Au delà de la croyance

Introduction

 Avant – propos

Combien de fois, avons-nous eu l’espoir de trouver du sens à notre existence ? Quand tout va bien, les questions se posent rarement, mais dès qu’un incident vient troubler l’équilibre précaire de notre vie, c’est à ce moment que tout bascule et on ne comprend plus grand-chose de la causalité qui nous entoure.
Le souhait de ce texte est d’analyser le monde non pas de l’extérieur comme le font les scientifiques, mais de l’intérieur, en partant de l’homme, acteur ou témoin. Nous tâcherons de faire fi de ce que nous imaginons, nous essayerons d’aller au-delà de nos habitudes pour essayer de découvrir cette réalité qui nous échappe et qui condamne chacun de nous à s’établir dans des croyances.

Dès mon plus jeune âge, j’étais persuadé que les mots étaient porteurs de signification et que si le mot « Vérité » avait été imaginé, il était clair que le sens profond qu’il signifiait, devait exister aussi. Il ne me restait plus qu’à le découvrir.
J’avais des parents de confession chrétienne suffisamment croyants pour m’éduquer dans leur foi. A cette époque, comme souvent encore maintenant, on était élevé selon les principes de sa communauté.
Je me souviens de ma première année au collège, dans un lycée de Paris. Bien que cela soit un établissement public et par conséquent laïque, aussi surprenant que cela paraisse aujourd’hui, nous avions une heure de cours de religion catholique par semaine, qu’aucun d’entre nous ne remettais en question. Ma première révolte commença cette année-là en décidant d’arrêter ces cours de catéchèse. Après maintes réflexions, je mettais en question la religion que l’on m’imposait. Refuser d’assister à ces cours, fut pour moi un grand soulagement. Je revois encore ce jeune prêtre que je croisais dans les couloirs du collège et qui me regardait avec étonnement. Je supposais qu’il ne comprenait pas pourquoi, ce garçon à l’apparence si réservé, était le seul à ne plus vouloir écouter son enseignement. Malgré tout, je continuais à garder à l’esprit la phrase que l’on attribuait à Jésus :
Celui qui cherche, trouvera, et ayant cessé de chercher, il sera émerveillé.
Cette quête me paraissait primordiale et j’avais l’impression que le but de ma vie était de découvrir cette énigme. Je ne savais pas par où commencer ? Je pensais encore que beaucoup êtres humains devaient avoir le même questionnement.
Au fil des années qui suivirent, j’interrogeais mon entourage : êtes-vous croyants ? Que pensez vous des religions, de Dieu, de la Vérité ? Que les personnes interrogées
soit cultivées ou non, tous vivaient dans un flou artistique. Au-delà de leur foi souvent branlante, personne n’avait vraiment de réponse ! Ils ne pouvaient dire qu’ils en étaient satisfaits et le plus souvent, ils préféraient éviter ce sujet.
Accablé par cette découverte, je décidais de me donner encore deux ans pour arriver à mon but. Si au bout de ce laps de temps je ne trouvais pas de réponses, je mettrai fin à mes jours.

Mon compte à rebours commença très sérieusement. Je trouvai aussi fascinant de décider de se suicider non pas à cause d’une émotion désespérée mais à la suite d’une décision mûrement réfléchie et à une date bien précise. J’avais alors une quinzaine d’années, j’avais commencé à faire de la peinture mon passe-temps favori et pour savoir où j’en étais du temps qui m’était encore imparti, j’entrepris d’inscrire au dos de chaque toile, le nombre de jours qu’il me restait encore à vivre. Quel romantisme !
N’allez pas croire que j’ai réellement résolu cette énigme au bout de ces deux petites années, mais comme tout un chacun je tenais à la vie et je n’avais pas vraiment envie de disparaître si jeune. Peu avant la date fatidique, je retournai la situation d’une pirouette en décrétant que je n’avais pas besoin de mourir pour me considérer comme mort. J’étais satisfait par cette pensée, elle me suivit pendant longtemps. Elle me donna suffisamment de forces pour accomplir au cours de mes années mouvementées, des expériences que je n’aurais peut-être pas faites sans cette apparence d’invulnérabilité. Mais mon but n’est pas de vous raconter ma vie, je souhaite juste vous situer cet aspirant à la Vérité qui aimerait vous fait partager sa recherche spirituelle qui a commencé il y a une soixantaine d’années.

Comme j’ai pu le constater, la recherche de la Vérité n’est plus vraiment un sujet de notre culture et seul un petit nombre d’êtres humains se penchent sur ce sujet.
Que nous vivions dans un monde judéo-chrétien, musulman ou bouddhiste, nous avons été confinés dans des croyances qui nous guident tout au long de notre vie et nous empêchent de réfléchir autrement.
Nos pensées se sont organisées de génération en génération, chacune d’elles tenant ses croyances, ses affirmations, son credo des générations précédentes. Ainsi, nous avons été façonnés par des siècles d’habitudes qui ont transformé nos croyances en réalité à force de les répéter.
Notre désir profond de comprendre le monde qui nous entoure, date de l’époque où de la condition instinctive de l’animal, nous sommes passés à la condition réfléchie de l’être humain. Les réponses qu’ont fini par donner les religions aux questions de nos très lointains ancêtres, ont été à leur époque, satisfaisantes, mais peuvent-elles l’être encore aujourd’hui ?

Nous avons eu la chance de développer nos connaissances et les réponses d’hier ne peuvent plus être celles d’aujourd’hui. Pour essayer de rester crédible, les églises ont dû s’adapter en remaniant au fil des époques leurs affirmations. Malgré cela, certaines croyances ont gardé la vie dure et sont restées en dépit de leur caractère irrationnel. Fort heureusement, beaucoup d’entre nous peuvent encore se remettre en question. Puissions-nous avoir encore quelques espoirs dans notre discernement.

Pour construire un nouvel immeuble, il est nécessaire de faire table rase de tout ce qui existait et s’il y avait un ancien bâtiment, il faut le déconstruire jusqu’à ses fondations pour édifier l’autre en toute sérénité. Nous allons commencer à identifier les idées qui nous ont forgées et nous questionnerons leur exactitude quand cela sera nécessaire.
Après les révolutions sociales, politiques, industrielles, culturelles et numériques, commençons notre révolution spirituelle.

Les scientifiques ont orienté leurs recherches sur le monde extérieur, tandis que nous avons laissé le soin aux « Églises » d’organiser nos émotions spirituelles, aux philosophes de philosopher et aux Dieux d’être la Vérité.
Après quelques années d’existence, la quête de la Vérité me poussa vers l’Inde. Au fil de mes rencontres, j’avais noté précieusement les adresses de sages que l’on m’indiquait. Sans trop d’espoir de croiser un jour un être exceptionnel, je voulais côtoyer ces hommes que l’on désignait comme éclairés, je souhaitais connaître ce qu’ils avaient de plus à dire que le « commun des mortels ».
C’est à la fin de l’été 77 que, nous avons décidé ma compagne et moi de partir en Inde à la rencontre de ces sages. Notre fille venait d’avoir cinq ans, Nous avions choisi le sud, le Kerala comme première destination : on nous avait parlé d’un fermier, et ceux qui l’avaient rencontré nous paraissaient profondément bouleversés. C’était plus qu’il nous en fallait.

La rencontre

Après une escale au Caire puis une autre à Bombay, nous sommes arrivés à l’aéroport de Trivandrum, qui a pris aujourd’hui le nom de Thiruvananthapuram dans l’état du Kerala. Je me souviendrai toujours, en descendant de l’avion sur le tarmac, de cette forte chaleur humide, emplie de parfums sublimes d’épices. Nous avons pris ensuite un autocar pour effectuer une centaine de kilomètres. Au bout de trois heures de route périlleuse à travers les rizières, nous somme arrivés dans un bourg pour enfin trouver un taxi « Ambassador » et effectuer les derniers kilomètres qui nous séparaient de la maison de ce fermier.
La voiture s’arrêta ; le chauffeur nous annonça que nous étions arrivés. La nuit était tombée ; nous étions sur un chemin en terre battue devant un petit escalier. Le taxi ne pouvait aller plus loin, nous devions faire le reste à pied. A travers des cocotiers, des manguiers et des palmiers, on distinguait une petite lumière. Nous prîmes nos bagages et notre fille par la main et nous nous sommes dirigés vers elle.
Nous ne savions pas encore que notre existence allait s’éclairer pour toujours.

Ainsi, je rencontrais pour la première fois Sri Narayanan Nair.
Très rapidement, je compris que toutes les autres adresses ne nous étaient plus d’aucune utilité, nous venions de rencontrer la personne que j’avais tant souhaité rencontrer dans mes espoirs les plus fous. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un jour, ce serait possible. J’étais au comble du bonheur.
Nous nous sommes installés à un quart d’heure à pied de chez lui, dans une petite maison de location entourée seulement de rizières et de cocoteraies. La région était d’une beauté extrême.

Sri Narayanan Nair recevait ceux qui le souhaitaient dans une petite pièce, celle-là même qui était éclairée et qui nous avait guidés pour arriver jusqu’à lui. Nous allions le rencontrer deux fois par jour pendant plusieurs heures pour lui poser nos questions existentielles . Il était souvent assis sur une chaise longue, entouré de coussins. Il restait toujours disponible.
Nos questions, ses réponses faisaient émerger chez nous de nouvelles interrogations. C’était passionnant. Il ne nous parlait sérieusement que quand nous avions quelque chose à demander. Ses réponses d’une telle évidence, s’accordaient toujours à nos attentes et nous transportaient chaque fois un peu plus. Comment aurais-je pu savoir que son enseignement m’ouvrirait tant l’esprit. C’était au-delà de toutes les intuitions que j’avais pu avoir.
Nous sommes restés auprès de lui pendant trois mois, aussi longtemps que notre visa nous l’autorisait et à la fin de notre séjour, nous savions d’ores et déjà que nous reviendrions. Nous avons ainsi pris l’habitude de retourner le voir une ou deux fois par an, ensemble ou à tour de rôle, pendant des périodes de deux à trois mois. Ainsi, pendant plus de quinze ans, nous avons partagé nos existences entre le Kerala et le sud de la France où nous retournions pour travailler et gagner notre vie.

Dans cet essai je me suis efforcé de retranscrire l’enseignement qui m’a donné, par les poèmes « Âtmâ Nirviti » et « Âtmâ Darshan » de Sri Krishna Menon, son Maître spirituel. Je me suis aussi intéressé aux notes prises dans les années cinquante par un autre disciple de Sri Krishna Menon, Nitya Tripta, qui a rapporté pendant plusieurs années les entretiens de Sri Krishna Menon aux questions qu’on lui posait.
Il nous rappelle plusieurs fois dans ces notes, qu’il est impératif de rencontrer le Karana-Guru, le Maître spirituel vivant, pour réaliser la Vérité.
Si la Vérité est, elle ne peut être une croyance et ne peut évidemment pas appartenir à une religion, pas plus à une philosophie, à une manière de penser ou une manière de faire le vide. Elle se doit d’être une science, la science de la connaissance et de la sagesse qui vient de la Raison supérieure.

1 La genèse des croyances

Dans cette première partie, nous analyserons le monde qui nous entoure, en essayant de comprendre comment nous le percevons et comment nous l’avons organisé. Nous examinerons la façon dont nous avons adhéré à des croyances, comment Dieu s’est imposé à nos pensées, permettant la naissance des religions. Il nous faudra sonder les raisons pour lesquelles nous sommes toujours dans l’incapacité de répondre à nos questions de manière satisfaisante, et ce, malgré le développement de nos sciences et de nos philosophies !
Puis, nous aborderons une autre forme de réflexion : l’hindouisme qui existe depuis des milliers d’années et qui a été rarement compris mais plutôt interprété par notre civilisation élaborée sur les religions du Livre.
Nous terminerons ce chapitre en mettant en exergue « l’erreur de base » qui a enlisée notre pensée dans des croyances dogmatiques ou des raisonnements inaboutis.

A. Notre cadre conceptuel : la temporalité, l’espace et la causalité

Nous vivons dans un monde fait de temps, d’espace et de causalité. En tant qu’homme de ce siècle, nous nous percevons comme un habitant de cette planète Terre située dans un univers tellement immense qu’il dépasse notre entendement.
Nous pensons que le temps et l’espace n’ont ni commencement ni fin et que tout est régi par une causalité que nous devons découvrir pour comprendre le moindre événement.
Dès que nous percevons un objet, il est immédiatement accepté avec un espace en trois dimensions qui le constitue et qui l’entoure. Nous ne pouvons pas l’imaginer enveloppé de rien. Il existe depuis un certain temps et il continuera à exister. On pense aussi que l’objet a une causalité. C’est à dire qu’il est le résultat d’une fabrication, d’une transformation, d’une évolution… Quoi que nous percevons, notre esprit le compare à ce que l’on sait déjà. Ainsi, au percept, nous ajoutons notre connaissance, le concept. En voyant par exemple la forme d’une table, on peut rajouter qu’elle est en bois, que c’est une table de ferme, on peut en estimer sa taille, son époque, son origine, le fabriquant, le bois employé, etc. Plus notre connaissance est grande à son sujet, plus notre perception sera étayée d’adjectifs et plus nous aurons l’impression que la représentation de l’objet est complète.
Ainsi quand nous percevons quelque chose, cette perception est l’effet d’une cause que nous lui attribuons. Cette cause devient à son tour l’effet d’une autre cause et ainsi de suite.
Mais au bout d’un certain nombre de causes à effets, nous sommes obligés de dire, que nous ne savons plus.
Vous connaissez peut-être vos parents, vos grands-parents, vos arrière-grands-parents, c’est plus rare. Mais que savez-vous de vos arrière-arrière-grands-parents ?
On voit bien que même concernant nos origines, nous sommes au bout de quelques générations dans le flou. Plus les questions s’éloignent de la perception, plus le savoir s’amenuise.
Ce livre est sur la table, la table dans une pièce, sur Terre, dans l’espace, c’est untel qui l’a posé là, il a été acheté, fabriqué… Qu’importe ce que nous pouvons dire de lui, on sait d’évidence, que l’objet ne peut exister autrement que dans ce monde fait de temps, d’espace et de causalité.
Sans objet, il n’y a pas de cause puisqu’il n’a pas d’effet (le livre).
Le temps, l’espace et la causalité sont intimement liés. C’est l’avant et l’après analysés de façon différente.
Nous avons pris l’habitude de dater les objets, les événements et de les situer dans un espace spatio-temporel.
Tout n’est que conceptuel, le mouvement de la Terre autour du Soleil nous a donné notre rythme annuel, un tour complet dure 365 jours 6 heures et 9 minutes. Peu importent ces quelques heures d’écart, on s’est arrangé pour placer ce quart de jour manquant en augmentant l’année d’un jour tous les quatre ans. Un tour de Terre sur elle-même fera notre jour. C’est ce que nous pensons aujourd’hui, mais il y a seulement quelques siècles, la Terre était encore le centre de l’univers et elle a aussi été plate. Notre perception du monde, du temps et de l’espace devait être quelque peu différente !
Il n’est pas dit que demain nous aurons la même perception du monde qu’aujourd’hui.
Quand cette idée est énoncée, nous pensons que ce n’est pas possible. Quand nous avons cru que la Terre était plate, nous étions des ignorants mais maintenant nous savons, la Terre est ronde !
Nos connaissances sont sujettes à caution et il faudrait bien peu de choses pour les remettre en question !
Tout ne paraît être que convention. Le temps et l’espace sont devenus si réels qu’ils existent avant même l’objet perçu !
Nous avons conçu le temps et l’espace sans nous, avant la Terre, le Soleil, le ciel, les étoiles et tout ce qu’on peut évoquer. Pouvez-vous imaginer le commencement ou la fin du temps ?
Dans ce concept, le temps et l’espace paraissent infini.
Alors comment serait-il possible de concevoir que le temps, l’espace et la causalité ne dépendent en réalité que de la perception d’un objet ?
C’est ce que nous réaliserons au cours de notre lecture.

Dans notre conception actuelle de l’univers , le temps et l’espace sont son support.
Cela parait tellement évident qu’il n’est pas pensable de la remettre en question !
On peut imaginer ralentir le temps, l’accélérer, on peut aussi courber l’espace dans tous les sens,
l’imaginer chiffonné, le concevoir en expansion, découvrir des trous noirs avec d’autres causalités. Malgré tout, le temps et l’espace paraissent indétrônables, si bien que, dans les religions du Livre, l’on donna à Dieu six jours pour faire le monde et comme il était trop fatigué, malgré sa puissance infinie, on
lui donna un septième jour pour se reposer ! Mais cela est une bien autre histoire !

Certains scientifiques ont imaginé un « Big Bang » comme le commencement de tout l’univers.
Dans ce grand boum, le temps et l’espace posent encore un problème !
Doit-on donc comprendre qu’il y avait un avant et un après Big Bang ?
Le temps et l’espace le supportaient-ils ? Ou bien se sont-ils constitués avec lui ?
Nous pouvons nous interroger sur l’ontogenèse de ce modèle cosmologique, sur son origine et son développement jusqu’à notre instant présent, mais pouvons-nous envisager qu’avant cette grande explosion, le temps et l’espace n’existaient pas ?
S’il y a un avant, c’est qu’il y a du temps. Cet univers condensé est donc apparu dans le temps, dans un espace vide donc sans espace et ce grand boum sans cause deviendrait la cause de
l’univers ! Ne serait-ce pas une autre conception de la création matérialisée en Big Bang ?
Un chanoine catholique a été le premier à en proposer ce concept très étrange en 1927.

Comment savoir que l’on est dans un rêve tant que l’on ne s’est pas réveillé ?
Comment un poisson pourrait-il comprendre qu’il est dans l’eau, tant qu’il n’a pas sorti sa tête de l’élément qui l’entoure ?
L’individu paraît être comme un poisson dans cet univers. Comment pourrait-il le comprendre ?
Quel que soit l’objet que nous percevons, qu’il soit infiniment grand ou infiniment petit, nous ne pouvons le concevoir sans temps, sans espace et sans causalité.
Les perceptions que nous avons pendant un rêve existent avec ces mêmes concepts, l’espace peut être particulier, le temps quelque peu différent et la causalité plutôt spéciale, mais ils sont toujours bel et bien présents.

Nous pensons exister, entouré de matière et d’énergie. Tout peut se calculer, tout peut s’analyser, tout peut se disséquer. Nous voulons tout savoir, tout prévoir, nous inventons, nous créons, nous conquérons, rien ne nous arrête. Nous souhaitons toujours aller plus avant dans nos découvertes qui n’auront jamais de finalité. Nous avons désiré apprendre à voler et maintenant nous quittons l’atmosphère terrestre, la conquête de l’espace ne fait que commencer. Quand l’homme de Cro-Magnon inventait la massue pour se défendre, pouvions-nous imaginer que, quelques millénaires plus tard, ses descendants fabriqueraient la bombe atomique !
Quoi que nous puissions inventer, quel que soit notre futur de « science-fiction », quelles que soient nos connaissances, cela ne changera en rien notre condition d’être humain qui reste toujours assujettie à des croyances, pour satisfaire son incompréhension.
Notre monde est supporté par le temps et par l’espace et il est régi par la causalité. Or, tout le problème est là. En effet, comme nous considérons que les évènements se succèdent en dépendant des précédents : un évènement A entraîne un autre événement B qui engendre un événement C, chacun devenant la cause du
suivant. De ce fait, une question s’impose : quelle est donc la cause du premier évènement, à savoir l’apparition de notre univers ? Nous croyons que notre monde devrait avoir aussi un commencement dans le temps et dans l’espace. Il faut donc que le temps, tout comme l’espace, ait une cause qui les
précède et qui ne serait ni du temps ni de l’espace. Ainsi avant l’univers, il y aurait eu un « non-univers ». Nous pouvons le concevoir comme de l’énergie, mais alors, quelle serait la cause de l’énergie ? Le « rien »
ou le vide n’est pas non plus concevable, car le rien ne peut être conçu que par l’absence de quelque chose, en l’occurrence ici, l’univers. Le rien par lui-même n’existe pas et de rien, rien ne peut apparaître, rien ne peut naître ! Dans l’impossibilité de trouver une réponse satisfaisante à la cause de toutes les causes, Dieu, principe créateur au-delà de tout raisonnement, devint la solution pour répondre à tous nos « Je ne sais pas ». Nous avions la pensée qui soulageait notre ignorance.

B; Notre cadre spirituel : cet irrésistible besoin de croire en dieu

La naissance des dieux
On peut imaginer que les dieux sont nés quand l’animal dans son évolution est devenu un être pensant : l’homo sapiens. Si nous prenons la théorie de Darwin comme chemin : l’animal devient humain au moment où il commence de passer de l’instinct à la réflexion.
Comment l’homme peut-il comprendre son environnement ? Tout est pour lui inconnu, incompréhensible et une source d’inquiétude. Imaginez-le devant une nuit étoilée ou en train d’observer le soleil, d’entendre le tonnerre, de voir surgir des éclairs… Il n’y a pas un événement de son espace qui puisse le rassurer ! Pour pallier à ses ignorances, dans chaque région du monde, dans chaque groupe, ces animaux humanisés, ces premiers êtres pensants, par la force de leur esprit, se sont inventé des êtres supérieurs pour apaiser chacune de leurs angoisses. Ils imaginèrent un dieu pour le vent, un pour la pluie, un autre pour le soleil etc. Ces dieux devenaient la cause des événements qui se déclenchaient. Maintenant qu’ils avaient l’origine : un dieu, il leur fallait trouver des raisons. Pourquoi un dieu pouvait-il créer de telles perturbations ?
Pour bouleverser autant la vie des hommes, ces dieux se devaient d’être contrariés. Il fallait trouver la cause et un responsable : quelqu’un leur aurait déplu ?
Ces pluies torrentielles qui s’abattent, cette sécheresse qui sévit, cette maladie qui se propage, tous ces évènements laissaient imaginer une punition divine. Comment calmer son courroux?
Par anthropomorphisme l’homme primitif, en concevant ses dieux, imagine qu’ils a des comportements similaires au sien. Comme lui, ses dieux sont capables de colère comme de clémence. Il fallait trouver le ou les responsables et les donner en sacrifice pour protéger la tribu de conséquences plus dramatiques. Ils pensèrent aussi nécessaire de faire régulièrement des offrandes pour les courtiser et tempérer leur mécontentement éventuel. Et comme tout vient à point à celui qui sait attendre, ces offrandes finirent par donner des résultats : la pluie s’arrêtait, la sécheresse s’atténuait, la peste se dissipait. Les dieux étaient tranquillisés.
Certains humains, plus éclairés, s’imposèrent comme des intermédiaires entre les dieux et les hommes. Ces sorciers, ces grands prêtres, laissaient croire qu’ils étaient en bon terme avec eux, ils connaissaient leurs secrets et possédaient les formules magiques pour adoucir leur colère. Ils devinrent au fil du temps de plus en plus puissants et indispensables à chaque communauté. Des règles s’établirent, les offrandes furent codifiées : les religions étaient nées.
A notre époque, nous avons résolu un grand nombre de problèmes qui nous effrayaient il n’y a pas si longtemps. Nous n’avons peut-être plus besoin d’un dieu pour comprendre les éclairs mais tant d’autres questions subsistent, et dieu, pour beaucoup d’entre nous, reste encore l’ultime réponse.

La naissance des religion
Les sociétés primitives se développent et s’organisent. On ordonne des lois. La société humaine évolue, se hiérarchise. Ce qui se passe sur Terre, se produit aussi dans les cieux. Le panthéon des Dieux se voit doter d’un chef : le dieu des dieux. C’est ainsi que nous arrivons au dieu unique, créateur du monde et des choses. Les religions telles que nous les connaissons aujourd’hui étaient nées.
Devenant l’un des piliers fondamentaux de la société, la religion est transmise d’une génération à l’autre. Chaque société possède sa religion qui est par définition la Vérité révélée.
La tolérance d’une autre foi est impossible. Une autre croyance ne peut en accepter sans que l’autre en perde en crédibilité. Il est alors impératif de l’affirmer en obligeant les infidèles d’y adhérer d’une manière ou d’une autre. Chacune d’elles étant l’unique et véritable religion, l’incroyant est dans l’erreur, il se doit d’être converti et si ce n’est pas possible, il est traité comme un hérétique, un fou, un possédé par le diable ou comme un animal, qui ne mérite que d’être éliminé.

« Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » 

,tempêtait le légat pontifical Arnaud Amaury, en 1208 en assiégeant Béziers, sous prétexte de réprimer l’hérésie cathare. Voilà comment une croyance peut mener jusqu’à un total génocide ! On pourrait penser que notre monde « civilisé » en a terminé avec toutes ces aberrations Mais ne voit-on pas surgir siècle après siècle, encore et encore, l’horreur des guerres de religions et des génocides.
Quand ces crimes contre l’humanité cesseront-ils ?
Le désir de créer, ne répond-il pas à un manque, à une insatisfaction ?
Comment pourrait-il être insatisfait ? Et comment peut-on concevoir un Dieu parfait et pourtant incapable d’engendrer des créatures qui le satisfassent ?
Dieu ne peut vraiment pas être l’invention de dieu, il ne peut être que la sublime imagination de l’homo sapiens, ce petit être insatisfait en voie d’amélioration.
Les philosophes occidentaux en s’interrogeant sur l’humain se sont aussi confrontés à des contradictions qu’ils n’ont su résoudre. Aucun d’eux n’a pu trouver une réponse satisfaisante et définitive. Les religions ont gardé la vie belle, dieu n’est même plus une question de croyance, il est la preuve de notre ignorance et de notre incompréhension : la solution à nos craintes, nos peurs, nos angoisses.
Dieu est l’ersatz de la connaissance. Il est né avec la causalité, de l’incompréhensible cause.
Dieu n’est pas le concept surimposé au monde, il est la causalité du monde. Il est le monde : il se manifeste dans chaque pensée, dans chaque action, dans chaque silence. Il fait partie intégrante de l’univers.
Dieu n’a pas de religion, il se manifeste dans chaque religion. Dans la religion catholique, comme dans toutes les autres religions, on croit en dieu, on l’affirme sans pouvoir le prouver.
Il n’est remis en question que quand on perd la foi et dans ce cas on doute.
Mais douter, c’est encore le concevoir et continuer à croire.
Nous nous sommes appropriés Dieu. Nous l’entourons de mystère. C’était sa définition première, il était la réponse aux questions qui n’en ont pas. C’était sa place de départ et nous l’avons oublié.
Dieu n’est que la preuve de notre ignorance.
Nous avons évolué avec une religion que peu ont osée remettre en question. C’était la croyance de nos parents qui la tenaient de leurs parents, etc. C’est une tradition qui date, les textes qui la supportent, parlent de la nuit des temps. Comment douter alors de la pensée de nos ancêtres ?
La religion s’est imposée par son ancienneté, elle a fait ses preuves. A quoi bon s’en écarter alors qu’elle rassure et apaise ? Chaque culture a érigé une force surnaturelle.
Notre incompréhension s’est développée dans une multitude de religions, de sectes, de croyances comme le judaïsme, le christianisme, l’islam, mais aussi l’hindouisme, le bouddhisme ou encore le confucianisme, le taoïsme et toutes ces autres convictions chamaniques ou sectaires qui se partagent le monde mystique et surnaturel. Toutes ces suppositions ont apaisé l’homme et l’ont soutenu dans ses difficultés à exister, à comprendre et à être heureux. Mais aucune n’a permis d’aboutir à une certitude.
Pour soutenir leur théorie, la foi s’est emparée de certaines manifestations sortant de la causalité ordinaire. Elle a voulu voir dans des effets, sans cause intelligible, des miracles dont seul Dieu serait capable ! Ces événements sont alors présentés comme la preuve de l’existence divine.
L’Homme, malgré l’évolution de ses connaissances, ne semble pas avoir beaucoup changé. Il continue comme au temps des civilisations primitives à remettre l’inconcevable à Dieu.
Pourtant ne voit-il pas que ses perceptions sont déjà des miracles par elles-mêmes ? Est-il besoin d’en rajouter ? N’est-il pas prodigieux d’exister, d’être conscient, de voir, de parler, de comprendre ou de se poser des questions ?
Nous vivons si naturellement tous ces phénomènes, ils nous paraissent si évidents, que nous passons à côté de ce merveilleux quotidien.

Est-il alors possible d’être athée ou agnostique ?

Pour nier l’existence de dieu, il faudrait connaître la cause de toutes les causes sans avoir à imaginer une force surnaturelle. Cela paraît chose impossible. Sans preuve d’un monde avec ou sans Dieu, certains se tournent vers l’agnosticisme.
C’est l’abandon de la réflexion puisque l’on est certain de ne pas pouvoir savoir. Ce qui peut conduire à l’hédonisme, en décidant de jouir au mieux de l’existence, tout en espérant exister dans ce corps le plus longtemps possible.
C’est semble-t-il, la position de notre société actuelle qui s’est orientée vers une consommation à outrance de biens matériels, agrémenté parfois de libertinage, et vers une recherche incessante du bonheur dans l’objet consommé.
Ces civilisations occidentales paraissent être à la croisée des chemins. Après avoir remis en cause la moralité enseignée par ses religions, elles ont quelques difficultés à s’établir dans de nouvelles valeurs. Comment définir dans une société épicurienne, les règles qui régissent la vie, la mort, la sexualité, la procréation, le bien et le mal ?
En revanche, les sociétés d’identité islamique, libérées du colonialisme, s’inquiètent du laxisme moral de l’occident. Elles font un retour en force avec une religion de plus en plus stricte qui peut aller pour certains jusqu’à l’extrémisme en imposant sur leur territoire la charia, la loi divine et des valeurs qui paraissent surgir d’un autre temps !
Si l’homme est, dans la plupart des sociétés et des religions, l’être respectable et respecté, la femme garde souvent un rôle secondaire. Elle est à son service et demeure généralement considérée comme le réceptacle de sa progéniture qui devra naturellement être un mâle pour satisfaire le géniteur.
Les femmes occidentales réclament l’égalité entre les deux sexes, tandis que les sociétés islamistes leur retirent la plupart des droits qu’elles avaient récemment acquis. Certains musulmans iront même jusqu’à voiler leurs femmes tandis que les extrémistes leur interdisent toute forme d’éducation et maintiennent le droit de les lapider quand ils décident qu’elles ont dérogé aux règles sacrées de la charia.

Chaque civilisation est passée par ces aberrations et y passera encore si l’humain n’a pas davantage le courage de se remettre en question ! Ces conflits de civilisations ne sont pas prêts de s’atténuer. Les racines sont trop profondes. Elles touchent aux convictions de l’homme enfermé dans ses croyances.
Pendant de nombreux siècles, l’église catholique conduisait l’inquisition pour combattre l’hérésie. Les hommes qui ne respectaient pas le dogme étaient condamnés à l’emprisonnement, à la torture ou à mort. Combien de temps aura-t-il fallu à l’église pour accepter que la Terre était ronde et qu’elle n’est pas le centre de l’univers ? Ne parlons pas du diable et de l’enfer que les théologiens ont dû imaginer pour faire le pendant à Dieu. Comment l’humain conçu pourtant à l’image de Dieu pouvait-il devenir si mauvais ? Il était sous l’influence de Satan. Cet argument intimidant et indiscutable le rendait totalement soumis.

Pendant de nombreux siècles, nos penseurs ont du garder le silence ; nous pouvons imaginer combien cela a pu entraver nos réflexions et limiter nos pensées métaphysiques.
Le concept de dieu est tellement enraciné dans la pensée occidentale que beaucoup sont encore persuadés qu’il n’y a que la foi et que la Vérité est inaccessible.
Combien les religions ont été puissantes pour qu’une telle idée ait pu se propager jusqu’à nos jours.
La Vérité c’est dieu, dieu est la Vérité. C’est simple et sans bavure.
Si l’Homme peut aujourd’hui établir des théories comme la réincarnation, la métempsycose, la vie après la mort, le paradis, l’enfer, le purgatoire, la théorie de l’évolution, la théorie de l’énergie, du yin et du yang, et que sais-je encore, il demeure cependant réduit à n’être toujours qu’un croyant.
Les croyances se fondent et se transmettent sur la base des écritures consignées par les anciens. Elles sont devenues des textes sacrés qui ont leurs propres chemins, leurs canons et leurs modes de pensée. Avant de vous approprier ces textes et d’y adhérer, cherchez à les comprendre à la lumière de votre réflexion. Vous serez ainsi capable avec vos arguments, d’accepter la façon de voir de ceux qui les ont transmis. Mais si vous vous référez aux écritures, en acceptant aveuglément leur autorité, vous adoptez une mentalité d’esclave qui ne peut vous aider.

Le christianisme, loin d’avoir fait évoluer son enseignement, continue à prôner que Jésus de Nazareth a été martyrisé puis est mort sur la croix pour nous laver des péchés du monde. Jésus est à son tour l’offrande suprême faite à Dieu. C’est encore cette idée de sacrifice, comme à l’époque des sociétés primitives. Quel sentiment d’effroi de voir dans nos villes, ces Jésus en croix. Imaginez ceux qui ne connaissent pas cette religion, comment peuvent-ils percevoir ces sculptures représentant un homme torturé ? Comme elle est étrange cette civilisation ! L’Islam ne donne pas à Allah une forme ou une image. YHWH ou Jehova, le nom que Moïse a donné à Dieu en descendant du mont Sinaï est encore plus surprenant : ce mot est sacré. Dans le judaïsme, il ne doit ni être prononcé ni écrit. Il se murmure sans que le son sorte de la bouche de celui qui le prononce. Ces religions comme toutes les autres ont certainement contribué utilement au développement des civilisations. Elles ont eu un rôle sociopolitique indéniable ; elles ont rassuré. Des sociétés se sont organisées. Des règles empruntées généralement au bon sens, ont été appliquées. Les hommes ont pu tant bien que mal vivre en harmonie, se structurer, se civiliser, évoluer. La terre entière s’est recouverte de monuments, de lieux à la gloire du divin. Grâce à ces églises, ces synagogues, ces temples, ces mosquées et autres lieux de prières, les hommes ont eu la possibilité de trouver refuge dans un espace où ils pouvaient se soustraire de leur quotidien et oublier leur existence matérielle pour retrouver un peu de paix intérieure. L’Être divin, quelle que soit la religion et le nom que l’on lui donne, reste aussi pour beaucoup de ses croyants, un marchand de bien ! Comme un être primitif, on le prie dans l’espoir d’avoir quelques avantages, on l’implore pour ne pas tomber malade, pour avoir assez d’argent, pour être aimé, pour continuer à vivre longtemps… On fait souvent avec lui du commerce.

Les philosophies orientales

Certains occidentaux, las des croyances traditionnelles, se sont tournés vers le bouddhisme. Cette philosophie semble mieux s’accorder avec le courant de pensée agnostique occidental. Le bouddhisme ne prône pas un créateur de l’univers ou une force créatrice ; il retourne la question en plaçant le Bouddha, « l’éveillé » en sanscrit, comme la réalité la plus élevée par laquelle cet univers existe. Si l’ultime sagesse de Bouddha paraît inaccessible, chaque être humain peut tendre à s’en rapprocher.
Le bouddhisme est né au 5ème siècle avant J-C, il vient de l’enseignement du prince Siddhartha. Ce prince avait été élevé par un précepteur dans la culture hindouiste de l’époque, loin des misères du monde.
Profondément impressionné par le contraste entre son éducation et la souffrance qu’il a découvert en sortant de son palais, il renonce à ses attributs de prince pour s’adonner à une vie d’ascèse.
Devenu Bouddha (l’éveillé), il proposa son enseignement en le fondant sur l’affirmation que la souffrance naît du désir et de l’envie. Ce sont elles qui rendent l’homme incapable de voir correctement la réalité. Le remède qu’il suggère consiste à se détacher par la méditation. Cette technique bouddhiste vise à mener le sujet à la sérénité et au bien-être intérieur, en le libérant de ses entraves pour atteindre le nirvana.

Contrairement aux religions du Livre (judaïsme, christianisme, islam), l’hindouisme est une pensée philosophique et religieuse (dans le sens de réunir) qui tend d’abord à offrir à chacun, une croyance en fonction de ses aptitudes intellectuelles et émotionnelles.
La croyance pour l’hindouiste n’est pas une fin en soi, l’esprit est ouvert. Le temps est aussi accepté au-delà du temps imparti à une vie, il est possible pour un Hindouiste, avec son concept de réincarnation, de concevoir qu’il pourra accéder à la Vérité dans une prochaine existence.
Chaque croyance correspond à une étape dans sa vie spirituelle et respectée en tant que telle. Dans ce système, plusieurs déités sont à leur disposition : Vishnou, Shiva, Krishna, Rama, Kali, Ganesh, et bien d’autres encore. La réincarnation dans l’imaginaire hindou est présentée de manière très structurée, définie selon les aspirations de l’être, de ses tendances, de ses samskaras.
Le samskara est une imprégnation antérieure, une disposition mentale acquise composant notre personnalité qui nous pousse à agir d’une façon plutôt que d’une autre et à rechercher un objet de bonheur plutôt qu’un autre. Notre personnalité est déterminée par de nombreux samskaras qui peuvent se développer ou se résorber au cours de notre existence. C’est un concept peu utilisé en Occident.
La réincarnation est une autre conception de la causalité. L’idée est belle et attrayante, mais comme la causalité, elle pose le même problème, celui de la première incarnation !

Pour comprendre un peu l’hindouisme, il faut faire un petit retour en arrière de quelques milliers d’années : des sages, des penseurs de différentes régions de l’Inde se réunissaient régulièrement pour exposer leur recherche spirituelle et échanger sur ce sujet. Ce pays était immense, bien au delà de ses limites actuelles et des mers qui le bordent aujourd’hui. Une multitude de langages existaient. Pour mieux communiquer entre eux, ils jugèrent opportun de construire une langue commune : le Sanscrit. Cette langue serait uniquement consacrée à la connaissance métaphysique. Pour ce faire, ils sélectionnèrent dans chacune de leurs langues, les mots qui leur paraissaient les plus significatifs pour exprimer l’idée véhiculée. Avec l’aide de cette expression commune et de la précision des termes employés, la communication fut simplifiée et ils purent ainsi approfondir leurs pensées.
Les connaissances acquises par ces sages furent écrites dans des textes que l’on nome les Vedas (vision ou connaissance). Elles sont toute l’essence de la sagesse humaine sublimée à des niveaux si hauts que l’on ne peut les concevoir. Ce sont : Le Rig-Véda, le Yajur-Véda, le Sama-Véda et l’Atharva-Véda.

Les quatre Védas se transmettaient oralement de Brahmane à Brahmane, ceux qui appartiennent à la caste indienne considérée la plus haute et la plus spirituelle. Originellement, le Brahmane était un officiant du sacrifice védique. Cette connaissance finit par être transcrite dans un langage très condensé et symbolique. Les premiers textes dateraient du 5ème siècle avant JC.
En dépit des annotations ajoutées par des Brahmanes, les Védas demeuraient toujours difficiles et insaisissables pour les érudits de l’époque. Ainsi, beaucoup d’éléments de ces textes ont dû être explicités.
Ces explications sont devenues les Upanishads qui signifient « venir s’asseoir respectueusement au pied du maître pour écouter son enseignement ».
Elles ont à leur tour été analysées pour devenir plus accessible.
Ces vagues d’analyse successives ont amené des éclairés à créer leur propre philosophie ; elles sont au nombre de six : le Samkhya, le Yoga, le Nyaya, le Vaisesika, le Purva meemamsa et la Vhara meemamsa. Elles sont devenues les six philosophies réelles de l’Inde, dans le sens où elles aboutissent à une réponse finale.
Ce résultat n’est pas transformé par une autre question qui créerait, comme c’est le cas dans la philosophie occidentale, un cercle sans fin de thèses, antithèses et synthèses.
Après être passé par différentes phases, l’aspirant à la Vérité finit par comprendre que l’aboutissement de sa recherche, implique de rencontrer le Maître qui l’amènera à la Connaissance.
En effet, la Vérité ne peut être accessible que par les révélations du Maître, le Guru (grand) au disciple.

Nous avons tous un potentiel pour apprendre, découvrir ou comprendre. Nous avons un besoin fondamental de trouver « une cause » à tout ce qui arrive. Sans cette recherche, il n’y aurait ni savants, ni ingénieurs, ni scientifiques, ni philosophes, ni juges, ni pourquoi, ni comment…
Chacun à notre niveau, nous avons besoin de compréhension.
Certains se contentent de réponses simples, d’autres en fonction de leur âge, de leur milieu socioculturel, pousseront l’analyse plus loin.
Les théories que nous avons élaborées au fil des siècles sont respectables ; chacune d’elles donne une explication limitée à son concept. En admettant l’existence d’un monde, il paraît difficile de nier l’existence d’un dieu, tout comme la théorie de l’évolution mise en exergue par Darwin, les théories de la réincarnation, du karma et des samskaras qui influent sur la pensée des hommes, l’astrologie, la recherche sur la matière, l’énergie, la chimie, la biologie, toutes les sciences, le chamanisme, la sorcellerie…
Toutes ces réflexions se sont développées et ont pris autant de réalités que le monde lui-même.

L’être humain a un corps, il perçoit des objets par ses sens, il a des pensées, il a des rêves et il dort. Son corps naît et meurt dans un univers qui existait avant et qui existera après lui. C’est à partir de cette certitude que les hommes ont cherché des réponses.
Ces concepts tendent à expliquer l’homme dans un univers fait de temps, d’espace et de causalité sans que jamais cet univers ne soit remis en question. Mais ne serait-ce pas cette idée de l’existence infinie du temps et de l’espace qui l’empêcherait de trouver une solution ?
Et si notre incompréhension venait de notre ignorance et notre ignorance de notre croyance ?
Nous imaginons vivre dans un corps entouré d’un monde. Ne serait-ce pas cela le malentendu ?
Si une question est entachée d’erreur à la base, comment la réponse pourrait-elle être juste ?
Envisager que la Vérité soit inaccessible à l’homme, c’était peut-être vrai, il y a quelques millénaires, au début de l’homo sapiens, quand nous venions à peine de quitter le règne animal. Mais depuis, nos réflexions se sont affinées, elles ont continué de se développer.
Peut-on adhérer encore aujourd’hui à ce que nos ancêtres croyaient avec tant de sincérité ?

Tout ce que nous connaissons, quelqu’un nous l’a enseigné. On nous a appris à manger, marcher, parler, appréhender le monde et ses objets. En naissant, nous dépendons de notre mère, En grandissant, nous passons d’un enseignant à l’autre. Ainsi dépendons-nous de nos parents, de nos professeurs, de nos amis, de nos conjoints et de nos rencontres et ce durant toute notre vie.
Pendant toute la période de socialisation, l’enfant, l’ado, le jeune adulte aura essayé de devenir indépendant et de faire ses propres expériences. Mais à chaque fois, son entourage restreint sa liberté, pour lui inculquer les normes et les règles de la vie en société.
Dès sa naissance, on dirige le nouveau venu, l’esprit encore tout frais, vers des mœurs que la société considère comme bienséantes et on lui dénonce les autres pratiques comme inacceptables.
C’est l’éternelle lutte entre les jeunes et les adultes, les modernes et les anciens. C’est aussi ce que l’on appelle le conflit de générations, l’âge ingrat, la crise d’adolescence… A chacune de ces périodes, nous crions notre volonté de liberté, d’indépendance, notre refus des traditions, notre espoir de faire mieux, de penser différemment. Et à chaque fois, ce besoin de changement est refoulé jusqu’à ce que nous acceptions de nous conformer au monde établi. A plus ou moins long terme, la nouvelle génération en sortira perdante et finira par se retrouver à la place des anciens pour réprimer à son tour la génération suivante. Les religions, les traditions, les coutumes font partie des habitudes. Ces espaces communautaires répondent à ce besoin d’identification à une collectivité. La religion peut encore rester un soutien précieux ; n’est-elle pas l’opium du peuple comme l’a dit un certain Karl. S’attacher à la recherche de la Vérité n’entamera en rien vos rituels que vous souhaiteriez préserver.
Alors, est-il possible maintenant d’envisager un autre cheminement ?

2. Comprendre autrement : de l’avidya à vidya

Mind and pure Satva
 
1. Consciousness going out towards object is mind.
 That which turns towards the Self is pure Satva
 
2. It is the opinion of the wise that the mind is avidya and pure satva, vidya. Vidya alone is the means of liberation.
 
3. The path of avidya leads to bondage. So the aspirant must take to the path of vidya for liberation.
 
4. For eternal peace, persistent striving is necessary till enlightenment.

Âtmâ Darshan, (perception du soi réel)At the ultimate 
 par Sri Krishna Menon.1946

Le mental et pur Satva (Pensée tournée vers l’Âtmâ le Soi réel)
 
1. La Conscience se portant au dehors vers des objets est le mental. Ce qui se dirige vers le Soi est pure Satva.
 
2. C’est l’opinion des sages que le mental est avidya et le pur satva, vidya. Vidya est le seul moyen de parvenir à la libération.
 
3. Le chemin d’Avidya mène à l’asservissement, aussi l’aspirant devra-t-il adopter le sentier de vidya pour atteindre la libération.
 
4. Pour l’éternel paix, des efforts assidus sont nécessaires jusqu’à la libération.

Dans la première partie, nous avons abordé le monde par la connaissance objective, sans pouvoir la dépasser. C’est ce que les Hindous appellent avidya (l’ignorance), la connaissance inférieure qui se rapporte aux objets grossiers comme aux objets subtils tels que la psychologie, la philosophie, la religion, la phonétique, la grammaire, l’étymologie, la métrique, l’astronomie…
Ces connaissances peuvent être atteintes par des objets ayant la même nature qu’elle, comme l’intellect, le mental, les cinq sens et le corps.
C’est l’aspect objectif de la connaissance, qui malgré toute son utilité, nous cloisonne dans un monde matériel. C’est tout le savoir que nous avons acquis depuis notre naissance jusqu’à aujourd’hui.
Une information, une connaissance limitée ne peut mener qu’à une vérité limitée.
Tout ce qui apparaît comme vérité fractionnée est partiellement erronée. La science, le yoga, la philosophie, la dévotion, et toute forme de mysticisme ne travaillent que sur des données partielles. Ce qu’ils révèlent n’est pas complet.
Notre réflexion s’est développée avec la certitude que notre existence est basée sur l’état de veille. Nous considérons que le rêve et le sommeil profond en font partie, perdant ainsi leur qualité d’état.
On ne peut analyser raisonnablement notre existence, en étudiant seulement l’état de veille et en ignorant les deux autres tiers de notre expérience : l’état de rêve et l’état de sommeil profond.

En considérant que ce monde de l’état de veille est notre seule réalité, notre recherche spirituelle risque d’être un long chemin parsemé d’embuches, de pistes sans issue, éphémères, n’apportant qu’une satisfaction provisoire.
Certains dans ce monde de l’état de veille , souhaitent purifier leur esprit, d’autres veulent s’écarter des plaisirs matériels considérés comme une entrave hédoniste à leurs aspirations ascétiques.
Ces croyants ne sont pas pour autant libérés de ce qui les entoure. En voulant se détacher de certains objets, ils y consacrent toute leur pensée.
Au lieu de les éliminer, ils arrivent au résultat inverse, en renforçant leur pouvoir et en se perdant dans les méandres de l’insatisfaction.
D’autres encore aspirent à la souffrance, espérant qu’elle leur ouvre les portes du paradis.
En cherchant à se détacher de la sexualité, des aliments, en recherchant la solitude, le silence, en pratiquant le yoga, des pratiques religieuses, des rituels ou encore en s’immergeant dans l’instant présent, l’aspirant à la Vérité aspire à la pureté et à la sagesse. Il souhaite se rapprocher de Dieu, de Jéhovah, d’Allah, de Bouddha, du Tao etc.
Par toutes ces pratiques sincères, il compte dépasser son insatisfaction d’être humain tout en continuant à garder pied dans sa réalité du monde. Il ne pourra en récolter qu’une courte satisfaction qui l’aidera peut-être à diminuer son ego et à renforcer ses croyances. Mais ces aspirations seront-elles capables de le satisfaire au-delà du doute ?

L’hindouisme complète avidya (la connaissance inférieure) par un autre élément, vidya (la connaissance pure), la connaissance de « Soi ».
Aucun instrument objectif ne peut être utilisé concernant la connaissance subjective, notre intellect ne pouvant saisir ce qui est au-delà de la Conscience objective. Nous tacherons néanmoins de découvrir vidya en réalisant que nous ne pouvons être ni ce corps, ni ces organes des sens, ni ce mental.

a) Les chemins de la sagesse

L’homme en recherche spirituelle empruntera un chemin plutôt qu’un autre en fonction de son cheminement. On peut en observer plusieurs comme : le chemin de la dévotion, le chemin du yoga, le chemin du renoncement et le chemin de la connaissance.
Contrairement aux idées reçues dans la société occidentale, pour les Hindous, tous les chemins sont bons. L’aspirant à la Vérité ne doit pas être découragé, sa sincérité le mènera progressivement à ce qu’il cherche.

Le chemin de la dévotion.

En acceptant l’état de veille comme étant la réalité du monde, le chemin de la dévotion est un des chemins admis par nos sociétés occidentales. Le dévot s’identifie avec le corps physique et conçoit le Divin comme un être vivant avec de nombreux pouvoirs. Il médite sur lui. Il se réjouit des visions qu’il en a. Son Dieu lui procure de l’extase et une paix limitée. La forme de l’Être Divin qu’il a choisie pour être adorée est une création de son mental et le dévot lui donne les qualités qu’il aime le plus. L’objet divin, l’idole a exactement les mêmes caractéristiques qu’un objet ordinaire à la différence près que celui-ci est extrêmement glorifié.

Le chemin du yoga.

Comme pour le dévot, pour le yogi, seul l’état de veille est réel.
Le yogi travaille sur son corps et essaie de développer et d’exploiter toutes les potentialités de son esprit. Il utilise la méditation, dans le but de fusionner le méditant avec le médité. Pendant la méditation, telle qu’elle est habituellement pratiquée, l’esprit ne cesse d’objectiver si bien que la dualité entre l’être et sa pensée n’est jamais transcendée. Le yogi essaie de concentrer son mental vers un idéal ou une forme de pensée, pour jouir du bonheur.
Quand le yogi commence à penser à l’impensable, son mental est projeté dans un état de néant, de vide, accompagné par un sentiment de paix et de totale satisfaction. Cet état s’appelle le Samadhi.
Le yogi considère cette forme de pensée comme la réalité absolue et limite la réalité à une pensée vide.

Nous verrons que la réalité est aussi bien dans le Samadhi que dans les activités de l’état de veille. L’homme commun est autant esclave du monde que le yogi peut l’être du Samadhi.
Quand le yogi cherche à contrôler sa pensée par des exercices physiques et mentaux, qui contrôle réellement son mental et son souffle ?
Ce ne peut être le mental qui est en même temps le sujet et l’objet de la même activité. Cela implique l’existence d’un principe indépendant du mental. C’est l’aspect vidya de la connaissance :
l’être ne s’identifie plus avec son corps ou avec son esprit mais avec la Conscience qui est sa véritable nature.
En peu de temps, le yogi comme le dévot en se concentrant raisonnablement sur leur but, récolteront le fruit de leurs efforts. Ils pourront atteindre des pouvoirs extraordinaires dans ce monde phénoménal. Si le yogi et le dévot ne sont pas influencés par ce qu’ils ont obtenu et si leur ego n’a pas pris de trop grandes proportions, ils se dirigeront vers l’enseignement d’un sage en réalisant que leurs méthodes n’étaient qu’une préparation à cette rencontre.

Le chemin du renoncement.

Le renoncement, tel qu’il est compris et pratiqué, consiste à rejeter certains objets auxquels on accorde de l’intérêt. Les autres plus proches de soi et beaucoup plus appréciés, comme son propre corps, ses sens et son mental sont naturellement conservés.
Comment le sacrifice de quelques objets pourrait-il aider à se rapprocher de la sagesse ?
Le but de la renonciation est incontestablement d’atteindre la Vérité. Mais il serait alors nécessaire de renoncer à tout ce qui n’est pas la Vérité, comme ce monde apparent qui n’est qu’un mélange de sujet et d’objet. De ce mélange, seul le sujet est la Vérité et tout le reste n’est qu’erreur apparaissant comme des objets, qu’ils soient grossiers ou subtils en incluant le corps, les sens et le mental. Les expériences de ce monde peuvent se réduire à « la Conscience d’objets ». La Conscience étant le sujet réel et le reste des objets apparents.
Par conséquent, afin d’obtenir la Vérité (la Conscience), il suffit de renoncer à l’objet.
Alors la Conscience, la Vérité ultime resplendit ainsi dans toute sa gloire.
C’est une des méthodes, qui ne peut être suivie que sous les instructions d’un Karana-guru, un Maître vivant.

Le chemin de la connaissance.

C’est la méthode que nous allons adopter ici. C’est le chemin vers lequel convergent les chemins précédents. Pour pouvoir suivre ce chemin
, nous devrons nous libérer de notre erreur fondamentale qui est d’avoir l’illusion d’être ce corps, ces sens ou ce mental.
Nous comprendrons que le monde que nous percevons dépend de celui qui perçoit, que nous avons trois états (l’état de veille, l’état de rêve, et l’état de sommeil profond) et que nous sommes régis par trois impératifs : exister, comprendre et être heureux. Nous réaliserons que le mental est un manque. Nous aborderons l’idée du temps opposé à la permanence. En analysant le concept du corps et celui de l’âme, nous essayerons de nous situer entre l’intérieur et l’extérieur. Nous étudierons la connaissance de l’objet et découvrirons l’intervalle qui existe entre deux perceptions. Nous comprendrons notre esclavage et la libération à laquelle nous tendons. Nous réfléchirons sur cette erreur fondamentale qui est la source de notre illusion.

Jusqu’à maintenant, nous posions notre attention sur le monde extérieur, tout en oubliant que le sujet était aussi important.
Qu’il soit le sujet d’un état de veille ou le sujet d’un état de rêve, le monde existe uniquement parce qu’il y a un sujet qui le perçoit ou qui le pense. Le monde est toujours en parfaite symbiose avec l’être qui l’observe. Le sujet est constitué d’un corps, entouré d’un monde, supporté par le temps, l’espace et la causalité.
Quand je vois la table, l’univers entier existe avec moi présent en son centre. Quand je vois un objet, je suis de la même nature que l’objet. J’existe dans un corps. En me matérialisant, je m’enlise dans un espace-temps infini. Le passé s’est concrétisé, l’espace s’est solidifié, la machine céleste est réalisée. Le futur prend la réalité de l’inconnu. Il ne reste plus qu’à le dompter et à le découvrir.
Dans le souvenir que nous avons d’un rêve ou d’un événement vécu, nous avons exactement la même trilogie. Même en imaginant que cet univers existait bien avant nous, nous sommes encore présents pour le penser. Nous expérimentons un monde d’objets que ce soit dans l’état de veille ou dans un état de rêve. Chaque objet existe, il est entouré d’un espace infini, il a une cause et un passé déterminé.
Le monde ici présent ne deviendra une pensée qu’en le quittant pour se retrouver dans un autre univers, un autre état de veille. Nous pourrons alors nous en souvenir et dire : j’ai rêvé.
Ainsi, ce monde que nous avions imaginé comme réel, deviendra aussitôt l’illusion d’un rêve.
Mais souvenez-vous, tant que vous étiez dedans, c’était la réalité. C’est seulement quand le poisson sort de l’eau qu’il peut savoir qu’il évoluait dans ce milieu aquatique.
Pour réaliser l’illusion du monde, il faut en sortir.
Quand nous sommes dans un rêve, nous sommes encore dans un état de veille. Et ce n’est que lorsque l’on change d’état, quand on se retrouve dans un autre état de veille, que le précédent devient un rêve. Cela confirme que tout notre monde repose sur un état de veille. Cela ne peut en être autrement puisque c’est toujours celui dans lequel nous sommes quand nous le pensons.
Toutes nos questions, toutes nos croyances, nous les avons fondées sur ce seul et unique état.

b) Mieux se connaître

Les trois états ; l’état de veille, l’état de rêve et l’état de sommeil profond.

Ainsi, nous considérons que nous avons trois états :
Dans l’état de veille, je suis un individu qui existe dans un corps séparé du monde extérieur. C’est un monde de dualité où tous les objets que je perçois, y compris mon propre corps, sont supportés par le temps, l’espace et la causalité. Ce monde ainsi réalisé, existe, existait avant et existera après cet instant. L’individu construit le monde en le séparant de lui. Séparé du spectateur, ce monde prend alors toute sa réalité, plus réel encore que le spectateur puisqu’il le précède et qu’il va lui survivre. Nous sommes dans l’illusion du monde.
Dans l’état de rêve, le monde que j’ai expérimenté, est lui aussi bien réel, puisque je le considère à ce moment-là, comme un état de veille. Ce n’est qu’au moment où je change d’état pour un autre que l’état précédent devient un souvenir.
Si dans ce souvenir, la causalité ou les objets ne correspondent pas à l’état dans lequel je suis en ce moment, je considère ce souvenir comme un rêve. Un rêve qui par définition est une illusion.
Là encore, nous pensons tellement que notre état de veille est notre monde de référence, tout ce qui se passe dans le rêve, peut être analysé comme pouvant nous donner des informations sur notre état : prémonition, état psychique, névroses, etc.
Dans l’état de sommeil profond, ce n’est qu’au moment où je me réveille c’est-à-dire quand je suis dans un état de veille que je peux penser : j’existais, j’étais bien et il ne s’est rien passé.
L’état dans lequel je me trouve, reste l’état de référence et c’est toujours l’état de veille.
L’état de sommeil profond devient alors le sommeil du corps. Pendant le sommeil profond, le mental n’est plus animé, il n’a pas de manque à combler et nous pouvons dire à notre éveil : j’étais heureux, en Paix !
Ces trois états, l’état de veille, de rêve et de sommeil profond constituent la totalité de l’expérience humaine.
J’existe sans apparence dans l’état de sommeil profond et j’existe avec une apparence, dans les états de rêve et de veille.
Cette permanence de l’existence, nous aide à prendre connaissance du « Je », du « Soi », dans la juste perspective.

Le Soi, notre être véritable.

« Je » suis présent aux trois états : dans l’état de rêve et de veille, je suis, j’existe, je suis Conscience d’objets. Dans l’état de sommeil profond, je suis, j’existe, je suis Conscience sans objet.
Le Soi est la lumière qui illumine chaque perception.
Le Soi est la première partie de la perception « Je vois une fleur ». La fleur est illuminée par « Je ». Je suis Conscience, la fleur apparaît et disparaît dans la Conscience. Je suis la lumière, je suis ce principe permanent, le « Soi Réel » qui se tient derrière chaque perception, émotion ou pensée. Les activités changent quand le Soi reste permanent.
C’est en mettant toute l’importance sur le Soi que nous approchons de la réalité.

Je ne suis ni l’acteur ni le celui qui recherche des plaisirs.
Je suis avant, pendant et après chaque manifestation.
Je suis présent, témoin immuable de chaque activité.
Pour percevoir la diversité je dois être sans diversité, je suis.

Vous devez avoir la conviction que vous avez toujours été, que vous êtes et que vous serez toujours le témoin de chaque expérience.

Notre motivation : exister, comprendre et être heureux.

Pour définir les motivations de notre existence nous pouvons les résumer très simplement en trois buts : je veux exister, je veux comprendre et je veux être heureux.
Pourtant tout paraît nous contredire !
Nous voulons exister et notre corps est mortel, dans un univers sans limite.
Nous voulons tout comprendre et nos facultés sont réduites.
Nous voulons être heureux et nous ne savourons que des bonheurs éphémères.
Dans ces conditions incertaines, le monde peut devenir angoissant, la peur qui nous accompagne peut se transformer en animosité, inhibant nos désirs de sérénité, de paix et d’amour.
La haine finit par se réveiller si la différence avec autrui est trop grande et génère trop d’incompréhension : l’autre n’est pas comme moi, il ne pense pas comme moi, il n’a pas les mêmes croyances, la même religion, il n’est pas de la même culture, de la même civilisation, de la même race, etc.
Il suffira d’une séparation pour que les anciens amants se déchirent ou d’un décès pour qu’une famille se divise pour des babioles, l’argent devenant alors l’ersatz de l’amour perdu.

L’être humain, comme chaque être vivant a l’instinct de protéger son existence. Il utilisera toutes ses capacités pour survivre.
J’ai en mémoire cet arbre magnifique qui a grandi au pied d’une très haute falaise. Il s’est d’abord développé en s’en écartant pour chercher la lumière. Puis, quand la lumière fut suffisamment bonne, il reprit la verticale pour continuer à s’épanouir vers le ciel.

Je veux exister : En réduisant l’existence à la vie du corps, nous voulons continuer à exister en le
protégeant.
Je veux comprendre : En limitant la Conscience à la pensée et à l’intellect nous demeurons insatisfaits.
Nous nous réfugions dans l’espoir d’avoir plus tard la réponse ou dans des
croyances quand la solution paraît impossible.
Je veux être heureux : en étriquant notre bonheur aux objets que l’on désire, nous courons après eux dans l’attente d’arriver un jour à connaître la paix.

Le but du désir est d’être sans désir.

L’être humain utilise tous les moyens pour cultiver son bonheur, de l’acte le plus instinctif, comme dormir, manger, faire l’amour, à des actions plus sophistiquées comme l’utilisation de drogues. L’homme essaie de baliser sa vie d’événements réjouissants. Chacun de ses faits et gestes est une impulsion pour trouver son bonheur : un hochement de tête, un mouvement du corps, une respiration, une façon de s’habiller, une manière de parler, un comportement, une façon de communiquer. Il sait ce qui peut le satisfaire ou le mécontenter. Il en a fait l’expérience, il sélectionne, il avance sur son chemin avec précaution, en tachant d’éviter les obstacles qui nuisent à son bien-être.
L’ennemi c’est l’autre, celui qui l’empêche d’être heureux. Il accuse la société, son environnement. Le ressentiment prend alors forme dans le conflit de générations, la lutte des classes, le racisme…
L’enfant qui pleure dans son berceau, la mère qui se désespère, le manifestant qui lève le poing, le drogué qui vole pour s’acheter une dose. Tous, ils clament leur désir d’être heureux.
La société occidentale s’égare dans ses croyances et ses valeurs. Certains perpétuent des coutumes, souvent pratiqués sans conviction. Elles constituent simplement un repère, une béquille. L’homme a tant besoin de béquilles pour se soutenir. Mais gare à celle qui casse, gare à l’événement imprévu et tout le château de cartes s’écroule. Est-ce là le bonheur ?
Peut-on continuer à vivre ainsi aveuglé par des plaisirs éphémères ?
Comment rester serein quand on est toujours en manque de quelque-chose ?
Nous voulons tous être heureux. Mais connaissons-nous au moins l’origine de notre bonheur ?

Le bonheur, je veux être heureux.
Nous percevons le bonheur comme une démarche, « le temps du bonheur ».
Nous mémorisons les objets, les situations qui mènent au bonheur. Au moment où le bonheur est atteint, à ce point sublime, à cet aboutissement, en cet instant, notre pensée se dissout dans la paix et notre mental n’est plus là pour en rendre compte. Alors, tout ce que nous pouvons en conserver, c’est le souvenir du chemin qui nous conduit à cette paix.
Ainsi, au fil des événements, chacun de nous se forge des habitudes, des samskaras qui tendent vers le silence du mental : l’aboutissement de notre chemin de bonheur.

Ce bonheur, nous le demandons à chaque instant et nous pensons que seuls des objets ou des situations peuvent nous le procurer ! Mais si c’était un objet qui nous rendait heureux, ne suffirait-il pas de le garder, pour être en paix toute sa vie ? Nous savons que ce n’est pas le cas, il ne fait partie que du chemin.
Nous savons aussi que les chemins qui nous donnaient du bonheur quand nous étions enfants, ne correspondent plus à ceux d’aujourd’hui. Les chemins s’usent, changent, évoluent.
A cause de cette quête incessante, nous ne pouvons lâcher prise. Et pourtant, ne suffirait-il pas de réaliser que le bonheur auquel nous aspirons provient du plus profond de notre être, de notre véritable nature qui est la paix ou le bonheur absolu.
« Je veux exister, je veux comprendre et je veux être heureux », ne sont que les reflets de notre véritable nature qui est Je suis l’Existence, Je suis la Conscience et Je suis la Paix.

J’existe. Je n’ai besoin de personne pour affirmer mon existence. Je sais que je suis, que j’existe : c’est une certitude, c’est un fait, c’est une évidence.
Quand nous nous identifions à notre corps, nous devenons un individu limité par le temps et perçu dans l’espace. L’existence devient alors la vie dans ce corps et nous imaginons la « non-existence » comme l’inertie du corps. Si le corps se remet à bouger, on dit que la personne est ressuscitée. « Elle est revenue à la vie ». Même notre langue reprend notre intuition sur l’existence.

Je suis conscient. La Conscience est permanente. Quand une expérience apparaît, elle apparaît en moi, la Conscience. Quand elle se présente, je suis dans l’état de veille. Quand il n’y a pas d’expérience, je suis dans l’état de sommeil profond.
Comprenez que, ce point du vue s’opère depuis l’état de veille. Alors que chaque expérience apparaît et disparaît en moi, la Conscience, le Soi permanent.
Si je n’étais pas permanent, comment pourrais-je percevoir l’impermanence ?
Etes-vous un être conscient ?
Il est impossible de répondre par la négative. Sans Conscience, je ne saurais pas que j’existe.
Mais, me percevant comme un individu, la Conscience subordonnée au corps se réduit à la pensée.
« Je pense donc je suis ». Ce n’est pas vraiment ça : j’existe, j’ai la Conscience absolue d’exister mais ce n’est pas la pensée qui crée l’existence, c’est un non-sens. « Existence » est. Désolé René !

Je suis Paix. Nous avons vu que le bonheur n’existe que quand le mental s’est résorbé dans le silence. Pour y parvenir, cela implique une succession d’événements, les uns à côté des autres, sans relation entre eux. Quand nous imaginons que ces enchainements d’événements aboutissent au bonheur, nous prenons l’habitude d’emprunter ce chemin. On comprend plus facilement toutes ces pratiques incongrues que l’homme a pu concevoir pour aboutir à un instant de bonheur.
Nous voulons être heureux, le mental se met en action pour aboutir au repos, au silence. En se résorbant il procure l’apaisement. Dans cette paix, le bonheur est accompli. Le bonheur est la véritable nature de l’homme.
Quand l’amour nous prend, nous sommes comblés de bonheur, il n’y a plus de manque. Les amoureux se voient « vivre d’amour et d’eau fraîche». Pendant ce moment, le mental est en repos et l’être retrouve son Soi profond qui était caché par ce mental avide d’objets et d’expériences.
Le but du désir est d’être sans désir.
Ma véritable nature est Existence, Conscience et Paix ou Bonheur absolu.
L’Existence apparaissant limitée est la vie. L’apparence de la vie est une illusion. La vie est un mélange complexe entre le « Soi » et le corps qui est quelque chose d’apparent et distinct du « Soi ». Tandis que le Soi existe indépendamment, le corps ne peut pas avoir une existence indépendante et ne peut être séparé du Soi même pour un moment.
Au lieu de connaître le contenu de ce qui apparaît, il suffit de le séparer de ce qui est. Alors le pur « Soi » subsiste, prouvant ainsi que le corps et tout ce qui est perçu ne sont par essence rien d’autre que le « Soi ».

L’angoisse de la mort.

Que notre corps change de forme au fil des années nous semble naturel : de nouveau-né, nous devenons enfant, adolescent, adulte, vieillard, jusqu’à la mort. Quel dilemme, quelle énorme frustration de savoir que ce corps va terminer sans vie, inerte, sans pensée ni sens et donc sans monde autour de lui. Tout cela nous dépasse. Mais c’est bien normal.
Comment peut-on résoudre une erreur en faisant comme s’il n’y avait pas d’erreur ?
A cause de notre identification au corps, nous sommes effrayés à l’idée de l’imaginer inerte. La mort, c’est l’extinction de la vie dans le corps. Pourtant, la vie comme la mort, Vivre et mourir ne sont que des expériences de l’état de veille ou de l’état de rêve. Elle sont situées dans le temps contrairement au « Soi » qui, du fait de sa permanence, n’a pas de temporalité.
La mort et le « Soi » n’ont aucun rapport entre eux, ils sont sur deux plans différents.

Pour aider leurs fidèles, les religions se sont imaginées des vies après la mort : des paradis, des enfers, des purgatoires ou des limbes. D’autres ont pensé à la réincarnation, d’autres voient des âmes errantes prenant l’apparence de fantômes. Pour palier à notre pensée défaillante, nous avons besoin que la vie continue après la mort ; représenter l’existence restreinte au corps est loin d’être satisfaisante ! Le corps n’est que de la matière, une enveloppe charnelle qui contient la vie, alors nous avons eu besoin de l’âme pour combler notre défaillance. L’âme est l’identification du Soi par rapport au corps. Elle est permanente et ne peut pas être définie par un changement. La mort devient l’idée de la séparation de la matière et de l’âme. Comment peut-on faire converger deux choses de deux plans totalement différents ?
C’est impossible, la mort est un mot sans signification, nous donnons un nom à quelque chose que nous ne connaissons pas.
Pourtant l’homme a peur de la mort ! Mais qui dit cela ?
Est-ce la vie ? La vie ne peut sortir de la vie, elle ne peut pas comprendre la mort.
Est-ce la mort ? La mort ne peut rien dire étant sans vie.
Est-ce le corps ? Le corps est de la matière inerte. Il n’y a personne d’autre pour en parler : la mort est un mythe, la mort n’est rien. Personne ne l’a jamais expérimenté. La mort est un nom inapproprié.
La vie et la mort sont deux apparitions qui ne peuvent pas exister sans un réel support : l’Existence.
L’existence est l’essence de la vie et de la mort et transcende les deux.
Elle se manifeste elle-même à des degrés variés d’intensité, en passant du royaume de l’être humain au règne minéral, elle est la partie immuable de chaque royaume. Tout le reste n’est qu’apparence et par conséquent irréel.
L’Existence est le support de la vie. Elle est la réalité qui n’a ni naissance ni mort.

« Un jour (c’était un rêve), j’ai trouvé la mort dans un accident d’avion. L’avion, un Boeing 747, devait se poser en catastrophe. Je me trouvais avec le commandant de bord dans la cabine de pilotage. Nous avions repéré un champ sur notre gauche où nous pouvions atterrir. Mais à cause d’une vitesse encore trop excessive, le pilote n’a pas pu éviter à l’atterrissage un énorme hangar agricole. Le choc fut si violent qu’il causa la mort de tous les passagers et membres d’équipage. Je me suis retrouvé comme une âme errante avec les autres. On pouvait se percevoir sans pouvoir se toucher. C’était une sensation étrange, inconnue dans cet état de veille. Le matin je me réveillais en pleine forme avec ce souvenir intéressant et encore très présent dans mon esprit. »
Pour comprendre qu’il n’y a pas de mort, il suffit de prendre référence au soi-disant état de rêve, dans lequel on peut voir sa propre mort ou celle de quelqu’un que l’on connaît. Au moment du réveil on sait que la personne du rêve et sa mort étaient toutes les deux des illusions. C’est de la même façon que nous devons voir la mort dans l’état de veille.

La mort et le sommeil profond sont inconnus du mental de l’état de veille, on ne peut pas pour autant les supposer identiques, ils sont sur des plans différents : la mort est un incident de l’état de veille tandis que le sommeil profond est l’expérience unique et indépendante de tout un état.

L’idée de l’âme :
Le Soi prend le nom inexact d’âme quand le Soi est perçu par erreur comme l’être à l’intérieur du corps.
L’âme se dissocie de ce dernier puisqu’elle perdure après la mort. Elle peut transmigrer d’un corps vers un autre. Une âme est chargée par ses samskaras : des aspirations, des pensées, des émotions, des bonnes ou mauvaises actions qu’elle a vécues au cours de son ou ses existences précédentes. Elle n’est pas une âme légère, pure ou limpide, c’est une âme lourde, imprégnée de qualités et de défauts.
Il est intéressant de constater que le temps et l’espace n’ont pas disparu. Si l’âme transmigre vers un autre corps, elle vient du passé, c’est un mouvement dans le temps toujours dans la même direction. Dans des séances de spiritisme, ces âmes viennent du passé, jamais du futur.
On a conçu un temps linéaire, nous sommes dans ce mouvement depuis la création du monde jusqu’à cet instant. Le futur n’existe pas encore mais va obligatoirement se produire tout de suite.

C) La dualité de l’être face à l’objet

Dans l’état de veille, nous nous accaparons tout : c’est mon corps, ma vie, mon travail, mon mari, ma femme, mes enfants, ma maison, mon pays, mon Dieu, mon rêve, tout est à moi. C’est la juste réalité des choses car chaque expérience est perçue comme séparée de Soi, à l’extérieur, il est naturel de se les réapproprier.
Comme tout est à moi, il serait intéressant de savoir où l’on se situe quand on parle de son corps, son cœur, son sang …

Transcender l’espace : l’intérieur et l’extérieur, le soi et l’objet.
Où suis-je quand tout est à l’extérieur ? Suis-je à l’intérieur ? Mais de quoi, puisque le corps comme tous les objets sont à l’extérieur ? Quand tout est à l’extérieur, où peut être l’intérieur ? Et s’il n’y a pas d’intérieur, où peut être l’extérieur.

Nous avons déjà découvert le Soi.
Prenons maintenant le problème de l’autre côté et analysons les objets. Comment les percevons-nous ? Chaque science, chaque croyance part de l’idée que ce monde existe. Comme nous l’avons montré, l’état de veille est un monde de temps, d’espace et de causalité. Alors nous analysons les objets de ce monde dans les moindres détails, nous étudions leurs relations, leurs interférences, leurs causes, leurs effets, tout ce qui régit ce monde imaginaire.
Si vous demandez à votre mental d’examiner un objet, vous vous apercevrez que vous ne pouvez le connaître que par votre connaissance et l’expérience que vous en avez. La connaissance et l’expérience sont en vous, jamais à l’extérieur. Elles ne vont pas à la rencontre de l’objet et ne peuvent pas prouver son existence matérielle. L’expérience ne peut prouver que l’existence d’une idée ayant la forme de l’objet. Les objets ne sont que des idées. Chaque expérience apparaît et disparaît en moi.
Quand vous êtes dans un rêve, vous êtes le sujet de ce rêve, vous êtes alors dans un état de veille, dans la réalité d’un monde.
A l’instant où cette expérience apparaît comme un souvenir, elle devient un rêve. L‘être qui agit dans le rêve et tous les objets de ce rêve apparaissent alors comme non existants.
De la même façon, on peut considérer que comme le rêve, chaque expérience passée est non existante.

Reprenons à la base le processus de perception : L’objet est d’abord perçu par un de nos cinq sens. Cependant, le sens n’est pas suffisant, il faut que cette perception soit transformée en connaissance pour être identifiée. La science admet que la preuve de l’existence d’un objet ne peut être prouvée que par sa perception à travers les sens. Rappelez-vous qu’une perception n’est qu’une simple idée : pour voir un objet, certains rayons de lumière traversent le globe oculaire pour imprimer la rétine, ensuite les nerfs optiques prennent le relais, pour emmener cette impression sous forme d’ondes électriques au centre du cerveau qui le transmet à l’esprit comme une simple idée. Ce n’est qu’à ce moment que l’on voit l’objet.

Analysons maintenant la perception sous un autre angle. Prenons l’exemple d’un mur, un mur très long. Imaginez que vous êtes devant lui et que vous n’en voyez pas la fin, pouvez-vous dire que c’est un mur ? Vous ne pourrez l’affirmer que quand votre regard sera arrivé à quelque chose qui soit autre chose que ce que vous venez de voir, par exemple un paysage. Vous pourrez alors dire que vous étiez devant un mur.
La perception doit se terminer pour que vous sachiez ce que vous avez vu.
au moment où je prends connaissance de ce que je vois, il n’y a plus de perception, il n’y a que la connaissance. C’est ce que l’on peut appeler une expérience.


Les sens, le mental et le Soi participent dans leurs domaines respectifs à la création d’un objet.
L’objet n’est pas un tout indivisible. Il est constitué de trois éléments d’identification qui sont :
la forme (la perception), qui est la création immédiate de l’organe du sens concerné.
le mental, qui sort de son magasin d’anciens concepts pour les entasser sur la forme ; il fait ainsi de l’objet un ensemble d’idées qui complète ce que vous venez de voir.
l’Existence, qui donne la réalité ou la permanence à l’objet. L’existence de l’objet forme le support sur lequel le percept et le concept peuvent apparaître. La permanence ou l’Existence ne peut jamais provenir des sens ou du mental ; elle ne résulte que de la Conscience. Le Soi en apportant sa pierre à l’édifice, lui donne le sens de la réalité, il le fait apparaître réel. L’objet est ainsi constitué de forme grossière, de forme mentale et de Conscience.
Nous voyons que la forme grossière de l’objet est celle que l’on perçoit physiquement. Elle devient mentale lorsqu’on cesse de concevoir un état de veille. En sortant de cet état, on se rend compte que la perception n’est qu’un rêve. On inclut dans cet état mental, tout ce qui est purement mental ou tout ce qui est passé. La forme mentale disparaît enfin quand on cesse de concevoir un état de rêve. On constate alors que l’expérience apparaît et disparaît dans la Conscience.
Dans le sommeil profond, il n’y a que Conscience. Elle est la substance de l’objet.
Avant de voir un objet, l’objet n’existait pas. Du point de vue matériel, on peut dire qu’il m’était inconnu. C’est l’impression que nous avons chaque fois que nous découvrons un nouvel objet. Le fait de le connaître ne lui fait subir aucun changement.
Pourtant quand je dis : « je connais cet objet », mon mental ajoute des attributs à cet objet inconnu, comme une forme, une couleur, un toucher, une odeur, un usage, etc. Le support de ces attributs, le fond de l’objet reste inconnu et le demeurera toujours.
On peut conclure que la réalité de l’objet est au-delà du connu et de l’inconnu, il est le support du connu et de l’inconnu. Nous ne connaissons que la réalité qui est au-delà de la connaissance ou de la « non-connaissance » d’un objet.

Chaque objet pointe vers Soi, la Conscience.
Peut-on voir un objet ? Je crois voir un objet, mais en réalité je ne vois qu’une forme qui n’est rien d’autre que l’acte de voir : je ne vois que voir.
Mais peut-on voir « voir » ?
L’acte de voir ne peut exister sans moi, le sujet. L’acte de voir n’est jamais séparé de moi, il n’y a que la Conscience d’un objet qui n’existe pas en tant que tel, il n’y a que Conscience qui est la Réalité.
Quand on voit la forme de l’objet, on en voit sa partie inerte, sa partie morte. Sa partie vivante est le fond, la Conscience, l’Existence et ne peut jamais être vue.
Pour être considéré comme un objet, il doit être distinct et séparé de Soi. Il doit aussi être connecté avec le sujet dans la relation du sujet à l’objet. Au moment où l’objet est connu, l’objet doit nécessairement abandonner son objectivité pour ne faire plus qu’un avec Soi ou pour être identique à Soi.
Cela se passe au niveau relatif de l’ego comme au niveau absolu. Dans les deux cas, une identité s’est établie :
Au niveau de l’ego : l’ego se perd dans l’objet et devient identique à l’objet pour un instant.
Au niveau de l’absolu : l’objet se dissout pour toujours en Soi, la Conscience.
Chaque pensée, chaque perception n’est rien d’autre que l’ultime réalité ou la Connaissance au moment où elle est connue.
La dualité : quand j’identifie l’expérience à un objet, je suis dans la dualité, l’objet est alors perçu avec une existence indépendante de celui qui le perçoit.
Cette existence appartient-elle à l’objet ?
Un objet ne peut pas exister sans être connu et nous avons vu qu’un organe des sens par lui-même ne peut pas créer un objet. En apparaissant dans la Conscience, l’objet en prend toutes ses caractéristiques. On lui approprie l’existence et la permanence de la Conscience. L’objet s’inscrit alors dans le temps, l’espace et la causalité.
Emmanuel Kant en s’interrogeant sur l’existence d’un objet, a compris que l’on ne pouvait pas uniquement se soumettre au sens pour connaître un objet. Sans pouvoir dépasser la dualité, il a pu imaginer la « chose en soi », l’existence au-delà de la forme donnée par le spectateur, ce «quelque-chose» qui existe indépendamment des sens, le noumène sur lequel on surimpose des qualités variables. Il a pensé alors que l’objet est composé du noumène, le fond, le support et des qualités que nous lui surimposons. Les qualités changent, l’objet générique en lui-même ne changeant pas.
Prenons comme exemple le mot « fleur ». Le sujet voit une fleur par sa forme, sa couleur, il lui donne un nom, une qualité, une odeur… Tout ce que l’on peut dire c’est que la « fleur » existe au-delà des changements qui peuvent s’opérer sur elle.
Je suis aussi cette permanence ; j’existe, au-delà du corps, du mental et des sens. Seules les qualités que nous attribuons nous sont connues. Ces qualités vont et viennent, elles ne changent en rien le support de l’objet qui reste inconnu.
Il ne peut pas y avoir deux inconnues, car il faudrait alors pouvoir les distinguer l’une de l’autre et elles ne seraient plus inconnues. Par conséquent tous les objets n’ont qu’un seul et unique support. Ce support n’est rien d’autre que « le Soi », l’unique réalité.
En abandonnant tout ce qui est surimposé à la fleur ou à Soi, on s’aperçoit que ce qu’il reste est fait de la même substance : Existence, la Réalité absolue. On perçoit alors la fleur comme le Soi : la pure Conscience.

L’idée du monde qui, apparaît à travers un tas de pensées, d’émotions et de perceptions, n’est rien d’autre que la pure Conscience. Quand on en parle, on en fait une idée qui n’est plus ce qui est mentionnée.
La réalité ne peut pas être objectivée. La pensée et les discours obscurcissent la réalité. En cessant ces activités, la réalité brille de sa propre splendeur.

Examinons maintenant deux expériences, comme par exemple deux perceptions, elles ne peuvent pas se produire au même moment ; la première doit disparaître pour que la seconde apparaisse. L’une et l’autre ne peuvent coexister. Alors que se passe-t-il entre deux expériences ?
Inévitablement, il doit y avoir un intervalle que l’on ne peut pas considérer comme une expérience.
Nous pouvons comprendre cet intervalle de « non-expérience » en le comparant au sommeil profond. Je suis permanent, immuable, chaque expérience apparaît et disparaît en moi, je suis Existence, Conscience, Paix.

Transcender la temporalité.

Nous avons vu que le temps existe lorsqu’il y a un avant et un après différents.
Dans l’état de veille comme dans l’état de rêve, le temps est perceptible. Nous sommes dans la dualité, le sujet est présent avant, pendant et après chaque expérience. Le sujet, ses perceptions et les objets perçus sont supportés par le temps, l’espace et la causalité.
Ce temps est conçu avec un présent précédé par un passé et nous imaginons un futur dans la continuité de notre présent ; nous échafaudons un temps infini support de toutes nos expériences.
Dans l’état de sommeil profond, par nature sans expérience, le Soi est permanent. Il n’y a ni avant ni après, sans temps, je suis dans la non-dualité.
Quand nous entendons le mot « permanent », nous comprenons « qui ne s’interrompt pas » ce qui nous ramène malgré nous, à une idée de temps. Nous sommes tellement habitués à concevoir le temps comme le support de toutes les expériences qu’il paraît impossible de dissocier la permanence du temps.
Entre deux expériences, nous pouvons à peine imaginer un « absenthésimal » point de temps. « Absenthésimal » car le temps conçu entre deux expériences ne peut être pensé qu’en donnant une continuité de temps entre l’expérience qui le précède et celle qui le succède.
Le rêve est aussi soutenu par du temps, de l’espace et de la causalité. Quand le rêve disparaît, son temps, son espace et sa causalité disparaissent avec lui.
Nous pouvons aussi considérer que le temps, l’espace ou la causalité sont des expériences qui apparaissent en moi, la Conscience.
Dès qu’une expérience apparaît, c’est la réalité de l’état de veille qui apparaît.
Cet état de veille devient un état de rêve quand il est mémorisé dans un nouvel état qui devient à son tour l’éveil.
Nous avons besoin de vivre la permanence et tout ce qui la perturbe est qualifié de souvenir, de rêve ou d’imaginaire.
L’objet que je perçois en ce moment s’inscrit dans le temps, l’espace et la causalité. Je suis assis devant la même table qu’hier, je travaille sur le même ordinateur, je suis dans la même pièce…
Si les perceptions étaient perçues indépendamment les unes des autres, notre idée d’un monde pourrait-il exister ?
Il n’y a pas si longtemps, les chercheurs, les scientifiques ne pensaient jamais se prendre en compte dans leurs expérimentations. Ils oubliaient que c’était eux qui regardaient, qui cherchaient. Ils considéraient que leur expérience pouvait exister sans eux, alors qu’ils y étaient intimement liés. Albert Einstein a quand même exprimé un doute :

« J'aime à penser que la lune est toujours là, même si je ne suis pas en train de la regarder. »

Le temps reste toujours une grande question qui perturbe nos esprits.
Analysons-le autrement : est-il possible de sortir de l’instant présent ? Le passé apparaît sous forme de pensée dans l’instant. Le futur fait partie de l’imaginaire, il n’est aussi qu’une pensée. Le passé comme le futur ne sont que des surimpositions aux pensées qui nous viennent. Elles dépendent impérativement du présent. Le temps n’est qu’un concept.
Une fois de plus, nous nous sommes abusés, comme quand, la nuit, nous faisons tourner au bout d’une corde un objet incandescent, nous voyons un cercle de feu. Ce cercle de lumière n’est qu’une illusion. Il n’y a que cet objet qui impressionne notre rétine en des points différents. En analysant chacune de nos expériences indépendamment l’une de l’autre et d’une façon désintéressée, nous nous retrouvons centrés dans la réalité que nous n’avons jamais quittée.

Transcender la causalité.

Convaincu d’habiter dans ce cosmos, on aimerait connaître la cause de toutes les causes, comme la cause de cette diversité d’objets. On souhaiterait trouver une explication au-delà de l’univers. C’est totalement illogique, car nous oublions alors que le temps, l’espace et la causalité font partie intégrante de notre conception de ce monde.
Nous sommes aussi dans la même incohérence quand on se demande : quelle est la cause de l’état de veille ?
Le matin après une bonne nuit de sommeil, l’alarme sonne et je me réveille. Puis-je dire que le bruit du réveil s’est produit dans le sommeil profond et que ce bruit m’a fait passer de l’état de sommeil profond à l’état de veille ?
Le sommeil profond n’a pas d’expérience, il est un état de paix, de bonheur, nous ne pouvons pas dire que le bruit retentisse dans le sommeil profond. Le bruit ne peut survenir que dans l’état de veille et par conséquent, il ne peut en être la cause.
La causalité est le produit de l’état de veille. La seule façon de la comprendre serait d’aller au-delà de l’état de veille.
Dans l’état de rêve ou dans l’état mental, la causalité comme le questionnement sur la causalité disparaissent pour n’être plus qu’une illusion. Mais ce que nous appelions un état de rêve était considéré comme un état de veille. Il n’est devenu un état de rêve uniquement lorsque l’état de veille est passé.
La causalité qui apparaissait alors comme raisonnable quand le soi-disant rêve s’activait, est devenu irréelle. Si elle est maintenant irréelle, elle était aussi irréelle quand elle était considérée comme un état de veille. Il n’y a donc pas plus de connexions entre les objets dans l’état de veille qu’entre les objets dans l’état de rêve ! On ne peut donc pas établir une causalité entre deux objets pendant l’état de veille.
On réalise ainsi que la causalité n’est qu’un objet comme tous les autres objets.
En analysant le monde, nous découvrons qu’il est une illusion. Mais quand nous sommes dans le monde, ce monde est bien réel. Acceptons un instant qu’il le soit, il lui faut donc une cause et imaginons qu’une telle cause puisse exister, cela voudrait dire que sans cause précise, ce monde ne pourrait pas apparaître ! La cause doit aussi être différente de l’effet c’est-à-dire qu’elle doit être différente du monde que nous analysons.
Dans l’exemple du serpent et de la corde, le serpent ne pourrait apparaître si son support n’existait pas. Mais nous savons aussi que le support ne subit pas de changement, par conséquent la corde ne peut être la cause de l’illusion du serpent.
De la même façon, le monde ne peut pas exister, si la Conscience absolue n’est pas derrière pour le supporter. Mais la Conscience ne peut pas en être la cause puisqu’aucune cause ne peut exister en elle. Par conséquence, le monde analysé ne peut avoir de cause.
Peut-être avons-nous été émerveillés ou intrigués par un miracle, un événement qui a dépassé notre causalité ordinaire ?
Mais pourquoi avons-nous tant besoin de mystère ou de magie pour être déconcertés ?
Regardons ce monde et tout ces objets autour de nous : ne sont-ils pas totalement extraordinaires ?
Quand nous sommes insatisfaits avec l’effet, nous lui cherchons une cause en lui donnant plus d’importance que l’effet. Pourtant, ce dernier n’est pas plus réel que la cause.
Chercher la cause est aussi une façon indirecte de rechercher la Vérité. Cette recherche peut être poursuivie par différents chemins. Chacune de ces approches peut nous mener à la Vérité.

– Par ma seule présence, j’illumine les objets, quand il n’y en a plus que puis-je être si ce n’est la lumière ?
– Je suis seul dans le sommeil profond, je suis Conscience et Paix. Comment alors s’adresser au sommeil profond autrement qu’à Soi ?
-Comme il n’y a ni temps, ni espace, ni causalité dans le sommeil profond, ces deux questions, comment je me suis endormi ou comment je suis sorti du sommeil, sont sans rapport avec moi.
– Je suis dans un monde fait de temps, d’espace et de causalité. Ils font partie intégrante de ce monde et dès qu’il disparaît, le temps l’espace et la causalité disparaissent avec lui. Comme le serpent apparaît sur la corde, le monde apparaît dans la Conscience. Le monde tel que nous le concevons est une illusion.
– Quand on voit, il n’y a que la vue. Aussi loin que la vue est concernée, il n’y a pas la Connaissance. Quand la vue se termine, La forme fusionne dans l’acte de voir. L’objet est réduit au connu et le connu n’est rien d’autre que la Connaissance. Ce n’est pas la Connaissance de la forme, mais la Connaissance pure. C’est le dernier acte ou le dernier lien dans la chaîne de toutes les activités. Il n’y a rien d’autre à savoir. Le dernier savoir n’est pas une expérience sensible, elle est la Vérité ultime.
– La Conscience transcendantale ne peut pas témoigner d’autre chose que d’elle-même. Les objets ne nous attirent pas vers l’irréel mais vers la réalité. C’est cela le miracle, c’est cela le prodige !
– J’ai une idée, est-ce moi qui la connais ? Cela ne peut pas être une autre idée, deux idées ne peuvent pas coexister en même temps. Seule la Conscience peut connaître l’idée : c’est exactement comme on connaît le bonheur dans le sommeil profond, en étant identique à cela.
– Au moment où l’idée est connue, le côté matériel de l’idée est abandonné ainsi que son essence, la pure Conscience seule subsiste. Ce que l’on appelle une idée, n’est pas réellement une idée, comme on le suppose, mais seulement pure Conscience.
La Conscience ne peut connaître rien d’autre que la Conscience.

Une autre façon de voir le temps, l’espace et la causalité.

Au concept de l’univers, nous ajoutons celui qui serait son support, le temps, alors qu’il n’appartient qu’aux royaumes de l’état de veille et de l’état de rêve.
Comme nous l’avons vu, la mémoire nous permet de connecter toutes les expériences entre elles et ce lien nous fait imaginer le monde inscrit dans un temps infini.
Pourtant, le temps aussi n’est qu’une pensée, un concept. Le fait qu’on ne puisse limiter une pensée par une autre, révèle qu’elle n’est pas simplement une pensée, elle est la Conscience.

Il suffit de comprendre l’espace comme la Conscience et l’espace devient l’absolu.

Donnez la Conscience au temps et le temps devient l’absolu.
On imagine que le monde existe ici, mais ce « ici » existe dans la Conscience. Le monde apparaît et disparaît en Soi, la Conscience.

Le temps est composé du passé, du présent et du futur, ils sont tous les trois interdépendants. Le passé et le futur ne sont expérimentés par personne, sauf quand ils surviennent dans le présent. On peut donc les considérer comme du présent. Mais, si on examine ce présent plus minutieusement, on peut le réduire à un moment qui glisse dans le passé avant même que l’on ait pu s’en apercevoir.
Il est comme le point géométrique qui n’a pas d’espace. Le présent n’est qu’un compromis entre le passé et le futur au moment où ils se rencontrent. Le présent, personne n’en fait l’expérience.

Quand l’Existence, la Conscience et la Paix sont limitées par le mental : l’Existence est limitée à la vie, la Conscience est limitée à la pensée et la Paix est limitée à l’émotion.

Le mental comme la mémoire, supports de la causalité, ne sont rien d’autre qu’une pensée. Comme nous l’avons analysé, une pensée ne peut pas contenir une autre pensée. C’est une erreur de considérer qu’une pensée passée est enregistrée dans le mental. Voir un objet et le prendre pour quelque-chose que l’on a déjà vu s’appelle la mémoire. Dans l’exemple du rêve, nous percevons aussi la même chose et la mémoire dans le rêve ne prouve pas que l’objet existe. La mémoire dans le rêve disparaît avec le rêve.
La mémoire ne prouve rien du passé qui n’existe pas plus que le mental.

Le témoin

Je me souviens d’une pensée que j’ai eue ce matin ou d’un rêve que j’ai fait cette nuit et je dis l’avoir eue, c’est ainsi que je fais de moi le penseur ou le rêveur. Ce changement injustifié dans la pensée est le seul responsable, il m’empêche de me voir comme le témoin de chaque expérience.

Quand j’ai l’impression de me souvenir de quelque-chose, c’est en réalité une nouvelle pensée qui n’a rien à voir avec la précédente, même quand on se souvient d’en avoir été le témoin. Ne vous est-il pas arrivé aussi de vous rappeler d’un rêve qui se passait dans un même lieu que vous aviez vu dans un autre rêve ? D’avoir fait un rêve dans un rêve en vous réveillant encore dans un rêve ?
De continuer un rêve que vous aviez fait la nuit précédente ?
D’avoir cette impression de déjà-vu quand vous venez de vivre un événement qui vous donne l’impression de l’avoir déjà vécu ?
Toutes les expériences sont possibles et si l’on n’y prend pas garde, elles ne nous apportent que de la confusion. Il n’y a pas de différence entre le souvenir d’un rêve ou d’un événement du passé. La mémoire n’est que le nom donné à une expérience présente avec le goût du passé.
On ne peut jamais se souvenir d’une pensée.
La mémoire nous fait croire que l’on pense une nouvelle fois à un objet de sa pensée.
Seul le témoin a une expérience « pensée », le témoin est dans l’expérience et pas ailleurs.

Qui peut se souvenir du rêve ? Le personnage du rêve, son mental, ses sens et son corps comme tous les objets du rêve sont inexistants. Ce ne peut être le héros du rêve qui peut se souvenir du rêve, ni l’individu de l’état de veille car au moment du rêve, il n’était pas présent. Le rêve n’a pas plus de support pour que l’on puisse s’en rappeler.
La mémoire ne permet pas de conserver le rêve. Pour pouvoir vous remémorer de votre rêve, il doit être passé, comme l’état de veille dans lequel vous étiez. Le sujet d’un état ne peut pas être le sujet d’un autre état.
Comme l’objet, le rêve est connaissance. Je vois une forme ; j’entends un son ; je touche le toucher… Chaque perception a son attribut correspondant, je ne peux pas voir du son ou toucher une forme.
Le mental perçoit des objets mentaux et la Conscience ne peut avoir d’autre essence que la Conscience elle-même, la Réalité absolue.

On pourrait aussi appeler les trois états : l’état sensoriel, l’état mental et l’état Conscient.

Dans l’état sensoriel ou de veille, quand on se réjouit de quelque chose, on ne se tient pas séparé du bonheur mais comme le bonheur. Au lieu d’interpréter cette situation comme non-dualiste, on la prend en matière de sujet et d’objet.
En ressentant du bonheur, cette interprétation positionne l’ego, parce que l’on donne plus d’importance à la fonction du mental qu’à sa satisfaction. Mais c’est notre véritable nature de paix, qui se manifeste comme bonheur limité dans l’état de veille comme dans les autres états.

Dans l’état mental ou de rêve, on se rapproche de la Vérité. Dans cet état les objets sont irréels. Aussitôt que le rêve est terminé, on peut voir clairement que le sujet et les objets qui sont apparus dans cet état, étaient des créations du même mental. Par conséquent « un », puisqu’ils sont de la même substance : le mental. La diversité dans cet état n’apparaît alors que comme une idée.

Dans l’état conscient, on perçoit uniquement la lumière quand elle est temporairement obstruée par un objet. C’est cette perception de la lumière que l’on appelle communément l’objet.
De la même façon la Conscience pure n’est pas perceptible, comme on le voit dans le sommeil profond. Mais quand elle est confinée ou limitée à un objet particulier, elle semble devenir perceptible. Nous concluons que personne n’a jamais vu un objet mais seulement la Conscience.

3 – Vers la non dualité de l’Advaita Vedanta.

Different Stages of Illumination I.
I. He, whose mind is captivated by the beauty of a figure sculptured in a piece of rock, forgets even the fact of the rock being its background.
II. When he rises above this captivation and looks at the figure, he sees the background, rock, which supports the figure.
III. When the rock thus receives attention, rock is seen also in the figure, and later on the figure is seen as nothing other than rock.
IV. Enlightenment of truth also comes in this manner. Consciousness becomes dimmed chiefly through one’s captivation and abiding interest in external objects.
V. When one outgrows this interest and looks at the objects it will be found that they rise and abide in consciousness alone.
VI. When consciousness thus begins to receive due attention, it becomes revealed in the objects as well and they themselves will in due course become transformed into consciousness.
VII. It is the realization of oneself and the entire world as one consciousness that is known as realization of truth.
Extrait d‘Âtmâ Darshan (A son point ultime) par Sri Krishna Menon

Différentes étapes de l’Illumination
I. Celui dont l’esprit est captivé par la beauté d’une forme sculptée dans le roc, oublie même le fait que le roc en soit le support.
II. Lorsqu’il s’élève au-dessus de cette captivité et regarde cette forme, il aperçoit le support, le roc qui soutient cette forme.
III. Quand le roc devient ainsi l’objet de l’attention, il est perçu également dans la forme et plus tard, la forme n’est vue qu’en étant du roc.
IV. L’illumination spirituelle vient de la même manière. La Conscience devient obscurcie principalement à cause de notre attraction vers les objets extérieurs et de l’intérêt persistant que nous leur portons.
V. Lorsque l’on arrive à surmonter cet intérêt et que l’on regarde alors les objets, on verra qu’ils surgissent et demeurent seulement dans la Conscience.
VI. Quand la Conscience commence ainsi à recevoir l’attention qui lui est due, elle vient à se révéler également dans les objets et à terme, ceux-ci seront transformés en Conscience.
VII. C’est la réalisation que le soi et le monde tout entier forment une Conscience qui est connue comme la réalisation de la Vérité.

Nous allons continuer notre investigation en découvrant que le monde est le miroir du Soi. Nous verrons par quel processus il apparaît. Nous tendrons vers la totale discrimination et découvrant la non existence de l’objet. Nous positionnerons l’individu libéré de l’égo (père de la dualité) et nous comprendrons que la réalité a été escamotée par l’illusion d’un monde. Nous apprécierons que la recherche du bonheur, pointe notre véritable nature et que l’amour naisse de la mort de l’égo. Nous ressentirons le beau et nous continuerons sur la voie de la guérison et prenant la position du témoin. Nous étudierons le nom, l’individu, « qui agit ? ». Nous découvrirons que nous avons trois « vies » à prendre en considération. Enfin, nous aborderons la non-dualité par les trois états qui correspondent à notre expérience humaine et nous terminerons ce chapitre en acceptant que vous croyez en la réalité du monde…
Nous réaliserons l’Advaita Vedanta comme source de la Connaissance, nous parlerons des sages, des Gurus qui ont porté l’Advaita à travers la relation de Maître à disciple, de Sat-Chit-Ananda pour terminer par le mantra AUM.

a) Le monde le miroir du soi.

La pure Conscience est l’ultime réalité. Elle s’exprime elle-même comme Conscience de Soi sans admettre un support. C’est la plus immédiate de toutes les connaissances et son identification avec l’être est totalement au-delà de la relation sujet / objet.
La Conscience semble dégénérer, en apparaissant s’exprimer à travers le mental et les sens, comme les pensées et les perceptions. En acceptant l’intermédiaire du mental et des sens, les apparences que l’on nomme pensées et perceptions semblent être séparées du Soi.

L’apparition du monde.

Je suis existence inconditionnée, Je suis.
Je sais que je suis. Je suis le témoin de la pensée générique.
La pensée devient particulière incluant le temps, l’espace et la causalité. J’étais avant, je serai après, le temps est devenu le support.
En me séparant de la pensée, Je deviens le penseur de la pensée. Je suis le penseur qui pense la pensée.
Je deviens ensuite celui qui perçoit un objet dans un monde qui s’est concrétisé.
De cette perception je deviens l’acteur, celui qui fait et qui agit dans ce monde d’objets. Je ne remets plus en question la perception du monde.

L’apparence du monde.

L’illusion est transformée en réalité.
Dans la position de l’eau il n’y a ni vague, ni mer, ni flaque d’eau, il y a « eau ».
Dans la position du marbre il n’y a pas de sculpture.
Dans la position de la terre, il n’y a pas de pot.
Je suis Existence, Conscience et Paix. Je suis le lien de chaque perception et ce n’est que par moi qu’elles existent.
Dans le rêve, c’est simple à comprendre : il s’y passe tant de choses. Ces événements ne sont reliés entre eux que par le sujet-acteur qui devient le seul témoin quand le rêve est mémorisé, c’est-à-dire quand il est devenu connaissance.
Le monde est notre miroir : un objet ne peut être qu’un objet perçu par un sens ; sans être perçu, il ne peut pas exister.
Si notre conception du monde est matérielle, on le perçoit en possédant un corps matériel.
S’il est perçu par l’esprit, il est une pensée.
L’objet dépend de la perception, mais rappelons-nous qu’il ne peut pas y avoir deux perceptions en au même moment. Si deux objets ne peuvent pas coexister, on ne peut pas les comparer. Par conséquent, il n’y a pas de diversité.
La diversité est aussi une illusion. Ce qui nous rend esclave est notre conviction que l’objet continue à exister après en avoir eu connaissance et notre libération s’opère quand nous réalisons qu’il n’en reste aucune trace.
L’être identifié au corps enfante un monde dans lequel il agit, perçoit, pense, vit des émotions et enfin connaît. A chaque expérience, il est convaincu d’être celui qui agit, celui qui pense ou celui qui a des émotions. Encore une fois, l’exemple du serpent et de la corde illustre bien cette illusion.
Le serpent représente la totalité du monde matériel et mental. La corde représente la réalité qui sous-tend cette illusion. Il n’y a jamais eu de serpent à la place de la corde comme il n’y a jamais eu de monde à la place de la Réalité.
La terre n’est pas le pot, mais le pot est la terre.
La Conscience n’est pas l’objet mais l’objet est Conscience.
La vague et l’océan sont des objets, mais ne sont que de l’eau, ils sont « un » et semblables.
Tous les chemins spirituels cherchent à montrer la réalité derrière l’apparence. Mais si on regarde depuis la Réalité il n’y a plus d’apparence.
Prenons un bracelet en or, au premier regard on ne voit que le bracelet, à la pensée suivante on voit que c’est de l’or. A cause de la perception, on met plus d’emphase sur la forme que sur l’or. On peut penser ensuite que la forme change, mais que l’or reste invariable. L’or est permanent et la forme n’est qu’une illusion.
Maintenant si on regarde le bracelet, de la position de l’or, on ne voit que l’or dans le bracelet. Même dans l’apparence il n’y a que l’or qui apparaît, jamais le bracelet.
Un bracelet est un bracelet par convention. Si vous réussissez à voir l’or dans le bracelet et que vous comprenez que l’or est la seule partie permanente, alors dans chaque perception du bracelet, vous ne verrez que l’or.
De la même façon, quand vous voyez que vous n’êtes ni ce corps, ni ces sens, ni ce mental, qui ne sont que les ornements du Soi, vous mettez en valeur le Soi comme vous avez mis l’or en valeur.
Acceptons un moment que le fait de voir soit possible : je vois. Mais qu’est que cela prouve ?
Cela prouve que je suis, que j’existe et rien d’autre. Le monde apparaît, cela veut dire que le monde est éclairé par la Conscience. Chaque objet apparaît dans la Conscience et prouve que j’existe, je suis.
La Vérité est imperceptible à nos sens, elle apparaît comme ce monde quand on regarde à travers les sens. L’homme commun ne voit que l’apparence et lui attribue toute la réalité. Les objets existent dans l’espace. L’espace ne peut être conçu indépendant des objets eux-mêmes. Par conséquent, l’espace et les objets sont mutuellement dépendants de leur existence, on peut donc les éliminer comme étant tous les deux irréels.
Seul la Conscience reste réelle. L’espace est un nom inapproprié et ce qui apparaît comme l’espace n’est rien d’autre que la Conscience.
Nous avons vu qu’aucune perception ne pouvait s’arrêter en chemin. Chacune prend fin dans la connaissance.
La perception et « ce qui est perçu » n’existent que dans la connaissance, ils ne peuvent pas avoir d’existences indépendantes.
Quand je dis que je vois une forme, voir et forme ne sont pas séparés. La forme désigne un objet d’une certaine matière. Prenons encore le pot de terre. Si on enlève la terre du pot, il n’y a plus de pot.
Mais peut-on voir de la terre sans forme ? Certes non, on peut voir une motte de terre, un champ de terre. Maintenant si on enlève la forme du pot, la terre ne peut pas exister sans prendre une autre forme.
Chaque perception, chaque expérience apparaît et disparaît dans la Conscience. Le pot de terre n’est pas fait de forme ni de terre mais de Conscience.
En prouvant que l’objet est non existant, on prouve de la même façon qu’il n’avait jamais existé auparavant et qu’il n’existera jamais ultérieurement.
L’illustration du pot et de la terre est généralement adoptée pour montrer que le monde n’est rien d’autre qu’Âtmâ, le Soi. La terre représente Âtmâ et le pot représente tout ce qui est autre qu’Âtmâ, que ce soit grossier ou subtil comme le nom, la forme, l’utilité… en d’autres termes, le pot matérialise l’objet dans son sens le plus vaste. Cette image veut montrer qu’il n’y a pas de pot indépendant de la terre.
Par conséquent quel que soit le moment, il n’y a pas de pot mais seulement la terre. De façon similaire il n’y a pas d’objet ou de monde tel quel, mais seulement Âtmâ. Le mieux est de voir le pot comme rien d’autre que la terre même quand le pot reste comme un pot. C’est ce qu’on appelle la totale discrimination.

La totale discrimination est une activité particulière mais pas une pensée bien qu’elle semble ainsi. Son principe est d’éliminer à l’aide d’arguments, la supercherie du corps, des sens et du mental. Ce qu’il reste est Âtmâ le Soi réel, l’absolue Vérité.

Le monde n’est qu’un ensemble de problèmes qui surgissent par l’ego dans une chaîne ininterrompue tandis que l’ego échappe toujours à la reconnaissance.
Toutes les sciences tentent d’analyser et d’examiner chaque objet en oubliant le maître des usurpateurs : l’ego. De ce fait, leurs méthodes ne pourront jamais épuiser les problèmes du monde, ni les terminer avec une conclusion raisonnable.
La seule approche correcte pour résoudre ces problèmes est de diriger son attention vers le sujet qui est nié : l’ego. Au moment où l’on commence à le faire, on se positionne sans le savoir dans la Conscience au-delà de l’ego et du mental. Alors l’individu est libéré de l’ego et n’apparaît plus que comme la Conscience elle-même. Grâce à ce positionnement, les problèmes déconcertants du monde disparaissent définitivement, comme le brouillard devant le soleil.

L’inexistence du monde.

Une chaise n’est une chaise que par convention. Elle devient un objet qu’à partir du moment où l’on connaît la chaise. Nous avons vu que pour la connaître, la perception doit disparaître pour devenir de la connaissance. Nous pouvons dire que notre rôle consiste toujours à détruire le monde à chaque fois qu’il apparaît.
Le monde n’est fait que de perceptions, pensées et émotions. Aussitôt que l’une d’elles apparaît, elle est absorbée par la Connaissance, détruisant ainsi l’objectivité du monde.
Le mental agit pour retourner au silence et à la paix. L’émotion est l’autre facette du mental, c’est le sentiment qui tend vers le bonheur et dès qu’il y a bonheur, il y a dissolution dans la paix.
Posez-vous la question : qui suis-je ? Pensez à votre corps, à vos expériences sensorielles, à votre mental, à tout ce que vous connaissez, tout ce qui est séparé de vous. Quand toutes ces pensées s’arrêtent, vous ne pouvez pas dire que vous n’existez plus !
Vous êtes ce principe d’existence qui demeure après que tout ce que vous pouvez percevoir a été éliminé. Comme dans le sommeil profond, Une seule certitude existe : je suis.
En regardant une magnifique sculpture en marbre, vous ne voyez que la forme dans le marbre. Mais si votre fascination pour la forme disparaît, vous ne verrez plus que le marbre. Pour le marbre, il n’y a que marbre, la forme est une illusion. De la même façon, l’être est sans objet, il ne possède pas, il est. L’être et le corps sont sur deux plans différents. Mais, parce que nous croyons à ce monde d’objets, pour se rapprocher au mieux de notre intuition de la Vérité, sans perturber nos croyances, nous nous devons de croire que le corps est habité par l’âme ou l’être.

b) L’ego, le reflet de nos émotions.

Nous croyons percevoir, penser et connaître, parce que nous nous identifions au corps. En étant ce corps, nous devenons l’acteur de toutes nos actions. Ce n’est que l’ego (l’être identifié au corps) qui nous joue des tours. L’ego est le père de la dualité, il est un parmi les autres. Tant que nous aurons l’impression d’être dans ce corps ou d’avoir ce corps, nous posséderons un ego.
Le fait de se laisser berner par l’ego n’est pas dramatique en soi. Certes à travers lui, nous ne percevons que des objets.
Cependant, quand nous le regardons avec attention, chaque objet pointe vers la Conscience.
Par conséquent, la perception, bien qu’elle soit erronée, nous conduit toujours à la Vérité.

L’ego n’est qu’un sacré menteur. Dans l’état de veille, nous connaissons la triade inséparable : celui qui voit, l’acte de voir et l’objet vu. Ou celui qui connaît, l’acte de connaître et ce qui est connu.
Celui qui connait est la Connaissance.
Les activités, les perceptions viennent sans agent. L’agent vient toujours après l’incident, pour dire qu’il est le responsable de voir, de connaître ou de faire : cet agent, c’est l’ego. C’est le véritable imposteur.
Dire que nous passons notre temps à gémir sous son poids !

Pourtant, si on peut admettre qu’il y a un acte de voir et qu’il y a un objet, nul ne peut affirmer que celui qui voit existe, personne n’expérimente quelqu’un qui voit. C’est la Conscience qui examine l’objet.
La dualité est donc uniquement dans l’acte de voir et l’objet.
C’est ce même principe impersonnel, la Conscience, qui connaît votre corps, vos sens et votre mental.
Au contraire, le principe personnel, l’ego, n’est jamais présent quelle que soit l’activité.
L’ego n’est qu’un bâtard, c’est un enfant né sans mère, il est sans origine et sans cause. Il n’a pas non plus d’effet. Il n’apparaît jamais pendant une activité, une perception, une pensée, un sentiment. Il ne se montre qu’après coup en s’identifiant au corps ou au mental ; et en certifiant : c’est moi qui l’ai fait, c’est moi qui l’ai pensé, c’est moi qui ai ressenti cette émotion.
L’ego est un célibataire qui se croit marié au corps, au sens ou au mental.
En enfermant l’être humain dans ses convictions erronées, l’ego le restreint à la captivité, il est le roi de la limitation.

“At the time a thing is being done, there is no thought or feeling that one is doing it.
This is further proof that one is not a doer. Âtmâ-darshan, 9.4
Au moment où une chose est faite il n’y a ni pensée ni sentiment que quelqu’un le fait.
C’est une preuve supplémentaire qu’il n’y a pas d’acteur.

Si par contre, nous nous habituons à appréhender chaque perception, chaque pensée, en tant que Connaissance, l’ego finira par perdre prise, et nous nous établirons dans notre véritable nature.
Chaque expérience émerge et fusionne dans la Connaissance.
Je suis le témoin de chaque expérience.
En dissociant le Soi du monde en incluant son corps, ses sens et son esprit, on découvre le Soi dans sa nature la plus pure.
En observant ainsi le monde, on réalise qu’il n’est rien d’autre que le Soi.
En fait, la Réalité n’était pas perdue, elle était juste escamotée par l’illusion du monde.
Pour retrouver la Réalité, il suffit de remonter par le chemin inverse. Le monde n’a jamais existé, je suis pure Conscience.

Le désire.

Le désir se manifeste toujours pour un objet et le but implicite est d’être heureux.
Ainsi l’objet n’est que le moyen désigné et le bonheur est l’objectif.
L’homme ignorant ne perçoit et ne souligne que le signifié qu’il nomme les objets et il attend le bonheur comme un corollaire, comme si le résultat était évident.
Indépendamment de la moralité sociale selon laquelle le désir est négativement connoté, dans cette approche, le désir révèle simplement nos imperfections.
Ainsi, notre soif de perfectibilité provient de notre véritable nature qui est par essence parfaite. Finalement, le désir pointe notre réelle nature.

Du point de vue de l’ego, pour atteindre la paix et l’harmonie, on ne peut le faire qu’en possédant l’objet tant désiré.
L’aspirant spirituel prend une approche complètement différente. Il comprend que le bonheur, le but de tous ses désirs, est sa véritable nature. Alors il concentre son attention sur le but au lieu de courir après des objets de bonheur.
Le désir nous montre aussi notre empressement à établir l’unité ou la perfection qui est notre véritable nature.
A chaque fois que nous semblons nous en éloigner, en nous identifiant au corps, aux sens ou au mental, le désir nous rappelle à l’ordre pour remédier à cette séparation.
Cette pratique, qui consiste à souligner la disparition de l’objet comme un prélude nécessaire à l’expression du bonheur, nous permet progressivement de nous rapprocher du but qui est le Bonheur sans objet, notre véritable nature.
Par conséquent le désir, s’il est vu dans la bonne perspective est une grande aide pour avancer spirituellement.
Tous les problèmes s’insinuent dans la pensée seulement quand le but ultime est oublié et que seul le moyen est considéré comme le but.

‘Desire you may, but only don’t forget the goal.’ Gurunathan
Vous pouvez avoir des désirs, mais seulement n’oubliez pas le but.

Nous courons vers des objets censés nous procurer du bonheur.
En projetant notre bonheur dans le futur, nous imaginons aussi que le monde évolue pour devenir meilleur, un monde qui nous procurera plus de joie, plus de liberté …
Est-ce vraiment le cas ou est-ce un mirage ?
Les révoltés, les révolutions espèrent en un monde meilleur. L’être humain veut être libre et heureux. Cette liberté, ce bonheur, cet amour que chaque être humain cherche n’est que le reflet de sa véritable nature.
L’homme ne sera jamais satisfait tant qu’il n’aura pas été attiré vers la véritable liberté qu’il devrait rechercher dans l’existence permanente, le Soi.
Le Soi est le fondement même de son désir d’exister (l’existence), de comprendre (la conscience), d’être libre et heureux (la paix).

L’amour.

L’amour est souvent mesquin. Tant qu’une mère n’est pas capable d’aimer les autres enfants comme les siens, l’amour pour son enfant reste intéressé. Ce qu’elle aime en lui, c’est indirectement sa propre chair. L’homme se prend pour cet ego qui a un corps et un mental.
Ce qu’il n’aime pas chez l’autre, c’est l’ego de l’autre qui a un autre corps et un mental différent. De cette erreur, son amour se transforme en haine. Mais s’il comprend correctement qu’il est au-delà du corps, des sens et du mental, l’amour de l’autre est possible car ce que l’on aime en l’autre, c’est le Soi et le Soi ne peut être multiple.
L’amour est la véritable nature du Soi. L’amour est par nature, pur et sans objet. L’amour est paix.
Quand le désir mental s’empare de l’amour, cet amour dégénère en s’identifiant à la passion et au désir. Quand la passion est rompue, comme au moment d’une rupture ou d’un décès, nous la voyons le plus souvent se transformer en colère, en haine et en avarice. Il ne reste plus qu’à ce pauvre être humain à gémir sous la douleur. Les anciens amants se détruisent tandis qu’une fratrie qui se pensait proche se déchire lors d’un héritage, en utilisant l’argent comme un ersatz de l’amour perdu. La seule façon d’échapper à cette horrible maladie est de remonter le processus de l’amour, en renonçant à ses objets et à ses désirs. Ainsi, les passions disparaissent et l’amour sublimé, pur, brille alors de toute sa gloire, l’être n’étant plus qu’un avec lui.
L’amour, c’est la mort de l’ego.

La beauté

Nous sommes attirés par la beauté et pourtant nous avons du mal à la définir tant objectivement que subjectivement !
Ne peut-on pas la considérer comme la fusion entre la perception et celui qui perçoit ?
Quand on voit une peinture et que l’on jubile de sa beauté, pendant un instant, on change son état physique en une idée subtile où l’ego s’est dissout. Le beau est son résultat, exprimant la parfaite expression du bonheur et de la paix. Laissons-nous aspirer par cette plénitude qui est l’aboutissement fusionnel de celui qui perçoit avec la perception. Cet état de paix est au-delà de l’émotion ou du mental.
Ce ressenti est projeté dans le connu pour devenir une émotion sublime : si c’est un objet, il devient beauté, harmonie et si c’est un être vivant, il n’est qu’amour.
C’est dans notre véritable nature que nous expérimentons la beauté, l’harmonie, la paix, le bonheur et l’amour.
Le beau n’est pas universel. La beauté est en Soi, elle est Existence, Conscience et Paix.

Quand le peintre essaie d’exprimer l’harmonie qu’il expérimente, il s’efforce de la concentrer en une idée qu’il tente de reproduire sur une toile. Pour ressentir la beauté exposée par un peintre, le spectateur prend le chemin inverse : il part de l’expression picturale pour en percevoir l’harmonie. Nos émotions sublimes peuvent être éprouvées avec d’autres objets comme les éléments de la nature, comme la montagne, la mer, un coucher de soleil, une cascade, un paysage, qui pendant un instant font oublier notre ego.
Quand on ne fait plus qu’un avec la perception, avec l’audition, avec l’autre, cela s’appelle la beauté, l’harmonie, l’amour, la paix.
Je me souviens d’un jour particulier où j’ai vécu une telle expérience. Je me trouvais à la montagne, en Suisse et par une magnifique journée d’hiver, nous venions, avec des amis, de faire une randonnée sur une colline qui surplombait le village. Arrivé au sommet, je me suis retourné pour admirer la vallée. A la vue du paysage, je me suis senti envahi instantanément par un bonheur et une paix inimaginable. Tout n’était que beauté et harmonie.
Cette expérience saisissante, ce moment de grâce, m’a marqué pour toujours. Dans ces entrebâillements de sérénité, une immense joie nous envahit sans savoir ce qui nous arrive, c’est seulement plus tard que j’ai pu réaliser que dans cette plénitude, l’ego en se décomposant ne laissait plus de place à la dualité.
Je n’ai pas non plus oublié un autre moment magique et chaque fois qu’il me revient en mémoire, je ressens des frissons de bonheur. J’étais sur un voilier en pleine mer, par une sublime nuit d’août, sans un seul nuage et sans le moindre croissant de lune. La côte avait disparu, le vent était tombé, le silence, total, le bateau, immobile sans le moindre clapotis. La mer était si calme que, tel un immense miroir, elle reflétait le ciel.
J’étais seul dans l’univers au milieu des étoiles.
N’avez-vous jamais vécu de tels moments ?
Rappelez-vous, ce morceau de musique que vous avez tant aimé, quand progressivement en rentrant dans l’écoute, vous vous êtes senti envahi par une sensation de bonheur, une immense joie. En cet instant, il n’y a plus de musique, plus de paysage, tout est parfait, tout a été absorbé.
Cette paix, cette harmonie, nous la découvrons dans ces moments privilégiés, qui révèlent notre véritable nature.
La beauté perçue dans les objets comme une montagne, la mer, le ciel, une rivière, un enfant… n’appartient pas à ces objets, elle est la réelle nature du Soi, l’autre partie de la perception. Quand la beauté est surimposée à l’objet, elle apparaît limitée et devient surnaturelle.
Pour percevoir le beau, il suffit d’éliminer la partie inerte et matérielle du beau pour atteindre la Conscience, le support de l’Expérience.
La vie, les pensées et les émotions sont les premières expressions d’Existence, Conscience et Paix, les caractéristiques de la réalité ultime.

C) La voie de la guérison : un nouveau regard sur la réalité.

Dans cette partie, nous reprendrons ce que nous avons vu en le complétant avec de nouveaux arguments.
Nous diviserons le chemin de la connaissance en trois étapes: la maladie, le remède et le rétablissement.

La maladie : l’illusion du monde.

Nous sommes malades en nous prenant pour le corps, les sens et le mental ; ainsi nous pensons être limité et entravé et nous devenons pitoyables. L’état de veille devient le monde que nous concevons, l’état de rêve et l’état de sommeil profond sont alors considérés comme des états appartenant au sujet de l’état de veille. Nous existons dans un corps et nous pensons par un mental situé à l’intérieur du corps. Nous sommes entourés d’un univers que nous percevons par nos sens situés à la jonction de notre corps et du monde extérieur. Ces récepteurs sensoriels nous donnent la Conscience d’un extérieur. Chacun de nos sens a une résonance particulière. Le toucher fournit des informations par contact avec la peau, la vue nous fait percevoir des formes, par l’ouïe on entend des sons, etc. Ces sens fonctionnent grâce à la pensée qui constate chaque changement et qui en réfère à l’intéressé : soi. Voilà, comment nous pensons être en contact avec l’univers qui nous entoure.
On peut penser que chaque être vivant, animal ou végétal expérimente son univers avec des sens plus ou moins développés et qui peuvent être aussi totalement différents.
Si nous acceptons que l’univers que nous percevons n’est pas une réalité immuable, nous comprenons que le monde qui entoure chaque espèce dépend du sens ou des sens qui peuvent lui en rendre compte. Chaque espèce, en répondant à des mécanismes particuliers, possède un « univers » qui lui est propre. Ce que nous percevons, dépend aussi de la connaissance que nous en avons : le monde ne peut pas être le même pour celui qui vit à New York ou au Sahara, pour un enfant ou un vieillard, pour un homme de Cro-Magnon ou un être humain de notre siècle.
Ceci dit, si nous devions nous passer de l’un de nos sens, notre perception du monde serait-elle toujours la même ?
Et maintenant, si nous étions privés de tous nos sens, où serait l’extérieur ?
Le monde existerait-il ? Quelle est la réalité du monde ?
Nous comprenons que le monde perçu par un homme ne ressemblerait pas au monde du chien qu’il tient en laisse, à la mouche posée sur sa tête ou encore au ver qui ronge les pieds de la table.
Notre image du monde dépend de nos sens comme de nos connaissances acquises : notre culture, notre âge, notre émotion, tout interfère. Alors, comment pouvons-nous nous imaginer que le monde n’a qu’une image immuable ? Pourtant, nous sommes persuadés que le monde existe dans une certaine forme indépendamment de nous. A la rigueur, nous pourrions accepter d’en avoir qu’une image défectueuse et incomplète !
Chaque perception est instantanément perçue dans le temps, l’espace et la causalité et nous restons convaincus que ce que nous regardons, existait avant et existera après notre perception. Nous mettons toujours l’accent sur ce que nous voyons en oubliant que c’est nous qui voyons par l’acte de voir.

Le remède : la position du témoin.

Le remède consiste à arrêter de nous prendre pour ce que nous ne sommes pas.
Nous devons concevoir le corps, les sens et le mental, distincts et séparés du Soi réel, le Soi se présente alors comme celui qui sait, comme le témoin de chaque expérience.
Celui qui voit, l’acte de voir et l’objet vu sont indissociables. Comprenez le sens « voir » comme un exemple pour chacun de nos cinq sens.
Nous regardons un objet et le monde qui l’entoure comme s’ils avaient une existence indépendante du spectateur. Mais, en réalité, pour percevoir ou pour concevoir un objet, je me dois d’être présent au moment de la perception. Je suis celui qui voit et il doit y avoir un objet vu. Par exemple, en vous levant de votre chaise, vous venez de voir que vous étiez assis sur un insecte. Tant que vous ne l’avez pas vu, cet insecte n’existe pas car vous n’étiez pas présent pour le voir. Sans observateur, il n’y a pas d’objet, sans voir, il n’y a pas d’objet et s’il n’y a rien à voir, il n’y a pas d’objet.
Pour qu’un objet existe, cette trilogie est impérative.
Maintenant, depuis que vous avez vu cet insecte, vous êtes certain qu’il existe, qu’il existait avant et qu’il existera encore sous une forme ou une autre. Naturellement, vous vous dites qu’il était là et que vous ne l’aviez pas vu. Cette pensée est tout ce qu’il y a de plus naturel : l’insecte est apparu dans votre monde fait de temps, d’espace et de causalité. L’insecte possède aussi toutes les particularités de ce monde, il existe dans ces trois dimensions.
Quel que soit l’objet perçu, qu’il fasse parti de l’infiniment petit ou de l’infiniment grand, nous sommes maintenant intimement persuadés qu’il existait sans qu’on n’ait eu besoin de le connaître.
L’institut Pasteur a «découvert» le virus du sida, Maintenant ce virus existe et nous avons pu en déterminer la cause. Grâce au télescope spatial de Kepler, nous avons découvert une exoplanète potentiellement habitable, quand on ne pouvait même pas concevoir l’existence de planètes en dehors de notre système solaire. Par ces deux exemples, nous comprenons que la réalité d’un objet de notre univers ne peut exister que par sa perception.
La Nasa, dans les années 70, a envoyé deux sondes spatiales sur lesquelles était gravé un message pictural de l’humanité. Le but était et est toujours d’informer d’éventuels extraterrestres de notre existence et de leur indiquer notre position dans l’espace.
Cette action assez surréaliste, nous montre à l’évidence que nous sommes persuadés que l’univers et tous ses objets existent. Nous imaginons l’existence de quelque-chose avant même de la découvrir par l’un de nos sens qui seul nous en donnera la preuve.
Nous avons tellement envie de croire que nous ne sommes pas la seule planète habitée, que l’Humain du vingtième siècle, ce Robinson des temps modernes, a envoyé une bouteille à la mer interstellaire.
La Conscience est le témoin des trois états. La Conscience est aussi le témoin de chaque activité ou inactivité.
Dans chaque état, à chaque étape, le témoin affirme et me prouve que je ne suis ni celui qui fait, ni celui qui se réjouit, mais que je suis toujours celui qui connaît.
Je suis Conscience, l’expérience apparait en moi la Conscience.
Chaque événement examiné dans la bonne perspective conduit à la Vérité ultime.
Un objet ne peut être qu’un objet de la Conscience.
L’objet en perdant son objectivité nous montre notre véritable nature : la Conscience.
L’expérience est la seule preuve de la réalité.
Nous pouvons expérimenter les qualités d’un objet mais jamais l’objet lui-même. Par conséquent, si l’objet qualifié n’est pas expérimenté, il est non existant. L’objet n’étant pas existant, les qualités ne peuvent pas exister sans l’objet. Les qualités ne sont donc que des apparences. Seul les qualités sont perçues et sont irréelles puisque l’objet est irréel. L’expérience est la seule réalité, c’est la Conscience sur laquelle les noms des qualités émergent.
Vous êtes le témoin de chaque expérience qui apparaît et disparaît en vous la Conscience.
La seule expérience que nous avons est la connaissance d’un objet qu’il soit grossier ou mental.
Si la connaissance de l’objet est retirée de la Connaissance, il ne reste que la Connaissance ou la Conscience pure comme dans le sommeil profond où les objets n’apparaissent pas.
L’expérience ne peut avoir ni de cause ni d’effet, elle ne fait pas non plus référence à un antagonique.
Chaque perception est spontanée, en cet instant elle est pure, elle n’est pas surimposée avec d’autres concepts dont vous avez connaissance. Les concepts sont surajoutés à la perception et la perception devient un objet.
L’objet ainsi conçu n’existe nulle part, c’est juste un amalgame de sensations. La perception lorsqu’elle apparaît est proche du réel, puis quand elle est mélangée avec d’autres concepts, elle devient irréelle.
Supposez que vous voyiez une forme, cette perception spontanée ne ferait aucune référence à quoi que soit. On ne pourrait même pas parler d’une forme car cela ferait référence à d’autres formes ! « Forme » est générique, elle n’est pas forme puisqu’elle n’a pas de support ni de comparaison, elle apparaît et disparaît dans la Conscience. Elle est Conscience. Les activités changent quand le Soi reste permanent.
En mettant toute l’importance sur « Soi » je ne peux pas être troublé par des émotions : Je ne suis ni l’acteur ni le celui qui recherche des plaisirs. Je suis avant, pendant et après chaque manifestation. Je suis présent comme le témoin immuable de chaque activité.
Pour percevoir la diversité je dois être sans diversité.
Je dois avoir la conviction que J’ai toujours été, que je suis et que je serai toujours le témoin de chaque expérience.
Le témoin est l’antidote du poison de l’illusion.
La position du témoin est une position intermédiaire entre l’illusion du monde et la Conscience absolue.
Le mental perçoit des objets, concrets ou abstraits. Le témoin perçoit le mental qui perçoit ces objets. Il est l’intermédiaire entre le moi apparent (possesseur du corps, du mental et des sens) et le Soi, la Réalité absolue.
Le témoin n’a pas de mental, il n’a pas de corps et par conséquent pas d’objets à l’extérieur, il n’a pas plus d’intérieur que d’extérieur.
En utilisant la position du témoin, ce n’est pas lui que l’on examine. On élimine tout ce qui est connu de Soi : le corps, le mental et les sens.
Le témoin est désintéressé des activités du monde.
Les changements ne peuvent être perçus que par le non-changement.
La Conscience transcende le temps et l’espace. Le temps et l’espace n’existent plus.
Comme telle, la Conscience ne peut jamais voir l’objet séparé d’elle. Donc elle le voit comme elle-même. Ainsi dans l’objet, elle est l’être qui est appelé le témoin. Alors l’objet cesse d’être un objet, il est et se tient en tant que Conscience.

Quand Je dis que je suis un être humain ! Je sais que j’en suis un. Mais pour le dire, je dois être distinct et séparé de lui. Par conséquent je ne suis pas un être humain mais le principe qui connaît l’être humain : c’est le Témoin ou la Connaissance.
Je dois m’en tenir à la position du témoin : je suis le témoin de chaque expérience qui apparaît et disparaît en moi la lumière absolue. Je suis sans changement.
L’homme ignorant ne voit qu’un monde en mouvement sans voir le fond qui supporte le changement.
Pour sortir de cette ignorance, on cherche d’abord à se positionner comme témoin permanent, distinct et séparé des changements du corps du mental et des sens.
Chaque expression apparaît et disparaît dans la Conscience qui est ma véritable nature.
Le monde n’est plus un obstacle, le monde est là pour m’aider.
Le monde me prouve que je suis, que j’existe, Je suis Existence.

Le nom

A la naissance on vous a donné un nom. Ce nom n’a pas été donné à votre corps qui ne fait que se transformer. Ce nom n’a pas été donné à votre esprit qui n’est que changement, ni à vos émotions, ni à vos sens. Non, ce nom pointe ma véritable nature, ce nom me montre que je suis permanent, immuable, Existence, Conscience et Paix absolue.
L’individualité d’une personne fait qu’elle n’est pas confondue avec une autre personne.
Ce besoin si fort d’individualité a des racines profondes. Il provient de l’Âtmâ, l’Absolue réalité. L’individualité est immuable, elle est la personnification de la Conscience, tel le fond qui met en lumière les changements du corps, des sens et du mental.
Au lieu de comprendre l’individu comme la Conscience, il est personnifié comme une entité : l’égo qui est ce corps avec un mental et des sens.
En essayant de voir dans l’individu, l’impersonnel, le Soi, toutes les difficultés sont résolues.

Je suis debout

Quand vous pensez « je suis debout », vous vous référez tout naturellement au corps, cette matière inerte qui est debout.
Mais qui le dit ? Ce n’est pas le corps qui l’a dit, mais quelqu’un qui l’a vu. Le témoin « le Soi », peut le voir mais ne peut pas le dire.
L’ego est celui qui le dit, celui qui s’identifie au témoin et affirme qu’il est l’acteur de ce qu’il voit.
Par conséquent, chaque fois que l’on relate une activité, il y a trois entités concernées :
le corps, l’ego qui ramène tout à lui et le témoin désintéressé.
Je suis le témoin désintéressé.
Je ne suis pas non plus celui qui agit. Pour faire le récit d’un événement, il faut auparavant l’avoir vécu. Celui qui sait est distinct de ce qu’il connaît.
Prenons pour exemple cette simple affirmation : je marche. Je dois (re)connaître le fait avant de pouvoir en parler. Par conséquent, en tant que celui qui sait, j’étais séparé du connu : la marche. Dans chacune de mes déclarations, je me tiens derrière.
Quand je dis : j’agis, je suis derrière cette affirmation en sachant que j’agis.
Quand je dis : je pense, je veux dire, je (re)connais la pensée. Je suis derrière chacune d’elles sans avoir aucun rapport avec elle.
Quand je dis : je marche, je vous fais comprendre que je suis le marcheur. Mais le suis-je réellement ? Si j’étais le marcheur, je ne pourrais être rien d’autre, mais le moment suivant, je peux être le penseur, je peux avoir une émotion.
Par conséquent je ne peux être aucun d’eux. Cependant on ne peut pas non plus nier que j’étais dans la marche. Il faut donc comprendre que j’étais dans la marche, mais pas le marcheur, n’étant pas concerné par cette activité.
Que les objets soient grossiers ou subtils, je ne peux les reconnaître que par la Conscience.
La Conscience peut exister sans les objets mais les objets ne peuvent exister sans la Conscience.
Ainsi je réalise que tout est Conscience.

Nous avons trois sortes de vie.

Chaque vie est séparée de l’autre car elles sont sur des plans différents.
La vie physique est limitée aux activités du corps, à la perception et aux sens.
La vie mentale est limitée à la pensée et aux émotions.
La vie du soi est expérience.
Les deux premières sont connues de tous. Commencez à attacher de l’importance à la troisième. Rappelez-vous que quand un objet est un objet grossier : je suis un être physique, quand l’objet est une idée ; je suis un être mental .
Quand Je suis Conscience : l’objet est Conscience. Ceci explique le monde des objets et il n’est pas nécessaire d’examiner autre chose. Chacun d’eux nous conduit à la Vérité.

En adoptant la position de témoin, celui-ci se résorbe dans le témoigné, alors le témoin cesse d’être le témoin et se tient comme l’ultime réalité : la Conscience.
Chaque perception a besoin d’un fond, d’un support pour exister. Le fond, c’est la Réalité, les perceptions émanent de ce fond, la Réalité est Existence, Connaissance et Paix.
Une perception peut-elle changer la nature du fond ?
Quel que soit le film, qu’il soit doux, tendre ou violent, l’image sur un écran de cinéma dénature-t-elle l’écran ?
Quand l’image disparaît, l’écran est toujours aussi immaculé qu’auparavant.
L’expérience a la qualité du support mais si vous vous laissez séduire par l’image …
Vous pouvez être séduit par la beauté d’une œuvre sculptée dans le marbre et oublier qu’elle est faite de marbre. Mais en dépassant votre attraction, vous apercevrez le marbre, support de la forme.
Nous percevons un monde de diversité de formes, de sons, de touchers, de goûts, d’odeurs. Avec cinq sens, nous avons multiplié nos sensations par cinq, avec quatre ou six sens, nous aurions eu un monde avec autant de sensations différentes.

Dans un rêve, vous connaissez l’objet, le sens qui le perçoit et le sujet qui le voit.
Au lieu de saisir cette trilogie indissociable, l’homme sépare celui qui perçoit de la perception et de l’objet perçu.
De « Connaissance », il devient l’acteur qui voit, il devient alors celui qui agit et celui qui pense.

Pour comprendre l’illusion du monde, nous avons commencé par dire qu’il y avait trois états : l’état de veille, l’état de rêve et l’état de sommeil profond. C’est un des chemins d’investigation de la Vérité qui correspond à notre expérience : je suis éveillé, je dors et je fais des rêves. En analysant ces trois états, nous constatons que l’état de rêve et l’état de veille sont en tous points semblables. Nous avons vu qu’avant d’être un état de rêve, il semblait être un état de veille et il n’est mémorisé comme un rêve que dans l’état de veille actuel.

Il n’y a pas si longtemps, j’ai eu une expérience étrange : je me promenais avec ma compagne dans une ville inconnue et j’ai réalisé que c’était un rêve quand je l’ai raconté à ma petite fille. Au moment où je lui en faisais part avec force de détails, nous nous apprêtions à rentrer dans un magasin de bondieuseries qui faisait l’angle d’une rue. A l’instant où j’ouvrai la porte du magasin en faisant tinter le carillon, je me suis retrouvé dans mon lit, pour réaliser que c’était à nouveau un rêve ! Cela allait-il s’arrêter ?
C’était assez déconcertant ! L’état de rêve n’est rien que la mémoire d’un autre état de veille, on peut alors considérer qu’il n’y a que deux états, l’état de veille constitué d’expériences et l’état de sommeil profond qui n’en a pas.
Puis de ces deux états, on aboutit à un seul état, l’état de sommeil profond, l’état permanent où chaque expérience apparaît et disparaît.

L’état de sommeil profond

Dans l’état de sommeil profond, je suis Existence absolue, Conscience absolue et Paix absolue. L’Existence, la Connaissance et la Paix sont réalisées au-delà des mots qui impliquent leurs contraires, c’est pourquoi nous leur ajoutons « absolue ». Nous devons transcender les contraires pour l’Existence, la Conscience et la Paix. L’Existence absolue n’a pas de non-existence. Si dieu n’était pas entaché par l’idée d’être le créateur de l’état de veille, il pourrait ici prendre tout son sens. « Je suis, j’existe, je suis Conscience, je suis Connaissance. Chaque expérience apparaît et disparaît en moi Conscience ».

Croyez-vous encore à la réalité du monde ?

Si vous y croyez toujours en la réalité de ce monde, alors vous vous devez de croire en dieu et d’admettre qu’il est le créateur de cet univers. Le dieu de ce monde doit alors être considéré comme omniprésent, omniscient et omnipotent, c’est-à-dire qu’il prend toutes les caractéristiques de ce monde au lieu d’être Existence absolue, Conscience absolue et Paix absolue qui sont les trois aspects de la même réalité.
Si votre dieu a créé ce monde, il a tous les pouvoirs pour le maintenir tel qu’il est, et vous devez savoir alors que « Les voies du Seigneur sont impénétrables ».
Vous n’êtes alors qu’une pauvre créature, à peine plus grande qu’une fourmi. Quel que soit le nom que vous lui donnez, dieu, jehovah, allah … ne le remettez pas en question, ne gémissez pas, ne le priez pas pour des jours meilleurs, vous usurperiez sa responsabilité.
Réjouissez-vous du monde qu’il vous a donné. Dieu ne peut pas créer autre chose que lui même, le monde est donc à son image, fait de dieu, chaque infinitésimale particule comme l’univers tout entier est dieu.
Étant le créateur, il est unique et impersonnel. Il se devait d’exister avant sa création et il ne peut par conséquent être perçu par aucune de ses créations.
Vous réaliserez alors que votre corps et votre mental sont totalement incapables de comprendre Dieu.

Le Soi

Par contre, nous pouvons réaliser qu’il y a un principe que dieu n’a pas pu créer : c’est le Soi, commun à l’état de veille, à l’état de rêve et l’état de sommeil profond.
Le Soi est permanence, il est Existence, Conscience et Paix.
Étant permanent, il ne peut pas faire partie de la création que vous aviez imaginée comme étant l’œuvre de dieu.
Alors en prenant le « Soi », ne peut-on pas visualiser dieu ?

(espace de silence)


d) L’ Advaita Vedanta.

Après cet instant de silence, nous pourrions nous arrêter, nous avons dit l’essentiel.
Croyants ou non-croyants, nous arrivons à la même évidence, à la même paix, au même amour au même silence : je suis Existence, Conscience, Paix.
Mais nous sommes humains et nous croyons vivre dans la dualité depuis… la nuit des temps. Pour pouvoir dépasser nos formations mentales, nos samskaras, nos croyances et toutes les impressions qui composent notre personnalité, nous avons besoin d’arguments pour nous ramener sans cesse à la Vérité.

La vérité est cachée

La réalité est cachée par la présence des objets. Si nous voyons un mur sans le tableau qui avait l’habitude d’y être accroché, nous verrons le mur avec une attention soutenue qui n’aurait pas eu lieu, si la peinture était encore à sa place.
De la même façon, la réalité, derrière le monde est cachée par la présence du monde, que ce soit le monde de l’état de veille ou le monde de l’état de rêve.
Nous prendre pour ce corps, ce mental, ces sens, nous oblige à ne percevoir qu’un monde de diversité qui induit l’esclavage.
Cette variété apparente nous prouve qu’il y a quelque chose d’inchangé qui la supporte : le fond.
En étant le « Soi », le monde est réduit à la seule réalité. Je suis un et unique.
Existence, Conscience et Paix ou Bonheur absolu sont les expressions d’une seule et même réalité, la réalité exprimée.
Étant la nature réelle, le fond disparaît, il n’était appelé fond que par rapport à l’apparente diversité. La réalité est absolue, sans caractéristique. Je suis « Soi » et il n’y a rien à connaître.

Une porte

Cette connaissance suprême est enseignée en Inde depuis des milliers d’années par le Maître au disciple. Elle est connue sous le nom d’Advaita Vedanta (non deux).
Nous abordons l’Advaita Vedanta comme source de notre connaissance. Nous rencontrerons le Maître qui nous ouvre les yeux sur la Vérité. Nous verrons que cet essai n’est qu’une porte entrouverte sur la Vérité. Puis, nous exposerons quelques mises en garde concernant l’ego. Enfin, nous terminerons en considérant que seule la relation de maître à disciple conduit à la Vérité.

La non-dualité.

Nous avons vu que notre réelle nature est pure Conscience et Paix.
Nous avons prouvé comme non existante la présence d’objets qui constituent le monde, nous l’avons fait à travers les trois états qui nous caractérisent, en réduisant successivement l’objet matériel à un objet mental et l’objet mental à la Conscience pure.
Soulignons que cet essai n’a pas pour objectif de démontrer que le monde n’existe pas mais plutôt que le monde est notre réelle nature : la Conscience.
L’homme prétend généralement qu’il est un corps, que ce corps possède un mental et que son mental supporte son âme, plus encore à l’intérieur.
L’aspirant à la Vérité a une position totalement opposée. Il sait que l’Âtmâ, le Soi, est le support du mental et que le mental est celui du corps.

L’Advaita Vedanta vient du sanscrit, Advaita qui signifie non-deux
et Vedanta, l’aboutissement.
Le but de cet enseignement est d’atteindre la Vérité par la non-dualité, l’un sans second.
Je sais que « Je suis », chaque expérience apparaît et disparaît en moi. Le fond, le support de chaque expérience, est le Soi.
La certitude d’être ce principe sans changement et lumineux s’appelle la libération.
La conviction d’être limité, entravé, n’est autre que l’asservissement de l’humain dans ses cadres conceptuels préconçus. Vous êtes ce que vous pensez réellement être.
L’homme profane ne peut pas percevoir la Vérité. Il est dans la dualité et ne connaît que des perceptions. La non-dualité, l’Advaita est une méthode qui permet de l’accompagner de sa perception des objets vers la Vérité ultime. C’est ce que nous avons pu découvrir au cours des chapitres précédents.
La non-dualité est le support de la dualité. Le non-dualiste connaît la position de la dualité puisqu’il était dualiste auparavant, tandis que le dualiste ne peut pas même concevoir la non-dualité.
L’Advaita n’est pas une philosophie, elle est l’aboutissement de la pensée.
C’est la science de l’amour.

Sankara

L’un des grands sages à qui l’on doit d’avoir consolidé les principes de l’Advaita Vedanta est Sankara ou Shankaracharya (788-820). Il naquit dans le petit village de Kaladî, dans le Kerala, un état de l’Inde du sud. Très jeune, Sankara renonce à une vie de famille pour se consacrer à la recherche de la Vérité. Il est l’un des Maîtres spirituels les plus célèbres de l’Inde. Après être devenu disciple de Govindanātha, élève de Gaudapada, il va parcourir l’Inde, du Sud vers le Nord pour se confronter aux érudits qu’il rencontre. Pendant ces joutes orales, il leur expose sa pensée non-dualiste, il galvanise alors tous les sages bouddhistes de cette époque les convertissant à l’enseignement exposé dans l’Advaita Vedanta. Ce fut à cette époque que bouddhisme disparut de l’Inde.

Atmananda Krishna Menon – Gurunathan

En 1883, toujours au Kérala, naissait Gurunathan, Sri Âtmânanda Krishna Menon, 1883-1959. Il est l’un des plus grands sages de notre monde, il a ouvert l’Advaita Vedanta à l’Homme sans distinction.
Comme nous l’avons vu au début de cet essai, la Vérité était sacrée et protégée par la caste des Brahmanes. Peu d’êtres humains pouvaient y avoir accès ; seul le disciple accepté par le Maître à qui il consacrait toute son existence avait quelques chances d’y parvenir.
Gurunathan nous montre que l’on peut continuer à vivre une existence simple et ordinaire tout en suivant son enseignement.
Le Guru, « celui qui est Grand », le guide spirituel, représente plus qu’un vecteur de transmission, il est la Vérité ultime. Le Guru est au-delà de la dualité et cela ne peut être qu’une énigme pour un intellectuel ou un Occidental.
Si un enfant demande où est son corps, aucun livre ne peut lui enseigner où il est. Il suffit de lui retirer ses vêtements et rien d’autre n’est nécessaire pour qu’il puisse le voir.
De la même façon, le Guru crée les conditions dans lesquelles notre véritable nature brille de toute sa splendeur. Le mental alors avec toutes ses questions, disparaît pour toujours : la Vérité ne peut être comprise que par la Vérité.

“It is the realization of oneself and the entire world that is known as realization of truth.” Âtmâ Darshan. Different stages of Illumination
C’est la réalisation de soi-même et du monde tout entier qui est connue comme la réalisation de la Vérité.

Le soi absolu : Âtma, Sat-Chit-Ananda, Brahma.

La satisfaction est le résultat de l’accomplissement de ses désirs. Elle dépend des plaisirs tangibles et ne peut jamais dépendre de l’absolu. La satisfaction suppose toujours un objet avec ses limites. Il n’y a rien du monde phénoménal qui puisse satisfaire quelqu’un pour toujours. Le multiple ne peut pas faire cela. Seul Âtmâ, le Soi peut conduire à une réelle satisfaction, un bonheur sans objet.
La Connaissance de savoir que je suis l’expérience sans changement est l’essence même de la satisfaction, unique et absolue car elle est évidente par elle-même et au-delà du mental.
La mémoire de nos anciens samskaras basés sur un besoin de plaisir, nous amène encore à avoir terriblement envie de bonheur même quand on se tient derrière.
Cette fausse inclinaison doit être ignorée ou considérée comme étant une illusion et détruite à la lumière de la Connaissance.
La Vérité est la Conscience, elle est la nature du Soi. Elle est ultime et au-delà de toute relativité.
L’approche de la Vérité est une approche strictement individuelle et ne peut jamais être une approche sociale ou communautaire.
A travers la Connaissance, l’individu réalise sa propre perfection et transcende automatiquement la société et le monde. Il ne voit dans le monde qu’une illusion. Et il l’autorise par concession, à continuer d’exister. Il peut aussi s’en défaire à chaque instant en retirant sa Conscience.

La Vérité

La Vérité n’est pas à chercher comme « le Saint Graal ». La Vérité est en Soi, elle est comme un joyau recouvert d’un voile qu’il suffit de retirer pour qu’il brille de toute sa splendeur.
Découvrir la Vérité peut sembler impossible ! Pendant le rêve, le sujet est-il capable de se percevoir dans l’illusion ? Mais une fois sorti de cet état, a-t-il besoin de preuves pour dire que ce n’était qu’un rêve ?
La Vérité n’a rien à gagner à être découverte, elle n’a pas besoin d’être connue, elle est.
Elle est l’homme ignorant, elle est l’homme sage.
La Vérité est partout, espace et non-espace, elle est vide et non-vide, elle est le tout et son contraire.
Nommez-la Dieu, Connaissance, Conscience, Existence, Paix, Amour, Elle est transcendante.
La Vérité est si simple quand nous sommes si compliqués.
Pour l’aspirant à la Vérité, elle s’établit progressivement et c’est pour lui une source d’émerveillement sans fin. Chaque expérience sert à me rappeler que je suis sans changement, immuable.

Sat-Chit-Ananda.

La première expression de la réalité dans la vie est que quelque chose « est ».
C’est l’aspect Sat. Au-delà de cette vague existence, il n’y a rien de plus.
Ensuite nous voulons connaître ce que c’est en cherchant plus d’informations à son sujet. Nous le réalisons sans l’aide d’aucune autre lumière que notre propre Soi.
C’est l’expression Chit. Aussitôt que la Connaissance est complète, une satisfaction spontanée exulte de cette Connaissance, c’est l’expression Ananda.
Ananda est la paix sublime qui provient de Chit, la Conscience, qui elle-même s’épanouit de Sat, l’Existence.
Ainsi, Sat-Chit-Ananda ne forment qu’un et désigne la même réalité, qui est vue par trois différentes perspectives de l’existence, de la pensée et du sentiment.
Bien que Sat-Chit-Ananda ne soit en aucun cas attaché aux objets concernés, cela s’exprime dans toutes les expériences ou toutes les activités de la vie.
Sat-Chit-Ananda brille seul dans le sommeil profond comme ma réelle nature.
Les objets apparaissent manifestés dans l’existence et dans la lumière empruntée à mon propre Soi. Ils ne sont rien d’autre que moi-même.
Je suis Âtmâ, le Soi, la Conscience lumineuse par elle-même.
Je me manifeste d’abord par ma propre luminosité comme Conscience sans objet, tout comme le soleil brille par lui-même.
C’est cette Conscience sans objet qui s’exprime elle-même comme une idée ou un objet des sens. Alors on dit : je le perçois.
Quand cette-dite perception prend place, l’objet apparent perd ses limites et son contenu, la Conscience se tient comme le Soi sans objet.
Par conséquent, on ne perçoit rien d’autre que le Soi.

Le Désire d’un objet.

La Connaissance de l’existence de la réalité, sous la forme d’un objet attire l’homme commun. Il commence par le désirer et fait tout son possible pour le posséder. Au moment où il sait qu’il a obtenu l’objet qu’il voulait, son mental arrive à un calme plat. A ce moment précis, la paix, sa véritable nature brille. Immédiatement après, le mental apparaît encore : la mémoire du désir et l’effort qui a précédé la possession de l’objet, colorent le mental par contraste.
La Paix absolue est alors appelée bonheur pour un instant.
Quel que soit le plaisir perçu, tout ce que l’on expérimente après le résultat d’un effort animé par le désir, n’est pas réellement la Paix de sa véritable nature, elle reste encore limitée et colorée par l’action.
Si cet état de bonheur pouvait continuer indéfiniment, le bonheur serait alors transformé en Paix profonde comme pendant le sommeil profond.
Alors que nous pensions le bonheur octroyé par les objets de désir, il naît de notre véritable nature, la Paix.

Je suis un homme

Si je dis : « je suis un homme », je veux dire, je suis Sat- Chit-Ananda.
La précaution essentielle que l’on doit prendre pour comprendre un mot correctement est de comprendre juste ce qu’il veut dire, rien de plus ou rien de moins.
Généralement, ce n’est pas vraiment ce que nous faisons, nous pensons comprendre beaucoup plus que ce qui est indiqué par un mot.
Dans l’exemple « je suis un homme », nous avons à examiner le mot « homme ». Homme n’est pas qualifié, il est sans genre et nombre. Il n’y a pas de diversité dans l’homme.
Le mot « homme » représente toute l’espèce humaine. Tout ce qui est humain dans tous les hommes et toutes les femmes. Il est sans changement.
Dans ce sens, l’homme n’est pas limité par le temps ou l’espace. La seule réalité au-delà du temps et de l’espace est Sat-Chit-Ananda.
Par conséquent « homme » dans son sens réel est Sat-Chit-Ananda. Comme le sont tous les autres mots : animal, oiseau, table, crayon, terre…
Chaque mot dans son sens le plus strict est Sat-Chit-Ananda, le Soi réel.
Le simple mot « homme » est compris par tout le monde, mais personne ne saisit vraiment sa véritable signification. Il n’est pas compris par les sens ou le mental, mais seulement par la Connaissance. Pourtant la Connaissance ne peut rien connaître d’autre que la Connaissance. Donc ce qui est compris par le mot homme est simplement la Connaissance elle-même.

Brahman.

Le monde placé dans l’espace est un aspect de la réalité.
Le monde et sa diversité sont supposés apparaître dans le temps et l’espace considérés alors comme la réalité : le monde étant la partie apparente et l’espace-temps son support.
C’est ce qui nous donne cette idée de grandeur infinie dans ce cadre spatiotemporel.
Dans l’hindouisme, c’est le sens de ce concept fallacieux dénoncé par « Brahman », la conscience absolue présente en toute chose.

Le corps

Avec l’idée du corps est né le concept de l’intériorité et de l’extériorité mais aussi l’idée de l’espace. C’est en transcendant l’idée même du corps que l’idée de l’espace disparaît aussi.
Le concept de grandeur ou de petitesse n’a plus lieu d’être.
En d’autres termes, tous les opposés sont transcendés.
Quand ce sens de grandeur est éliminé, Brahman est alors révélé comme la Vérité ultime, le Soi.

Ayam Âtmâ Brahma.
Cet Âtmâ est Brahman.

C’est la réalisation du soi et de l’univers entier représenté par Brahman.
Si nous examinons le monde objectivement, le vide en devient le support, le fond de tout ce qui apparaît. Il est là avant et après chaque apparition.
C’est pourquoi les yogis voient le vide quand le monde disparaît.
En examinant le monde subjectivement, le Soi, la Conscience est le fond, le support.
Ce qui était perçu comme vide dans le monde objectif est la Conscience.

La libération

L’esclavage c’est l’identification avec le corps, les sens ou le mental.
La libération c’est l’abandon de cette identification en visualisant ce que l’on est dans cet ordre :
– Quel que soit le connu, le connu est le Connaisseur, le témoin.
– Quel que soit le connu, le connu est la Connaissance.
– Le connu est pure Conscience, le Soi.

La perception, la Conscience, le Soi

Au départ, une perception est distincte et séparée de soi.
Le processus d’identification consiste à rapprocher la perception de plus en plus du Soi jusqu’à leur fusion.
La perception doit être examinée de pair avec le témoin, le connaisseur de la perception.
Il n’y a plus que la perception : la Connaissance.
La perception disparaît ensuite, étant absorbée dans la Conscience, la Connaissance, laissant enfin la Conscience seule, le Soi.

Les expressions de la Vérité.

– La pensée est possible seulement en termes de langage.
– Le langage n’est possible qu’en termes de sons continus.
– Le son ne peut exister qu’à un seul point temporel.
Ainsi le langage en tant que tel est inexistant. De ce fait, la pensée l’est aussi.
La vie, la pensée, l’émotion ne sont que les expressions de la Vérité ultime à travers leurs perspectives respectives, celles de l’Existence, de la Connaissance et de la Paix.

L’illusion des apparences.

Les apparences sont faites d’actions, de perceptions, de pensées.
Toutes ces apparences sont indépendantes les unes des autres sur un fond immuable qui est le Soi, la Conscience, l’Âtmâ.
L’Âtmâ soutient ainsi la continuité des apparences de la vie phénoménale.
Toutes les apparences ne sont que des illusions.
Les simples déclarations comme : je connais un objet, je pense une idée, je sens du plaisir, ne sont que des expressions redondantes et fausses dans le sens strict des termes.
– Un objet n’est rien d’autre qu’une perception,
– l’idée n’est rien d’autre qu’une pensée,
– et le plaisir n’est rien d’autre qu’un sentiment.

L’éclairage d’Ätma.

La nature de chaque petit objet est aussi la nature du monde entier.
Prenons par exemple, un livre comme un objet représentant le monde dans sa totalité.
Le livre est constitué de chapitres qui sont constitués de paragraphes, les paragraphes de phrases. La Vérité de la phrase est applicable au livre comme au monde. Une phrase est constituée de plusieurs mots, chaque mot est indépendant et déconnecté en tant que tel mais il est aussi relié par quelque-chose au-delà de l’esprit.
Le monde se compose également de plusieurs sons, chacun étant distinct et sans signification. Mais comme les mots de la phrase, ces différents sons peuvent être liés. La substance du son, comme celle du monde, repose sur le principe de connexion et d’éclairage qui est l’Âtmâ ou Conscience pure.
En fait, à chaque fois que nous faisons ou que nous comprenons quelque-chose, nous sommes dans notre véritable nature. De même quand nous ne faisons rien ou que nous ne comprenons rien, nous sommes toujours dans notre véritable nature, Âtmâ, la Conscience.

AUM

Cette Vérité est magnifiquement manifestée en chantant le mantra « A U M ».
Pendant le chant, les sens et l’esprit sont arrêtés par les sons qui doucement s’estompent jusqu’à l’inaudible.
Avec le son, l’esprit aussi disparaît dans son support, sa propre nature la Conscience et la Paix.
En connaissant ce principe du son, même en prononçant n’importe quel autre son, on arrive à sa véritable nature.

La connaissance se Soi.

Âtmâ connecte et éclaire les sons.
l’ego attribue un sens particulier et une limitation aux mots et aux phrases.
Par conséquent un mot est Conscience à l’Âtmâ et un simple objet à l’ego.
Ainsi quand nous connaissons une chose, nous nous connaissons nous-mêmes.
La connaissance de Soi est le support de toute connaissance ou de toute expérience.
Que nous soyons actif ou inactif, nous sommes dans notre véritable nature. On ne peut être nulle part ailleurs.

Conclusion

J’ai vécu ce livre à chaque instant comme une urgence. Plus le livre s’écrivait, plus j’avais l’impression de m’enrichir, en m’approchant encore et encore de la Vérité. Souvent je me suis senti comblé par le bonheur. Comme vous pouvez le constater, ce mental ne peut pas s’empêcher de s’approprier la Vérité !
Un livre a toujours deux acteurs, celui qui écrit et celui qui le lit.

« Chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même. »
Le temps retrouvé de Marcel Proust.

Chaque mot que nous lisons est porteur de sens. Le sens investi par l’auteur n’est pas nécessairement celui perçu par le lecteur, au risque d’une profonde méprise.
J’ai seulement l’espoir d’avoir été suffisamment clair pour que vous puissiez saisir le sens au-delà des termes choisis.
Prendre le chemin de la Vérité, c’est aussi prendre le chemin du bonheur, mais nous restons toujours dans les préliminaires.
Rappelez-vous aussi que la Vérité ne peut s’apprendre par les livres.
Aussi, j’achèverai cet ouvrage en vous exposant quelques mises en garde avant de vous encourager encore davantage vers la voie de la Vérité.

Mises en garde.

En analysant le monde et en le comparant à une illusion, nous approchons sans aucun doute au plus près de la Vérité.
Ce monde existe par l’illusion des hommes.
Dieu, le temps, l’espace et la causalité sont nés en même temps que cette illusion.
Le monde a acquis de la puissance, des énergies difficiles à vaincre.
L’être en prise avec ces forces, se trouve avec des attitudes mentales accumulées au fil des générations. Tous les exercices qui l’aident à découvrir sa nature réelle, peuvent apporter des expériences mentales contradictoires, comme si des forces destructrices s’ingéniaient à faire obstacle à sa libération.
Ces énergies peuvent être perçues dans des formes agressives matérialisées que certains mystiques ont cru percevoir comme les forces du mal.
Penser avoir découvert la vérité est la plus grande des illusions.
Celui qui sait se sent au-dessus de la Connaissance.
Celui qui veut savoir est toujours dans la dualité de son désir.
Celui qui sait ou qui veut savoir est toujours dans l’égo.
Vous êtes toujours la Vérité, avant, pendant et après sa réalisation.
La Vérité est notre véritable nature. Elle n’a pas besoin de notre connaissance pour exister.
Elle est Existence, Conscience et Paix.

L’Ego

L’ego veut toujours s’accaparer l’expérience, il est nécessaire de s’en protéger.
Le but est justement de se séparer de nos fausses identifications au corps, aux sens et au mental et de tourner son attention pour atteindre la position du témoin.
Quand le corps, les sens et le mental sont éliminés de la Conscience, celle-ci, support de chaque expérience, brille de toute sa splendeur.
Exprimer une expérience spirituelle est une erreur d’aucune aide. Il n’y a qu’une seule expérience spirituelle : elle consiste à connaître le Soi ou à le visualiser sans la moindre relation de sujet à objet. Cependant, l’ego tente ensuite d’exprimer cette expérience en mots, sans jamais avoir été présent dans l’expérience. Dans cette tentative, l’ego caricature misérablement l’expérience spirituelle avec la seule norme qui lui est disponible : la relation du sujet à l’objet.
L’ego prend le rôle du sujet et essaie de faire du Soi impersonnel son objet en l’appelant « bonheur ».
Ainsi l’ego prétend s’être réjoui du bonheur. Cette déclaration n’est rien d’autre qu’un mensonge car l’expérience a été unique et indivisible.
L’ego est un mixte fallacieux entre la réalité du Soi et l’irréalité du corps et de l’esprit.
La présence de la réalité dans l’ego, permet à l’ego de se rappeler de l’expérience réelle au moins partiellement. Mais la mémoire devient floue avec l’identification de l’irréel au réel.
Le souvenir de l’expérience est d’autant plus déformé par la tentative de l’exprimer à travers l’étroit média du langage de l’esprit.
La langue est l’art de dissimuler la pensée. La pensée est l’art de dissimuler la Vérité.
La Vérité transcende la réalité et l’illusion quand l’esprit ne peut concevoir que ces deux oppositions.
La véritable nature de la Vérité n’est pas compréhensible par le mental.

Se sentir établi dans la Vérité.

L’homme ordinaire souhaite se sentir établi dans la Vérité et la visualiser. Cela prendra du temps pour que le samskara de ce désir le quitte complètement.
Chaque fois que ce samskara arrive, il faut diriger son attention sur la Vérité et ce samskara s’évanouira pendant un moment.
Ne cherchons pas à utiliser le mental, laissons la Vérité s’imposer d’elle-même. Elle est l’épanouissement de la liberté.
La visualisation de la Vérité n’empêchera pas les anciens samskaras d’exister mais ils pourront progressivement être maîtrisés.
On peut considérer aussi la dualité qui forge notre monde comme un de nos samskaras.
La libération est la fin de l’esclavage. Les deux n’existent que l’un par rapport à l’autre, comme la vue existe en opposition avec la cécité.
Pour atteindre l’absolue réalité, il faut transcender les contraires comme l’esclavage et la libération.

La voie de la Vérité.

La vie dans laquelle nous existons est pour chacun de nous la plus parfaite, c’est celle qui nous demande le moins d’énergie. Quand nous souhaitons changer d’existence pour avoir une vie meilleure, toute l’énergie que nous allons devoir utiliser pour avoir une existence plus agréable sera autant d’ardeur que nous ne pourrons plus consacrer à notre recherche spirituelle.
Si des changements doivent s’opérer au cours d’une existence, ils n’entameront pas notre recherche. La vie est à l’extérieur, notre recherche est à l’intérieur, elles sont sur deux plans différents. On peut considérer que notre situation dans la vie est toujours la plus appropriée pour poursuivre notre quête spirituelle.

La naissance d’un enfant.

Les parents en donnant naissance à un enfant sont responsables de lui avoir donné un corps, source d’esclavage et de tracas.
Dans ce monde phénoménal, on pourrait considérer que c’est une erreur. Pour compenser, les parents devraient aider leur enfant, de telle manière qu’il en soit conscient et instiller en lui un profond désir de libération. Il n’est pas nécessaire de montrer à son enfant le chemin de la vertu, celui de la raison ou du progrès.
Pour lui, ces mots sont vides de sens. Il est préférable de lui faire découvrir qu’il existe en lui ce principe lumineux et permanent qui est la vie.
Progressivement, l’enfant prendra conscience que ce principe de vie est la première apparition ou émanation de la Vérité. L’attachement à ce principe orientera ses aspirations vers plus de noblesse d’âme que n’importe quel autre discours.

L’erreur de base

Le monde de la diversité est construit sur le concept de la dualité. Elle présuppose une existence distincte et indépendante de l’objet et du sujet.
La dissociation du couple sujet-objet, celui qui perçoit et l’objet perçu, est l’erreur de base qu’il a suffi d’éliminer pour s’établir dans la Vérité.
Notre illusion, ce rêve éveillé, nous pourrions la vivre dans la liberté et la joie, sans limitation. Cependant, le temps, l’espace et la causalité sont si puissants dans notre mode de pensée qu’il nous est pratiquement impossible de pouvoir nous séparer d’eux.
Nous avons l’illusion d’un monde en trois dimensions quand il n’y a que la Réalité.
Ces attachements, ces samskaras sont tellement enracinés en nous, que l’explication de la Vérité ne peut pas nous aider à la découvrir subitement. Elle transcende le mental et ne peut être appréhendée logiquement.
Ce sont les activités du corps, des sens et du mental qui font obstruction à notre véritable nature. Les textes ne peuvent être qu’une approche pour l’aspirant à la Vérité. Il rencontrera ensuite, en cheminant, le Maître spirituel qui l’aidera à se réaliser. La relation de Maître à disciple se situe au-delà du champ de la compréhension humaine.

La Vérité réalisée.

Sachez que les samskaras de votre ego s’atténueront progressivement jusqu’à leur disparition. Si les ombres des anciens samskaras rodent encore, elles ne le feront que pour obéir à votre plaisir. Quand les samskaras de votre véritable nature seront assez forts pour se substituer aux anciens, il n’y aura plus rien à accomplir. Vous ne serez plus attiré par le désir et il ne pourra plus jamais vous éloigner de la Vérité. Enfin, plus aucune question ne pourra vous perturber.
Vous pourrez donner libre cours à vos émotions et à vos sentiments, comme tout être passionné, mais vous saurez, tout aussi simplement, vous en détacher pour passer à une autre activité comme un comédien sur une scène de théâtre.
Quand votre attention sera dirigée vers votre Nature véritable par un mot ou un événement extérieur, les activités du corps, des sens et du mental se dissiperont et vous serez en paix dans le plus profond de votre être.
Quand votre corps, vos sens et votre mental fonctionneront, vous saurez sans le savoir que votre centre ne peut jamais être ébranlé.
Vous pourrez alors faire face à la mort du corps avec autant de facilité et de contentement que lors d’un événement ou d’une fête agréable.

Des marqueurs.

Dans cet essai, à chaque fois que nous cherchons à comprendre quelque-chose, nous partons de l’erreur pour cheminer vers la Vérité. Nous mettons en exergue les artéfacts culturels dans le but de dépasser l’illusion.
Les mots, les pensées ne peuvent être que des marqueurs qui indiquent le chemin à prendre. Une fois l’objectif atteint, ils n’ont plus de sens.
Imaginez que vous vous rendez à Rome par la route, vous suivez les panneaux indiquant la direction, les uns après les autres. Vous n’allez pas analyser chaque panneau en vous demandant s’il est pertinent, car vous n’avanceriez pas et n’atteindriez jamais Rome. Pour y parvenir, vous vous contenterez de les suivre jusqu’à destination sans jamais y repenser. Une fois la Vérité atteinte, il n’y a plus d’ignorance, d’illusion ou d’erreur. Pourtant pendant tout le chemin, il y a toujours cette erreur de départ dont il est bien laborieux de se séparer.

L’illusion du serpent

L’homme est esclave de sa vie quand il est persuadé d’avoir été l’acteur de toutes les activités physiques, mentales ou émotionnelles qu’il a vécu. Il est pris dans l’étau de l’espace-temps et de la causalité. Il a perdu sa liberté d’action, il est conditionné par son destin.
Peut-il s’éveiller et trouver le chemin de la liberté ?
Vous avez cru voir un serpent mais en réalité quelqu’un vous montre que ce n’est qu’une corde. L’illusion du serpent n’apparaîtra plus à celui qui a vu la corde.
L’Homme devait passer par l’ignorance pour atteindre la connaissance : cet animal à deux pattes est devenu un humain quand il a pris conscience d’un absolu, tout en restant identifié à son corps. Cette dualité l’a contraint à une profonde incompréhension.
Par son ignorance, il s’est mis à imaginer à des faits surnaturels. De ses croyances, il a conçu des êtres supérieurs qui dirigent le monde puis un être suprême, créateur du ciel et de la terre. En remettant en question ses croyances, il découvre la connaissance, la Réalité. Il est alors libéré de son erreur fondamentale qui était de s’identifier au corps, au mental et aux sens.
Pendant notre existence, nous nous sommes pris pour ce corps, pour nos pensées ou pour nos sens. Il est alors naturel d’être dans un univers aussi varié : la diversité commence quand une chose est divisée en deux par de simples mots.
Le pot de terre n’existe que parce que la terre existe. Dans cet exemple, la terre est Existence. La forme du pot est la limitation par la quelle nous percevons la terre.
Si je suis ce corps, l’existence paraît alors limitée à la vie du corps, la connaissance devient limitée au mental, qui connaît l’objet.
L’objet prend alors toute son importance en paraissant exister avant que l’on en ait eu connaissance et nous sommes alors projetés dans l’illusion du monde.
C’est la Connaissance qui prend la forme de l’objet : elle est le fond, le support, l’essence même de l’objet. L’objet apparaît et disparaît dans la Connaissance qui reste inchangée.
L’objet est comme la vague qui apparaît et disparaît sur la mer, et qui n’est que de l’eau.
Ces formes ne sont que des limitations supposées de l’eau. La limitation crée la diversité, la diversité donne l’illusion du monde et le monde nous renvoie à des questions.
C’est en découvrant l’illusion du monde que l’on découvre la Réalité.
Le fait que j’existe est la seule certitude qui ne peut être remise en question.
En percevant le monde par l’intermédiaire des sens, l’existence qui m’est propre est transférée aux objets perçus et au monde qui les supporte. Le monde n’est qu’un tigre en papier qui a pris l’apparence de la Réalité. Si l’on se tient comme le témoin indivisible au-delà du mental il n’y a pas de diversité, il n’y a qu’expérience.
Quand l’illusion est connue, il n’y a plus d’illusion. Seule l’ignorance de l’illusion est la cause de l’illusion.
Réaliser l’illusion du monde n’est qu’un passage de l’homme ignorant persuadé que le monde existe, à l’homme éveillé libéré de l’illusion.

Le chemin de l’intuition.

Après avoir vécu par l’instinct dans le monde animal, par la croyance et la superstition dans le monde civilisé, l’être humain peut franchir une nouvelle étape en accédant à la Connaissance. Lâchant prise, rassuré du pourquoi, du comment, n’ayant peur ni de Dieu, ni de la mort, n’ayant ni l’angoisse de demain, ni la haine de l’autre, expérimentant la paix, nous sommes sur ce chemin de l’intuition.

Aphorismes :

Thou art that.
« Tu es cela » consiste en deux parties : tu et cela. Je ne suis pas le corps, les sens ou le mental. Je suis présent dans le sommeil profond sans corps, sans sens, sans mental. Ce que je suis dans le sommeil profond est montré par le sens de « cela ». Il est possible de visualiser naturellement ce que je suis. C’est comme cela que l’aphorisme « Thou art that » » doit être compris.

That twam asi . 
Cela tu es : la Vérité

Prajnyanam asmi.
Je suis Conscience

Aham Brahmasmi
Je suis Brahman

Prajnam Brahma
La Conscience est Brahma

Ayam Âtmâ Brahma
Cet Âtmâ est Brahma

Notes explicatives

Advaita : Non dualité – non deux.
Âtmâ : Le vrai Soi par opposition à l’ego.
Avidya : Connaissance inférieure, connaissance du monde extérieur incluant le corps et l’esprit.
Brahman : Conscience cosmique présente en toute chose.
Brahmane : Membre d’une des 4 castes de l’Inde, la plus élevée. Originellement, le Brahmane est un officiant du sacrifice védique.
Ego : Identification de soi au corps et au mental.
Guru : Maître spirituel, celui qui est grand.
Mantra : Formule formée de syllabes répétées suivant un certain rythme dans un but de méditation.
Maya : Illusion.
Prakriya : Méthode.
Samskara : Disposition mentale qui compose notre personnalité.
Sanskrit : Langue des textes hindous.

Sat – Chit – Ananda
Sat : Existence absolue.
Chit : Conscience absolue.
Ananda : Paix absolue.

Vedanta : Aboutissement.
Vidya : Connaissance pure tournée vers Soi.

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