donc être autre chose que la Conscience. Par conséquent, la conception habituelle de la pensée est fausse, ou la « pensée » est un terme impropre.

616. QUI VOIT ? 
Pas vous, mais celui qui voit ou le perçoit. Le percepteur seul perçoit. Chaque percepteur qui perçoit est différent de tous les autres percepteurs, en tant que percepteur.
Mais vous dites que vous avez vu la même forme qu’hier. Le percepteur d’hier et le percepteur d’aujourd’hui ne voyaient que la forme particulière devant chacun d’eux. Ils ignoraient tous les deux ce que l’autre percevait. Mais il y avait un autre principe qui percevait la similitude des deux formes. Ce n’était ni l’un ni l’autre des anciens percepteurs de la forme. Et ce principe qui percevait la similitude ne percevait pas la forme. 
Question : Comment transcender le mauvais chemin de pensée ? 
Réponse : lorsque le « Comment » disparaît. 
Question : Pourquoi ne puis-je pas expérimenter la Vérité quand je suis loin de Gurunathan aussi profondément que lorsque je suis en sa présence ? 
Réponse : Parce que vous donnez de la place à ce sentiment injustifié d’absence. Vous confondez le Guru avec le corps et le pensez loin ou proche. Mais il n’est jamais le corps mais l’Atma lui-même, et en tant que tel ne connaît ni proximité ni éloignement. Soyez convaincu de cette Vérité et votre sentiment d’absence disparaîtra et votre expérience deviendra stable.

617. UN OBJET POINTE LA CONSCIENCE
Vous dites généralement « La forme apparaît ». Cette déclaration comporte deux parties : « forme » et « apparaît ». La « forme » est objective et « apparaît » est quelque chose de subjectif. À qui apparaît-elle ? Certainement pour vous. Vous l’allumez donc par votre Conscience. Donc, chaque objet pointe vers la Conscience.

618. COMMENT INTENSIFIER LA PENSÉE DE L’ULTIME ? 
Pas comme un yogin, en appliquant intensément votre esprit à cette pensée.
Mais comme un Jnyanin, en relaxant toute activité de l’esprit et en fusionnant cette dernière pensée dans la Vérité elle-même. Vous avez visualisé la Vérité dans un état particulier transcendant les trois états habituels.  Penser à cette Vérité signifie répéter cette visualisation encore une fois, en revenant à ce même état transcendantal. En entrant dans cet état encore et encore, vous devenez progressivement convaincu de la Vérité que cet état transcendantal s’étend réellement à travers tous les états habituels. Ainsi, vous vous établissez dans la réalité. 

15 octobre 1952

619. LES INDICATEURS VERS LA VÉRITÉ.
Tout est un indicateur du principe « Je » ou de la Vérité. Mais la Conscience et le Bonheur sont les indicateurs ultimes de la même chose.

620. LA CONNAISSANCE ET SON ORGANE.
Si nous considérons la connaissance comme une fonction, tout comme n’importe quel sens, elle devrait également avoir un organe correspondant et c’est le principe « je ». « Je vois une forme ». Ici, « forme » n’est qu’un autre mot pour « voir ». De même, quand je dis : « Je connais la Conscience », la Conscience n’est utilisée que comme un autre mot pour savoir.

621. LA CONSCIENCE RECOMMANDÉE COMME LE MEILLEUR DES TROIS SUPPORTS POUR VISUALISER L’ULTIME. POURQUOI ? 
La Conscience seule vous dit que l’Existence et le Bonheur sont tous deux impliqués dans la Conscience et donc la Vérité, visualisée à travers la Conscience, comprend également les aspects de l’Existence et du Bonheur.
Mais on pourrait dire que l’Existence et le Bonheur pourraient également dire la même chose des deux autres. Dans ce cas, l’Existence et le Bonheur empruntent les services de la Conscience même pour le dire. Ils ne sont eux-mêmes établis qu’à l’aide de la Conscience.  Sinon, l’Existence et le Bonheur n’auraient jamais été notés.

622. LES LARMES DE DOUCE ÉMOTION DIVINE SONT LA PANACÉE POUR TOUS LES MAUX YOGIQUES

623. TOUTES LES MENTATIONS NOUS MÈNENT À LA VÉRITÉ.
Vous pouvez atteindre l’arrière-plan, l’Ultime, à travers n’importe quel sentiment à condition que vous soyez sincère et cohérent jusqu’au dernier.
Prenez, par exemple, la haine. Ici, vous devez continuer à haïr le créateur ainsi que le créé, y compris tous les objets de vos perceptions, pensées et sentiments – en particulier votre propre corps et mental et tout ce que vous appelez vôtre. En fin de compte, lorsque tout autre que vous-même est ainsi séparé de vous, vous restez seul dans votre propre gloire en tant que pure Conscience et Bonheur.
En regardant en arrière de cette position, vous constatez que tout ce que vous détestiez autrefois n’était rien d’autre que la Conscience et donc vous absorbez tout cela en vous en tant que Conscience. Ainsi, la haine est finalement transformée en amour.

624. VOUS NE CONNAISSEZ AUCUN OBJET DES SENS.
Lorsque vous dites que vous connaissez un objet des sens, le mot « connaître » est grossièrement mal placé. La forme ne peut être perçue que par la vision seule. Pour voir une forme, la vision est essentielle, et pour connaître une forme, la vision et la Conscience sont toutes deux essentielles. Mais voir n’est pas dans la Conscience. D’un autre côté, la Conscience est dans le voir. Par conséquent, il est faux de dire que vous connaissez la forme.

16 octobre 1952

625. « JE SUIS EN TRAIN DE MARCHER ». QU’EST-CE QUE CELA SIGNIFIE ?
1. La déclaration implique que je ne marchais pas avant de commencer à marcher. Marcher en lui-même, n’a été que quelque chose qui s’est temporairement intégré sur moi pendant une courte période. Par conséquent, c’était distinct et séparé de moi, et donc irréel. 
2. D’un autre point de vue, on peut dire que je suis la « marche » elle-même. Je prends position en tant que « marcher » pendant le moment concerné et il n’y a rien d’autre que marcher pendant ce moment-là. 

drastra-darzana-drzyesu pratyekam bodha-matrata
saras tena, tad anyatvam nasti kiñ cit kha-puspavat                          
Sri Shankara
Chacune des triades [le voyeur, le voir et la vue, ou le faiseur, le faire et le fait, ou l’acteur, l’action et l’acte] n’est rien d’autre que la Conscience. Telle est la Vérité à ce sujet. Tout autre chose que cela ressemble à une fleur dans le ciel – Une pure illusion ou de l’imagination. 

626. LE PERSONNEL ET L’IMPERSONNEL.
Vous êtes le personnel, lorsque vous êtes conscient de quoi que ce soit.
Vous êtes l’impersonnel, lorsque vous êtes la Conscience elle-même. 

627. TOUS LES CORPS SONT À MOI, OU AUCUN CORPS N’EST À MOI. 
Lorsque je m’identifie à un corps que j’appelle le mien, tous les autres corps me deviennent étrangers comme des objets, les deux ensemble – mon corps et tous les autres corps – constituant le monde. Mais quand ce que j’appelle « mon corps » est vu comme mon objet, distinct et séparé de moi, naturellement je n’ai plus d’autre choix que d’étendre la même perspective au monde entier et de grouper mon corps aussi avec le monde des objets. Alors tous les corps deviennent miens, ou aucun corps n’est mien du tout.  Dans les deux cas, je représente l’arrière-plan réel du monde entier. 

628. LA BEATITUDE SEMBLE APPARAÎTRE ET DISPARAÎTRE.  POURQUOI ? 
Ce n’est pas la béatitude qui va et vient, mais c’est vous, l’ego, qui allez souvent dans la béatitude qui est votre nature même et qui ressort dans l’esprit. Votre ego seul en est responsable.

17 octobre 1952

629. LA LECTURE DES SHASTRAS EST-ELLE INDISPENSABLE
POUR REALISER LA VERITE ? 
À cette question, Gurunathan a posé une contre-question. Les shastras provenaient-ils de jnyana ou jnyana de shastras?  Bien sûr, les shastras venaient de Jnyana. Alors certainement, jnyana peut bien être atteint sans l’aide des shastras, si l’on est guidé par un Karana-guru. (Mais avant d’obtenir un Karana-guru, les shastras peuvent parfois être utiles à un aspirant et parfois aussi être nocifs. Parce que tous les shastras peuvent ou non pointer vers le spirituel, et l’aspirant peut ne pas avoir la bonne discrimination pour choisir ou interpréter.)

630. L’ÉTAT NIRVIKALPA.
Certains yogins soutiennent que vous ne pouvez expérimenter l’Absolu qu’en entrant dans l’état nirvikalpa. S’il en est ainsi, ce n’est pas l’état le plus élevé ; car il limite l’Absolu à un état, si large soit-il.
Par conséquent, afin d’atteindre l’état naturel, qui est le plus élevé, vous devez également transcender cette dernière souillure, à savoir le malentendu selon lequel vous ne pouvez expérimenter l’Absolu que par le biais du nirvikalpa samadhi

631. LE NOM ET LA FORME.
Le nom et la forme en tant que tels ne sont pas la Réalité.
Le nom est inexistant sans votre présence. 
La forme est également inexistante sans votre présence. 
C’est donc votre seule présence qui rend le nom et la forme réels.
Donc, le nom et la forme sont vous-même, la Réalité. 

18 octobre 1952

632. LA SINCÉRITÉ ET LE SÉRIEUX.
1. Supposons que vous soyez condamné à une peine de prison si vous ne payez pas une énorme dette avant 11 heures demain. Vous vous appliqueriez et efforceriez pour tenter de réunir cette somme dans le temps imparti ! De même, vous devriez également sentir que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue tant que vous n’avez pas visualisé la Vérité ultime. 
2. L’insatisfaction totale à l’égard de votre état de vie actuel et le désir de quelque chose de mieux témoignent également de sincérité et de sérieux. 

633. VICHARA-MARGA OU LA MÉTHODE DE PERCEPTION DIRECTE.
Il s’agit de l’exposition et de l’établissement rationalisés de la Vérité, exprimés par le biais de la raison supérieure seule. La « vicara » spirituelle crée également des samskaras sattviques qui sont doublement forts. Ils détruisent les samskaras du monde et deviennent en même temps de plus en plus forts. Lorsque les samskaras du monde sont ainsi effacés, les samskaras spirituels disparaissent également et se transforment en Conscience d’arrière-plan.
En examinant de plus près le sommeil profond, il s’avère que ce n’est pas du tout un état. Les états de rêve et de veille ne sont que des apparitions sur un sommeil profond permanent.
C’est en, et à travers Moi que toutes les activités ont lieu. Mais tout le mal est créé par la tentative d’objectiver ce Soi non-acteur et ses expériences, exactement comme nous le faisons avec les activités de l’ego. 

634. LES SAMADHIS.
Les samadhis cosmologiques de jnyana sadhaka sont généralement de six types:>
1. bahir-drishyanuviddha [avec vue à l’extérieur]
2. antar-drishyanuviddha [avec vue à l’intérieur]
3. bahir-shabdanuviddha [avec son à l’extérieur]
4. antar-shabdanuviddha [avec son à l’intérieur]
5. bahir-nirvikalpa [sans diversité à l’extérieur  ]
6. antar-nirvikalpa [sans diversité à l’intérieur]
(Voir note 171 pour explication.)

26 octobre 1952

635. QUELLE EST LA RÉALITÉ ? 
Tout ce que vous ressentez qui « est » et qui « n’est pas », dans le domaine de l’esprit et des organes des sens, est la Réalité.
L’Existence, la Conscience et le Bonheur, limités par le mental, deviennent vie, pensée et sentiment. On peut donc même dire qu’il n’y a qu’une seule chose et un seul nom – chose et nom n’étant que des synonymes. Vous supposez que ce monde existe là-bas. Mais le « là-bas » existe dans la Conscience, c’est-à-dire votre Vraie nature.
Ainsi le monde apparaît et disparaît dans la Conscience, en Vous. Vous avez seulement besoin de vivre comme un homme dans ce monde, et non comme un homme de ce monde. 

636. RESSENTIR SANS RESSENTIR.
Vous dites que tout était Paix ou Bonheur dans le sommeil profond.  Mais ni le cœur ni l’esprit n’étaient là pour en profiter.  Cette expérience est un exemple typique de « ressentir sans ressentir ».  Le bonheur ou la paix seul est le sujet, et tous les sentiments ou émotions sont les objets.

637. LA PURIFICATION DE L’ESPRIT.
La purification de l’esprit n’est recherchée que pour aider à atteindre la Vérité. La meilleure façon de purifier l’esprit est de penser à la Vérité que vous êtes et qui est la pureté elle-même. Lorsque vous savez que vous êtes le plus pur des purs, toute pensée de purifier l’esprit disparaît. Votre sérieux et votre sincérité pour atteindre la Vérité ultime est le meilleur moyen de purifier votre esprit avant de réaliser la Vérité. 

638. COMMENT CONNAÎTRE LE GURU ? 
Réponse : Vous n’avez pas besoin et ne pouvez pas connaître le guru. Si vous connaissez le guru ou si vous ne le connaissez pas, dans les deux cas, vous ne pouvez pas devenir un disciple.  Donc, vous feriez mieux de l’accepter quand vous vous sentez que vous devez. 

639. LE GURU ACCEPTE-T-IL N’IMPORTE QUI ? 
Réponse : Ce n’est pas le guru personnellement qui accepte qui que ce soit. Le guru accepte tous ceux qui sont sincères et honnêtes à propos de la connaissance de la Vérité. Par conséquent, si l’aspirant a accepté la Vérité ultime comme étant son but, certainement que son acceptation par le guru sera une fatalité. C’est le corollaire spontané de la décision de l’aspirant. Si l’aspirant n’est intéressé que par le sérieux spirituel, le nectar de l’advaita viendra du Guru sans y être invité.

640. LE VERITABLE ATTACHEMENT
Les objets sensoriels vous attachent au monde. Mais lorsque vous entrez en contact avec un Sage, vous êtes lié à l’Ultime. Vous pouvez sans aucun doute être libéré du premier attachement. Mais il n’y a pas d’échappatoire au dernier. 

641. QUI VIT ET QUI MEURT ? 
Il est dit qu’un homme ignorant ne meurt jamais, car il est immédiatement né de nouveau ; et le Sage seul est mort, puisqu’il ne renait jamais.
Mais d’un autre point de vue, le contraire est également vrai, l’homme ignorant meurt toujours et le Sage seul vit vraiment.
Voir le corps du guru, c’est comme essayer d’attraper la silhouette sur un écran. 

27 octobre 1952

642. L’ÉTAT DE RÊVE.
S’il s’avère que le percept est inexistant en tant que percept, le percepteur et la perception meurent tous les deux en même temps. Cela est vrai aussi bien pour l’état de rêve que pour l’état de veille. Supprimez l’un des triades et les deux autres disparaissent également immédiatement. Du percepteur apparent, enlevez tout ce qui est perceptible ou visible et ce qui reste est la pure Conscience.

643. LA MÉMOIRE.
La mémoire est le dernier maillon de la vie d’un individu, le liant au monde. Ce qui n’a jamais été perçu auparavant est censé avoir été perçu par vous dans un rêve, par une simple déclaration de la mémoire. Mais la mémoire elle-même n’était pas présente dans le rêve. La mémoire n’est donc pas la preuve d’une perception antérieure. Si vous avez vu, vous ne pouvez pas vous souvenir, parce que celui qui se souvient est différent de celui qui voit. Lorsque la mémoire – qui n’est qu’une apparence – est supprimée, seule la Réalité demeure.

30 octobre 1952

644. L’ERREUR DE L’ ÉTAT SUBCONSCIENT ET SUPER-CONSCIENT.
L’état subconscient : Lorsque le mental involontairement et sans aucun effort entre dans un état  où l’esprit meurt, on l’appelle un état subconscient
– par exemple sommeil profond. 
L’état super-conscient :  lorsque, à la suite d’un effort actif de l’esprit, les objets grossiers et subtils disparaissent et que vous êtes plongé dans un état où l’esprit s’immobilise, on l’appelle l’état super-conscient ou samadhi
Mais lorsque vous dirigez votre attention vers l’aspect Conscience de toute activité, dans n’importe quel état, vous transcendez le mental et atteignez l’Ultime …
Des traces de « sub » ou de « super » conscience résident dans les samskaras qui sont la cause de quelques autres résultats, comme l’ignorance est censée être la cause du monde. Même lorsque la Conscience semble limitée à n’importe quel objet, sachez avec certitude qu’elle n’est pas limitée.  Cette connaissance vous emmène à l’état naturel. La conscience ne peut jamais être « sub » ou « super ». Elle est toujours absolue.

645. QUE SONT L’ESCLAVAGE ET LA LIBÉRATION ? 
Lorsque la personnalité entre dans l’impersonnel, c’est l’esclavage. 
Quand la personnalité fusionne dans l’impersonnel, c’est la libération. 
Mais quand il est établi – en ce qui vous concerne – qu’il ne peut rien y avoir d’autre que l’impersonnel, il importe peu que vous vous teniez comme personnel ou comme impersonnel. 

646. QUELS SONT LES AVANTAGES RELATIFS DES DEUX APPROCHES,
C’EST A DIRE LE TÉMOIN ET LA PURE CONSCIENCE ? 
Le témoin est uniquement destiné à vous aider à transcender ou à éliminer toute apparence objective en tant qu’objet, perception ou pensée, si cela vient de l’extérieur.
Mais parfois, l’aspect Conscience est mieux considéré pour contempler l’Absolu, car aucune activité du corps, des sens ou de l’espritn’est possible sans l’aide de la Conscience. Ainsi, l’aspect Conscience entre sans aucun effort de votre part. 
La Conscience est le Bonheur. Nous devrions toujours considérer cela comme le Bonheur conscient ou la Conscience heureuse.

647. LE SENS DE LA POSSESSION A-T-IL UN AVANTAGE ? 
Oui.  Le Dieu personnel est d’abord conçu comme grand à cause de ses qualités de grandeur. Ainsi, le possesseur est vraiment grand. Mais l’Atma, l’arrière-plan ultime de toutes les qualités, est le possesseur ultime. Lorsque vous commencez à contempler les qualités de la grandeur, vous commencez d’abord à posséder certaines de ces qualités vous-même, puis à les transcender progressivement.
Enfin, lorsque vous commencez à concevoir l’ishta-deva comme l’arrière-plan de toutes les qualités, vous vous élevez aussi sur le même arrière-plan et vous vous tenez comme étant un avec la Réalité. 

648. QUELLE EST LA QUATRIÈME DIMENSION ?  « TEMPS ».
La longueur, la largeur et l’épaisseur sont les trois normes habituelles adoptées pour mesurer l’espace. Si cet espace est censé se déplacer dans une direction autre que la longueur, la largeur et l’épaisseur, il s’appelle la « quatrième dimension ».  Pour le vedantin, c’est le « temps ». 

31 octobre 1952

649. VOS VRAIES FACULTÉS ET LEURS FONCTIONS.
Votre vraie nature a deux aspects distincts, à savoir la Conscience et la Paix ; et ils semblent fonctionner comme s’ils étaient deux facultés distinctes de connaissance et d’amour. Ils absorbent tout en vous. Lorsqu’un objet entre en contact direct avec la connaissance ou l’amour, l’objet se transforme spontanément en connaissance ou en amour et perd son identité d’objet. Ainsi, la connaissance et l’amour détruisent vraiment tout ce qui est extérieur. Ils font que le nom de « destructeur », donné à Lord Shiva, est significatif et plein de sens.

650. L’ORIGINE ET LA SOLUTION DES QUESTIONS.
L’homme ordinaire pense que les objets du monde – grossiers aussi bien que subtils, y compris le corps, les sens et le mental – sont le résultat légitime de la Vérité ultime.  C’est cette conviction erronée qui suscite toutes sortes de questions reliant les objets à l’Ultime. Chaque fois qu’une question est posée touchant l’impersonnel, ce que nous devons faire immédiatement est de nous référer à notre propre expérience dans l’état de sommeil profond, laquelle est purement impersonnelle. Voyez si votre question se pose dans l’état de sommeil profond.  Sinon, rejetez-la sommairement de votre esprit.  Dans le monde, chacune de ces questions multiplie la diversité. 

651. LES PLANS, LA CRÉATION ET LA VÉRITÉ.
Les plans grossier et subtil sont distincts et séparés, l’un de l’autre. Le grossier ne peut pas être perçu du plan du subtil, ni le subtil du plan du grossier. Nous voyons les deux au-delà des deux.  Les deux sont l’expression de leur véritable arrière-plan.
Il y a beaucoup de confusion sur la création elle-même. Le sujet et les objets d’un état ne sont pas créés individuellement. Ils se révèlent simultanément et disparaissent également simultanément. Regardez le rêveur et le rêve. Lorsque le rêveur disparaît, il ne reste plus rien du rêve.
De même, le mental et le monde sont également des créations simultanées, si nous admettons la création quel qu’en soit le sens.
Il y a des groupes de gens qui essaient de couvrir leur ignorance et de dissimuler leur confusion en disant que la totalité est un jeu de l’Absolu. Le jeu ne peut avoir d’autre but que le plaisir innocent ou, en d’autres termes, le plaisir.  Il faudra donc admettre que l’Absolu est imparfait. Ils font donc de l’Absolu une triste figure.
La vraie solution est à venir, en adoptant la bonne perspective, en examinant le contenu d’une activité comme représentative de l’univers entier.
Un tel examen prouve que le contenu de chaque activité et donc du monde n’est que pure Conscience. Mais cela n’est possible que lorsque l’on a visualisé sa propre nature réelle comme étant cette pure Conscience et Paix (sous les instructions d’un Karana-guru). Lorsque son propre centre est ainsi établi dans le « Je », l’illusion du monde apparaît simplement frivole.
Vous continuez à voir le mirage, sachant que c’est un mirage.
La conscience n’apparaît limitée que parce que nous regardons à travers l’esprit qui est lui-même limité.

652. LA DUPLICITÉ DE L’EGO.
1. L’ego est comme un bâtard né de la connexion illicite entre l’Absolu et l’irréel.
Il n’apparaît nulle part lors d’une activité, d’une perception, d’une pensée ou d’un sentiment. Il n’apparaît qu’après l’événement, disant : « Je l’ai fait ».
2. L’ego est comme le célibataire qui a rêvé qu’il était marié et a élevé des enfants, et qui se réveille à nouveau célibataire. Le célibataire représente la partie Conscience de l’ego et la vie conjugale dans le rêve représente l’illusion ou l’ego proprement dit. 

1er novembre 1952

653. QUEL EST LE BUT DU TEMPS ? 
Le temps s’efforce dans ce monde de ne pas relier les événements, mais de les désintégrer et d’établir la diversité. 

654. QUE SIGNIFIE « JE SAIS QUE JE SUIS » ? 
« Je sais que je suis » est une expérience unique, reconnue par tous. Elle se compose de deux parties : « je sais » et « je suis ». Le « je suis » ne peut jamais être un objet du « je sais ». Par conséquent, les deux signifient la même chose et constituent ensemble une expérience identitaire.
Lorsque la connaissance est sans objet, elle n’est pas non plus le sujet. Ce sont les deux seules déclarations qui ne nécessitent aucune preuve.
La connaissance ininterrompue est la Conscience ;
le bonheur ininterrompu est la Paix.
Le bonheur est la première ébullition ou la sensation de Paix.

655. QUELLE EST LA GARANTIE QUE LA RÉALISATION NE DISPARAITRA PAS ? 
Si c’est quelque chose que vous obtenez en ce moment, vous pouvez très bien le perdre plus tard.  Cependant, votre libération n’est pas une évasion de l’attachement mais une expression de la vraie liberté derrière cet attachement apparent, sachant que l’attachement n’est également qu’une expression de la liberté.
L’attachement est l’ego, et l’essence de l’ego est mon vrai Soi , la Conscience. 

656. COMMENT UNE QUESTION RATE SOUVENT ? 
Si vous posez une question concernant un état particulier, vous jetez immédiatement l’auditeur dans cet état. Si la question ne se pose pas légitimement dans cet état, vous ne pouvez pas vous attendre à une réponse méthodique. Si l’interrogateur n’était pas dans le domaine interrogé, il n’a pas le pouvoir de poser cette question ; et même en cas de réponse, le questionneur ne pourra jamais la comprendre. 

657. QU’EST-CE QUE LA PRAKRIYA DES QUALITÉS ET DU QUALIFIÉ ?
Les qualités et le qualifié sont distincts et séparés. L’expérience est la seule preuve de la réalité d’une chose. Les qualités seules sont expérimentées partout et le qualifié n’est jamais expérimenté par personne.
Par conséquent, le qualifié en tant que tel est inexistant. Les qualités ne peuvent exister par elles-mêmes sans la présence du qualifié. Les qualités ne sont donc que de simples apparences. Les qualités de l’objet seul étant perçues et ces qualités se révélant irréelles, l’objet en tant que tel est également irréel.
L’arrière-plan de la Réalité (Conscience) immuable sur laquelle les changements, à savoir les qualités, apparaissent et disparaissent est seul ce qui est.
C’est seulement l’exprimé dans l’expression qui vous fait convoiter l’expression.

658. POSER DES QUESTIONS SUR LA RÉALISATION OU L’ULTIME.
Dans chaque question ou comparaison impliquant l’Absolu, une tentative est faite pour objectiver l’Ultime d’une manière aussi pure et sattvique que ce soit.
Pensez simplement dans quelle position vous vous teniez au moment de poser cette question. Vous vous teniez certainement au-delà du phénoménal, et vous étiez aussi au-delà des idées de l’Absolu ou de l’expérience impliquée dans la question. C’est exactement la position de la Vérité. Soyez là et vous serez libre.
Ni la question ni la réponse ne vous enrichissent vraiment. Le niveau auquel vous posez cette question est au-delà du relatif. Soyez cela et vous êtes libre.
Cela n’est vrai que pour ceux qui ont entendu la Vérité par le Guru. Car un vrai Sage peut répondre à de telles questions de manière à vous emmener immédiatement, au-delà de la question et au-delà de la réponse habituelle, à nouveau vers le Véritable Absolu, sans permettre qu’une telle question ne se pose une seconde fois. 

659. COMMENT UN GARÇON DE CINQ ANS A ÉTÉ ÉCLAIRÉ SUR LA MORT ET SUR DIEU. 
Ananda, un garçon de cinq ans, était sans cesse tourmenté par des pensées et des cauchemars à propos de la mort, qui est censée être inévitable.
Gurunathan :     N’étiez-vous pas un petit bébé il y a quelques années ? 
Garçon :              Oui.  Oui. 
G :                          Où est-il maintenant ?
B :                          Il est parti.
G :                          Où ?  Pouvez-vous le ramener ?
Bc:                         Non. Non. C’est impossible.
G :                          Il est donc mort. N’est-ce pas ?
B :                          Non. Mais je suis ici. 
G :                          Je veux dire le bébé que tu étais une fois. Il est parti pour toujours et ne pourra plus jamais revenir. Voilà ce que je veux dire par mort. As-tu pleuré quand le bébé était parti ?
B :                          Non. Mais jusqu’à présent, je ne le savais pas. 
G :                          De même, ce garçon mourra également et vous serez un jeune. Alors le jeune mourra aussi et vous deviendrez un vieil homme.
Toutes ces morts les unes après les autres, vous lesprenez agréablement, non ? 
B :                          Oui, bien sûr.
G :                          Alors pourquoi pleures-tu et fais-tu du bruit quand le vieil homme meurt ?  N’est-ce pas aussi comme les nombreux décès que vous avez déjà eu ? 
B :                          Oui. Si tel est le sens de la mort, je ne pleurerai plus ni n’en aurai plus peur. 
G :                          Pourquoi n’étais-tu pas désolé quand le bébé en toi est mort ? 
Parce tu savais que le bébé seul meurt et que tu ne meurs pas. De même, seul le vieil homme en toi mourra. Tu
sais que tu ne mourras jamais. Tu connais tes nombreux décès depuis ton enfance. De
même, tu es également au courant de la mort de ta vieillesse. 
B :                          Oui !  Oui !  (Avec un visage lumineux.) Maintenant je comprends. Je n’aurai plus jamais
peur de la mort.
G :                          Maintenant tu es sans mort, l’Éternel. Ceci est Dieu. Tu me suis ? 
B :                          Oui, Gurunathan.
Et le garçon se prosterna avec des larmes coulant sur les pieds de Gurunathan.

4 novembre 1952

660. QU’EST-CE QUE LA PURETÉ ? 
Seule la Vérité ou l’Atma est pure. Tout le reste est anatma ou impur. Le corps, les sens et le mental sont tous impurs, chacun à leur manière. L’esprit  peut être purifié par l’effort au point de se fondre dans le nirvikalpa samadhi. Pourtant, cet esprit qui peut être très pur au sens relatif, reste impur dans le sens où il est encore anatma, et limité par le temps.
Faire du bien aux autres n’est pas un critère de pureté. C’est le plaisir que vous retirez de faire le bien qui vous pousse à le faire.  Supposons que la loi vous interdit de faire le bien.  Vous vous sentiriez certainement triste. Vous devez donc transcender à la fois le plaisir et la peine, le mal et le bien. Ainsi, vous ne pouvez devenir vraiment pur qu’en visualisant la Réalité et en vous y établissant.

Notes sur les entretiens spirituels suite 3/4