a) Le monde : le miroir du Soi

La pure Conscience est l’ultime réalité. Elle s’exprime elle-même comme Conscience de Soi sans admettre un support. C’est la plus immédiate de toutes les connaissances et son identification avec l’être est totalement au-delà de la relation sujet / objet. La Conscience semble dégénérer, en apparaissant s’exprimer à travers le mental et les sens, comme les pensées et les perceptions. En acceptant l’intermédiaire du mental et des sens, les apparences que l’on nomme pensées et perceptions semblent être séparées du Soi.

• L’apparition du monde

  1. Je suis existence inconditionnée, Je suis.
  2. Je sais que je suis. Je suis le témoin de la pensée générique.
  3. La pensée devient particulière incluant le temps, l’espace et la causalité. J’étais avant, je serai après, le temps est devenu le support.
  4. En me séparant de la pensée, Je deviens le penseur de la pensée. Je suis le penseur qui pense la pensée.
  5. Je deviens ensuite celui qui perçoit un objet dans un monde qui s’est concrétisé.
  6. De cette perception je deviens l’acteur, celui qui fait et qui agit dans ce monde d’objets. Je ne remets plus en question la perception du monde.

• L’apparence du monde

L’illusion est transformée en réalité. Dans la position de l’eau il n’y a ni vague, ni mer, ni flaque d’eau, il y a « eau ». Dans la position du marbre il n’y a pas de sculpture. Dans la position de la terre, il n’y a pas de pot. Je suis Existence, Conscience et Paix. Je suis le lien de chaque perception et ce n’est que par moi qu’elles existent. Dans le rêve, c’est simple à comprendre : il s’y passe tant de choses. Ces événements ne sont reliés entre eux que par le sujet-acteur qui devient le seul témoin quand le rêve est mémorisé, c’est-à-dire quand il est devenu connaissance. Le monde est notre miroir : un objet ne peut être qu’un objet perçu par un sens ; sans être perçu, il ne peut pas exister. Si notre conception du monde est matérielle, on le perçoit en possédant un corps matériel. S’il est perçu par l’esprit, il est une pensée. L’objet dépend de la perception, mais rappelons-nous qu’il ne peut pas y avoir deux perceptions en au même moment. Si deux objets ne peuvent pas coexister, on ne peut pas les comparer. Par conséquent, il n’y a pas de diversité. La diversité est aussi une illusion. Ce qui nous rend esclave est notre conviction que l’objet continue à exister après en avoir eu connaissance et notre libération s’opère quand nous réalisons qu’il n’en reste aucune trace. L’être identifié au corps enfante un monde dans lequel il agit, perçoit, pense, vit des émotions et enfin connaît. A chaque expérience, il est convaincu d’être celui qui agit, celui qui pense ou celui qui a des émotions. Encore une fois, l’exemple du serpent et de la corde illustre bien cette illusion. Le serpent représente la totalité du monde matériel et mental. La corde représente la réalité qui sous-tend cette illusion. Il n’y a jamais eu de serpent à la place de la corde comme il n’y a jamais eu de monde à la place de la Réalité.
La terre n’est pas le pot, mais le pot est la terre. La Conscience n’est pas l’objet mais l’objet est Conscience. La vague et l’océan sont des objets, mais ne sont que de l’eau, ils sont « un » et semblables. Tous les chemins spirituels cherchent à montrer la réalité derrière l’apparence. Mais si on regarde depuis la Réalité il n’y a plus d’apparence. Prenons un bracelet en or, au premier regard on ne voit que le bracelet, à la pensée suivante on voit que c’est de l’or. A cause de la perception, on met plus d’emphase sur la forme que sur l’or. On peut penser ensuite que la forme change, mais que l’or reste invariable. L’or est permanent et la forme n’est qu’une illusion. Maintenant si on regarde le bracelet, de la position de l’or, on ne voit que l’or dans le bracelet. Même dans l’apparence il n’y a que l’or qui apparaît, jamais le bracelet. Un bracelet est un bracelet par convention. Si vous réussissez à voir l’or dans le bracelet et que vous comprenez que l’or est la seule partie permanente, alors dans chaque perception du bracelet, vous ne verrez que l’or. De la même façon, quand vous voyez que vous n’êtes ni ce corps, ni ces sens, ni ce mental, qui ne sont que les ornements du Soi, vous mettez en valeur le Soi comme vous avez mis l’or en valeur.
Acceptons un moment que le fait de voir soit possible : je vois. Mais qu’est que cela prouve ? Cela prouve que je suis, que j’existe et rien d’autre. Le monde apparaît, cela veut dire que le monde est éclairé par la Conscience. Chaque objet apparaît dans la Conscience et prouve que j’existe, je suis.
La Vérité est imperceptible à nos sens, elle apparaît comme ce monde quand on regarde à travers les sens. L’homme commun ne voit que l’apparence et lui attribue toute la réalité. Les objets existent dans l’espace. L’espace ne peut être conçu indépendant des objets eux-mêmes. Par conséquent, l’espace et les objets sont mutuellement dépendants de leur existence, on peut donc les éliminer comme étant tous les deux irréels. Seul la Conscience reste réelle. L’espace est un nom inapproprié et ce qui apparaît comme l’espace n’est rien d’autre que la Conscience.
Nous avons vu qu’aucune perception ne pouvait s’arrêter en chemin. Chacune prend fin dans la connaissance. La perception et « ce qui est perçu » n’existent que dans la connaissance, ils ne peuvent pas avoir d’existences indépendantes. Quand je dis que je vois une forme, voir et forme ne sont pas séparés. La forme désigne un objet d’une certaine matière. Prenons encore le pot de terre. Si on enlève la terre du pot, il n’y a plus de pot. Mais peut-on voir de la terre sans forme ? Certes non, on peut voir une motte de terre, un champ de terre. Maintenant si on enlève la forme du pot, la terre ne peut pas exister sans prendre une autre forme. Chaque perception, chaque expérience apparaît et disparaît dans la Conscience. Le pot de terre n’est pas fait de forme ni de terre mais de Conscience. En prouvant que l’objet est non existant, on prouve de la même façon qu’il n’avait jamais existé auparavant et qu’il n’existera jamais ultérieurement.
L’illustration du pot et de la terre est généralement adoptée pour montrer que le monde n’est rien d’autre qu’Âtmâ, le Soi. La terre représente Âtmâ et le pot représente tout ce qui est autre qu’Âtmâ, que ce soit grossier ou subtil comme le nom, la forme, l’utilité… en d’autres termes, le pot matérialise l’objet dans son sens le plus vaste. Cette image veut montrer qu’il n’y a pas de pot indépendant de la terre. Par conséquent quel que soit le moment, il n’y a pas de pot mais seulement la terre. De façon similaire il n’y a pas d’objet ou de monde tel quel, mais seulement Âtmâ. Le mieux est de voir le pot comme rien d’autre que la terre même quand le pot reste comme un pot. C’est ce qu’on appelle la totale discrimination.
La totale discrimination est une activité particulière mais pas une pensée bien qu’elle semble ainsi. Son principe est d’éliminer à l’aide d’arguments, la supercherie du corps, des sens et du mental. Ce qu’il reste est Âtmâ le Soi réel, l’absolue Vérité.
Le monde n’est qu’un ensemble de problèmes qui surgissent par l’ego dans une chaîne ininterrompue tandis que l’ego échappe toujours à la reconnaissance. Toutes les sciences tentent d’analyser et d’examiner chaque objet en oubliant le maître des usurpateurs : l’ego. De ce fait, leurs méthodes ne pourront jamais épuiser les problèmes du monde, ni les terminer avec une conclusion raisonnable. La seule approche correcte pour résoudre ces problèmes est de diriger son attention vers le sujet qui est nié : l’ego. Au moment où l’on commence à le faire, on se positionne sans le savoir dans la Conscience au-delà de l’ego et du mental. Alors l’individu est libéré de l’ego et n’apparaît plus que comme la Conscience elle-même. Grâce à ce positionnement, les problèmes déconcertants du monde disparaissent comme le brouillard devant le soleil, définitivement.

• L’inexistence du monde

Une chaise n’est une chaise que par convention. Elle devient un objet qu’à partir du moment où l’on connaît la chaise. Nous avons vu que pour la connaître, la perception doit disparaître pour devenir de la connaissance. Nous pouvons dire que notre rôle consiste toujours à détruire le monde à chaque fois qu’il apparaît. Le monde n’est fait que de perceptions, pensées et émotions. Aussitôt que l’une d’elles apparaît, elle est absorbée par la Connaissance, détruisant ainsi l’objectivité du monde. Le mental agit pour retourner au silence et à la paix. L’émotion est l’autre facette du mental, c’est le sentiment qui tend vers le bonheur et dès qu’il y a bonheur, il y a dissolution dans la paix.
Posez-vous la question : qui suis-je ? Pensez à votre corps, à vos expériences sensorielles, à votre mental, à tout ce que vous connaissez, tout ce qui est séparé de vous. Quand toutes ces pensées s’arrêtent, vous ne pouvez pas dire que vous n’existez plus ! Vous êtes ce principe d’existence qui demeure après que tout ce que vous pouvez percevoir a été éliminé. Comme dans le sommeil profond, Une seule certitude existe : je suis.
En regardant une magnifique sculpture en marbre, vous ne voyez que la forme dans le marbre. Mais si votre fascination pour la forme disparaît, vous ne verrez plus que le marbre. Pour le marbre, il n’y a que marbre, la forme est une illusion. De la même façon, l’être est sans objet, il ne possède pas, il est. L’être et le corps sont sur deux plans différents. Mais, parce que nous croyons à ce monde d’objets, pour se rapprocher au mieux de notre intuition de la Vérité, sans perturber nos croyances, nous nous devons de croire que le corps est habité par l’âme ou l’être.

 

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